samedi 4 janvier 2014

« Les Saisons » (Vremena goda) d'Artavazd Pelechian (1972)

    « Les Saisons » est un joli court métrage, d'une grande fraicheur, en raison de son aspect pris sur le vif, entre fiction et documentaire. Il est question des relations difficiles entre l'homme et la nature, mais aussi du quotidien de gens simples, vivant à la campagne. Pelechian utilise une sorte de montage poétique, instinctif, plus proche de Tarkovski qu'Eisenstein, pour donner à ses images une profondeur conséquente. Au fond, en filmant le particulier, Pelechian traduit l'universel : la dureté de la vie humaine... et sa beauté. Son court métrage se passe de paroles : tout est dit par l'image, agrémentée d'une partition de choix (Bach semble-t-il, L'Eté des « Quatre Saisons » de Vivaldi,...). On aimerait que les films de Pelechian durent plus longtemps, tant il est évident que l'on a affaire à un humble mais authentique poète.

[2/4]

jeudi 2 janvier 2014

« Lord Jim » de Richard Brooks (1965)

    L'orgueil. La gloire. L'honneur. Et la chute, terriblement humaine. Des mots qui semblent qualifier la destinée de Jim, marin déchu, en quête de rédemption. Finalement, qu'est-ce qui distingue un héros d'un lâche, se demande Jim... Bien peu de choses parfois, nous dit Conrad dans son œuvre phare. Je vois un peu Joseph Conrad comme un Dostoïevski occidental, c'est-à-dire un peintre de génie de l'âme humaine, dans tout ce qu'elle a de plus complexe. Mais un Dostoïevski sans cette lueur d'espoir, qui donne à l’œuvre du russe une grandeur sans pareille. Le récit de Conrad est profondément sombre : tout paraît emporté par les flots tragiques de la fatalité. Pour autant, certains moments nous donnent du répit, une accalmie semble se dessiner au loin, des hommes d'une réelle et grande bonté surnagent dans l'horreur des évènements. Mais l'homme étant ce qu'il est, il se voit rattraper par ses tourments et ses mauvais penchants. Richard Brooks retranscrit avec talent à l'écran le drame de la vie de Jim, avec un Peter O'Toole crédible dans le rôle éponyme. On perçoit sans peine les remords qui l'assaillent, et qui l'obsèdent. D'une mise en scène classique, presque académique, le « Lord Jim » de Brooks est cependant d'une force incroyable, d'une intensité difficilement soutenable, plus encore peut-être que l'« Apocalypse Now » halluciné de Coppola, adaptation d'« Au Cœur des Ténèbres », autre grand roman de Joseph Conrad. Le rythme du film est en effet haletant, et les scènes de batailles réservent de grands moments de suspense. De surcroît, jusqu'à la fin du long métrage, l'intrigue est surprenante. Les différents revirements de Jim n'auront pas fini de nous interpeler et de nous étonner. Mais finalement, n'est-il pas un homme, juste un homme, comme nous ? Qui peut le juger ? Pas même le marin qui intervient avec prudence lors de son procès. « Lord Jim » est donc une grande épopée humaine, une tragédie antique et moderne, beaucoup plus riche, dense et subtile qu'un « Gatsby le Magnifique », mais du même ordre dans la dénonciation de l'hubris, de la démesure humaine.

[3/4]

Citation du jeudi 2 janvier 2014

« C’est une chose que l’on perçoit aujourd’hui : dès que l’on met de l’or sur un tableau, dès que l’on a une sonorité musicale d’une certaine qualité, les gens fuient, s’en vont. Ils disent : « C’est du religieux, je me tiens à distance ! ». [...] Or, s’il est une valeur à retrouver, une valeur qui surpasse toutes les autres, c’est le sens transcendant de la beauté. C’est d’une importance capitale : autrement, il n’y a pas d’art. »

Arcabas
(Entretien avec Enzo Bianchi, dans Arcabas, L’Enfance du Christ, 2002)

***

Bonne année !

lundi 30 décembre 2013

« Fanfulla » (Le avventure di Fanfulla) de Mino Milani et Hugo Pratt (1981)

    Quel plaisir! Une réédition d'un album de bande dessinée digne de ce nom! Le fait est suffisamment rare, en ces temps de merchandising acharné, pour être souligné. L'histoire, captivante, a beau être signée Milani, « Fanfulla » est du pur Hugo Pratt. Je ne parle bien évidemment pas du coup de crayon si particulier de l'italien, un peu brouillon ici, mais par moments grandiose. Comme d'habitude, d'ailleurs, malgré les efforts déployés pour la mise en couleur, rien ne vaut un bon noir et blanc dessiné de main de maître, que nous ne pouvons qu'imaginer en l'occurrence. Mais ce qui fait que nous nous retrouvons en terrain connu, c'est tout d'abord cet anti-héros bagarreur, violent, qui cache sous la crasse et le picaresque un cœur d'or, et même une âme de chevalier. Fanfulla est certes un mercenaire, mais c'est avant tout l'alter ego de Corto Maltese : un bandit qui sert son propre intérêt... jusqu'à ce que l'honneur l'oblige à prendre parti pour les faibles et les opprimés, toujours avec un flegmatisme et une nonchalance inimitables. Pas de doute, Fanfulla est un héros complexe, lointain aïeul de Corto ou du lieutenant Koïnsky, des « Scorpions du Désert ». L'intrigue, quant à elle, ne dépareille pas dans l’œuvre du dessinateur italien. On retrouve ce mélange de bravoure et de traitrise, d'amour et d'aventure qui a fait son succès. Campée dans un contexte historique bien précis, le pillage de Rome et Florence par les troupes de Charles Quint, c'est l'occasion pour Milani et Pratt de s'approprier une nouvelle période de l'Histoire, et de donner vie à des personnages bien en chair, et proprement inoubliables. Notons, pour finir, que « Fanfulla » est un album complet : le scénario est entier (avec un début et une fin), et il ne manque pas de planches (du moins pas à ma connaissance), contrairement à « Sandokan », album inachevé. Voilà donc un opus qui devrait ravir les inconditionnels d'Hugo Pratt, et les amateurs de bandes dessinées de qualité.

[3/4]

dimanche 29 décembre 2013

« L'Onde Septimus » de Jean Dufaux, Antoine Aubin et Etienne Schréder (2013)

    « L'Onde Septimus » est un projet mort-né, tout comme « L'Etrange rendez-vous ». Je serai donc tout aussi catégorique. L'équipe à l’œuvre ici, à l'image de celle de l'opus précédemment cité, ont décidé de sucer jusqu'à la moelle des albums de Jacobs se suffisant à eux-mêmes, pour des raisons de facilité bassement commerciales. Bon sang, pourquoi vouloir donner une suite à « La Marque Jaune », qui compte parmi les albums de la série autonomes, cohérents en diable et d'une grande qualité ? Aura-t-on droit au « Secret de l'Atlantide 2 » ? A « S.O.S. Météores 2 » ? Au « Piège diabolique 2 » ? Surtout que le résultat est très décevant. L'intrigue est brouillonne, pleine d'une familiarité déplacée et d'un langage ampoulé loin de l'efficacité narrative jacobsienne, certes très précise donc longue et fastidieuse, mais jamais gratuite. De surcroît, le rythme est bancal : l'intrigue met du temps à démarrer et aboutit à un final médiocre. Dommage, car quelques pistes étaient bienvenues : l'errance hallucinée d'Olrik notamment, que l'on découvre sous un nouveau jour. Et puis n'oublions pas LA fausse bonne idée de l'opus : cette myriade de Septimus sous leur parapluie... absolument ridicule, pas du tout angoissante, et d'une lourdeur pachydermique. Les auteurs ont voulu faire revivre Septimus. Soit. Mais là il lui enlèvent tout mystère, le galvaudent, et il ne se résume plus qu'à ce qu'il est ici (et à ce qu'est cet album) : un cliché défraichi. Décidément, il paraît bien difficile pour les équipes qui ont repris la série de retrouver le souffle et l'universalité qui parcouraient l’œuvre de Jacobs, loin de la science-fiction de pacotille qui veut se substituer à la flamboyance des Jacobs les plus ambitieux. Le dessin quant à lui est excellent en ce qui concerne les personnages : à l'inverse du trait de Juillard, ici nous avons le droit à une copie conforme du style Jacobs. Et c'est bienvenu. Non pas que que le style Juillard me déplaise : tout comme Ted Benoît, Juillard a su redonner vie aux héros de Jacobs avec un brin d'originalité qui ne nuit pas à la qualité visuelle de la série. Aubin, pour sa part, s'en tire plutôt bien... Car dès que l'on regarde trop l'arrière plan, on sent comme une impression de vide : c'est assez bâclé. Mais le pire se ressent vers la fin de l'album : là tout s'étiole, personnages comme décors. Pressés par un Noël 2013 qui s'approchait à grands pas, les auteurs ont en effet dû mettre les bouchées doubles pour sortir l'album à temps... Aux dépens de la qualité de l'ouvrage. Grande déception donc, que cette « Onde Septimus ». L'avenir de la série n'appartient-il pas à ces tentatives de créer de nouvelles intrigues et de nouveaux personnages sans s’arrimer au passé (tout en respectant l'esprit – et non la lettre – de la bande dessinée originelle), comme dans le cas de « L'Affaire Francis Blake », « La Machination Voronov » ou « Le Serment des Cinq Lords » ? Bref, à véritablement (oser) créer, plutôt que reprendre jusqu'à épuisement des œuvres, elles, accomplies ?

[1/4]

« Le Serment des Cinq Lords » d'Yves Sente et André Juillard (2012)

    Voici donc le 21ème album des aventures de Blake et Mortimer. Après être passée par des hauts (la majorité des albums de Jacobs, « L'Affaire Francis Blake » ou « La Machination Voronov ») et des bas, voire des très bas (le scénaristiquement très paresseux « Etrange rendez-vous » ou l'insipide « Sanctuaire du Gondwana »), la série repart de plus belle, et voilà nos héros britanniques prêts à combattre de nouveau le crime. Fort heureusement, le résultat est assez probant : « Le Serment des Cinq Lords » est un album au scénario bien construit, ménageant du suspense, autour d'une intrigue crédible (une fois n'est pas coutume), laissant une part de mystère environner le tout pour donner une relative dimension à l'histoire qui nous est contée. Le dessin de Juillard est, comme d'habitude pour cette série, élégant et original à la fois. Et les couleurs de Madeleine de Mille sont là aussi, comme d'habitude, bien belles. Le contrat est donc rempli : malgré des circonvolutions et des facilités narratives, Sente et Juillard ont réussi leur pari de donner vie une fois de plus à des personnages archi-connus, et de façon pertinente. Oui : cela vaut le coup de lire « Le Serment des Cinq Lords », hourra! Ce n'est certes pas un grand album, loin de là. Car c'est là le revers de l'une de ses qualités : l'histoire est tellement prometteuse que l'on aurait voulu qu'elle soit plus développée, elle semble trop étriquée et le soufflet retombe trop vite pour donner l'impression que l'on a eu affaire à un opus de choix. Pour autant, Sente et Juillard n'ont pas à rougir de leur effort, cet ouvrage vaut bien (voire dépasse) à mon sens « L'Affaire du Collier ». Soit l'un des plus mauvais Jacobs à mon goût (trop quelconque, trop banal, en réaction à la fantaisie du « Piège diabolique »). Mais un Jacobs tout de même.

[2/4]

lundi 23 décembre 2013

« Little Nemo » (Winsor McCay, the Famous Cartoonist of the N.Y. Herald and His Moving Comics) de Winsor McCay (1911)

    Ce bref court métrage demeure l'un des témoignages les plus touchants de la naissance de l'animation cinématographique. Winsor McCay, avec beaucoup d'humour, relève un pari devant ses amis : dessiner en un mois 4 000 dessins et les animer. On le voit donc s'affairer sur son bureau, perturbé par de maladroits visiteurs. Puis vient le miracle : un peu plus d'une minute de poésie pure, durant laquelle les personnages de sa bande dessinée « Little Nemo in Slumberland » prennent littéralement vie sous nos yeux. Que dire de sa maîtrise du mouvement ! De toute évidence, McCay est l'une des grandes références de Miyazaki. Mais n'oublions pas sa gaieté ainsi que sa propension comique (contrebalançant une véritable noirceur dans d'autres de ses œuvres), et plus encore, sa délicatesse : Little Nemo et la Princesse de Slumberland sont une fois de plus finement dessinés, dans une scénette admirable. Mais 10 minutes, c'est court : on reste finalement sur notre faim, et l'on se prend à rêver de ce que serait devenu le monde de l'animation si Winsor McCay avait réalisé de longs métrages avec son jeune héros.

[4/4]

jeudi 19 décembre 2013

« La Forteresse cachée » (Kakushi toride no san akunin) d'Akira Kurosawa (1958)

    « La Forteresse cachée » est un pur divertissement, mais un divertissement de grande qualité, denrée plus que rare dans le paysage cinématographique actuel. Akira Kurosawa use pour la première fois du format cinémascope, mais le maîtrise déjà : sa science du cadrage fait de chaque plan une image mémorable.
 
Et le scénario s'avère haletant : un territoire japonais, le fief Akizuki, est décimé et occupé par un fief rival, celui des Yamana. La princesse du clan Akizuki cherche alors à quitter ses terres, avec l'or de sa famille, pour faire renaître sa dynastie. Elle est accompagnée de fidèles compagnons, et l'on suit donc la fuite des héros, cherchant à tromper la vigilance des Yamana.
 
Sans compter que l'on est guidé dans ce périple par deux anti-héros : les paysans cupides Tahei et Matashichi, très drôles. « La Forteresse cachée » est parcouru d'un certain pessimisme, assez sombre, et en même temps d'un souffle réjoui, plein d'espoir dans le renouveau, et empreint d'une joie parfois picaresque.
 
Ainsi, « La Forteresse cachée » est un grand film d'aventure, une fresque épique qui n'a certes pas la profondeur des « Sept Samouraïs », ni l'éclat formel du « Garde du corps » (encore que) ou de « Sanjuro ». Mais c'est un long métrage en tous points réussi, émaillé de scènes d'anthologie : le combat à cheval de Rokurota, la danse du feu, les différents rebondissements...
 
N'oublions pas les acteurs, tous excellents, des deux paysans en passant par la princesse ou Mifune, égal à lui-même. Mentionnons pour finir la présence, en filigrane, de préoccupations sociales, typiques du cinéma de Kurosawa. « La Forteresse cachée » devient alors un film initiatique, notamment pour la princesse, qui reconsidère son peuple et apprend de son périple.
 
Sans être le plus grand des Kurosawa, ce film remonte sans cesse dans mon estime à chaque fois que je le revois, et je finis par penser qu'il figure dans ce qu'il a fait de mieux. Un long métrage de bien belle facture qui réserve un agréable moment de cinéma.

[4/4]

lundi 16 décembre 2013

« Un jour je m’en irai sans avoir tout dit » de Jean d'Ormesson (2013)

    Je découvre avec cet ouvrage Jean d’Ormesson, l’écrivain et non la personnalité médiatique, j’entends. Et je suis déçu. M. d’Ormesson est intelligent, il a de l’esprit – enfin il est drôle, il est plutôt joyeux, il est subtil, il est espiègle, il n’a pas peur de ne pas se revendiquer moderne, exècre le consumérisme ambiant... Bonne nouvelle ! Oui, mais il n’est pas Chateaubriand ni même Flaubert. Mince alors ! Car c’est là que le bât blesse : M. d’Ormesson, ne pourriez-vous pas faire un peu d’effort pour dire des choses un peu plus consistantes s’il vous plaît ? Eh oui, hélas, triste constat : « Jean d’O » n’a pas (ou plus) grand-chose à dire. Par contre ce « pas grand-chose » est fort intéressant, presque captivant. M. d’Ormesson  est un  privilégié. Mais il a l’extrême élégance de l’assumer, contrairement à beaucoup d’intellectuels et d’artistes de France ou d’ailleurs. Et en tant que privilégié, M. d’O a un point de vue (relativement) privilégié sur l’histoire de son temps. Il a vécu la fin des grands aristocrates terriens, rongés par le relativisme des mœurs et le relâchement moral (et inversement). Il a vécu la guerre, a côtoyé des résistants et approché les plus grands. Il a vécu l’Amour, avec un grand A. Il a de l’imagination et a goûté à l’Aventure. Et ça, oui, tout ça, c’est fort intéressant. Sur ce point donc, merci Monsieur d’Ormesson de partager votre expérience. Vous le faites bien, simplement et avec goût. Bravo ! Mais pourquoi vous embarrasser de métaphysique de bazar ? Pourquoi vous prendre les pieds dans de la vulgarisation scientifique disgracieuse ? Pourquoi énumérer sans fin vos vacances au soleil ? Et finalement, pourquoi tortiller du croupion (passez-moi l’expression) pour plagier le manuel de sciences naturelles de votre petit-fils, et nous pondre un livre aussi faiblement digne d’intérêt dans l’ensemble ? Avez-vous tant besoin d’argent que cela ? De notoriété ? De postérité ? Ou tout simplement, manquez vous finalement de goût… Ceci dit, je ne vais pas vous accabler, car vos confessions sont touchantes. Et j’exagère un peu, car je comprends que votre démarche pseudo-scientiste s’explique par vos convictions personnelles, bien estimables. Toutefois, comme votre ouvrage reste assez scolaire, je vais le noter scolairement, en bon lecteur qui se respecte. 1 sur 4, car j’estime à environ un quart de votre livre la matière qui mérite le nom de littérature. Et car j’attends un peu plus d’un Académicien (oui, je sais, je dois être un des derniers à attendre quelque chose des Académiciens) que votre effort inégal. Ceci dit, vous êtes loin d’être le pire des Académiciens (dont finalement très peu d’entre vous sont passés et passerons à la postérité, mais vous le savez mieux que personne), surtout que vous avez l’avantage de paraître bien sympathique. Donc continuez à écrire ! Seulement par pitié, prenez un peu plus de temps pour vous relire et sélectionner le meilleur de votre art. Car vous n’êtes certes pas Claudel ou Wilde. Mais vous n’êtes jamais aussi intéressant que quand vous êtes Jean d’Ormesson.

[1/4]

mercredi 11 décembre 2013

« Au-delà » (Hereafter) de Clint Eastwood (2010)

    « Au-delà » signe l'incursion de Clint Eastwood aux frontières du réel. C'est un film profondément marqué par l'idée de mort, comme le sont ses trois principaux personnages. Dans une esthétique assez glauque et terne, un homme, une femme et un enfant se retrouvent aux prises avec la Grande Faucheuse... et l'au-delà de la vie. Plus que les rapports étranges qu'ont les héros avec la mort, c'est le regard sur cette dernière qui semble intéresser Eastwood. Comment vivons-nous, comment acceptons-nous la mort ? Qu'est-ce que cela signifie pour nous ? Un passage, ou une fin de tout, tragique et terrible ? Y a-t-il un au-delà ? Que deviennent dans notre cœur les personnes chères qui nous ont quittées ? Sans proposer de réponses, Eastwood illustre le drame de plusieurs familles et personnes confrontées à ce qui demeure souvent l'inattendu, l'impensé. Sur ce point, je ne peux que louer la sobriété du ton d'Eastwood : sans rien asséner, il nous fait part de tourments que nous avons tous à un moment ou un autre éprouvés. Mais que dire du style ? La mise en scène est tout sauf exceptionnelle, le scénario parfois racoleur (mais parfois intelligent, il faut bien le concéder) nous laisse sur notre fin... et la vision de l'au-delà, même si ce n'est pas le propos du film que d'en montrer la substance, n'est pas plus concluante. En résulte donc un long métrage bancal, tantôt très subtil, tantôt assez grossier... et finalement en demi-teinte. On aurait bien voulu que la recherche du personnage incarné par Cécile de France (qui joue très bien, de loin la mieux, au passage) soit approfondie... Mais non, Eastwood survole le sujet. Et le personnage de Matt Damon n'est pas très crédible... Bref, peut mieux faire.

[1/4]