vendredi 30 décembre 2016

« Rogue One: A Star Wars Story » de Gareth Edwards (2016)

    Une agréable surprise ! Les échos dans mon entourage s'accordaient sur la qualité de ce nouvel opus sous licence Star Wars, à l'inverse du tant attendu épisode 7. Mon attente commençait donc à se faire sentir, et je peux dire que je n'ai pas été déçu, ce qui était loin d'être gagné d'avance vu comment Star Wars est devenu un vrai (et juteux) business. « Rogue One » est un vrai bon film de divertissement, sa grande force et sa faiblesse résidant dans la liberté prise par rapport à la saga d'origine. En effet, les scénaristes se sont sentis plus « libres » (c'est relatif) au point de ne pas réaliser un paresseux copier-coller d'un épisode précédent. Ouf ! Vu la rentabilité de la licence, un peu d'audace (c'est très relatif, je le répète) c'est la moindre des choses ! Il en résulte un long métrage bien construit, au rythme soutenu mais réservant quelques passages touchants, notamment grâce à cette relation père-fille brillamment incarnée par le toujours aussi talentueux Mads Mikkelsen et la jeune et prometteuse Felicity Jones. Les autres acteurs sont également crédibles, l'ensemble est donc bien plus qualitatif que « Le Réveil de la force », qui péchait par un scénario mille fois déjà-vu et une interprétation pour le moins inégale. Maintenant, si l'on veut pinailler, la faiblesse de cet opus c'est l'absence de quelques « indispensables » de la saga d'origine, à savoir principalement les affrontements entre Jedi, à travers l'usage de la force et les combats de sabres lasers, qui sont généralement impressionnants. C'est vraiment le gros manque que j'ai ressenti en regardant ce film. Et pour aller plus loin, la musique est clairement décevante, n'osant pas reprendre complètement les thèmes archi-connus de John Williams mais s'en inspirant tout de même, pour proposer des variations timorées et peu convaincantes. En résumé, il manque un brin de passion pour faire de cet opus une réussite totale, et un moment de cinéma aussi réjouissant que les 6 épisodes d'origine (oui oui, je les mets dans le même panier pour des raisons différentes, comme je l'ai expliqué ici). Toutefois, il s'agit là d'un blockbuster de qualité, ce qui se fait bien rare et d'autant plus appréciable de nos jours.

[3/4]

jeudi 29 décembre 2016

« The Grand Budapest Hotel » de Wes Anderson (2014)

    J’éprouve toujours le même sentiment devant un film de Wes Anderson, à savoir un ennui poli. Pourtant, « The Grand Budapest Hotel » est peut-être le meilleur film d’Anderson, du moins le plus ambitieux, peut-être pas le plus personnel ou le plus touchant (qualificatif que je réserverais à « La Vie aquatique ») mais sans doute le plus riche visuellement parlant et le plus méticuleusement construit. Méticuleusement, le mot est lâché. Car oui ses films ressemblent à de très jolies maisons de poupées, belles mais… artificielles et froides. En effet, pas de place ici pour l'inattendu ou la légèreté... Difficile de se sentir touché (sauf à de rares occasions) par un long métrage aussi ostensiblement fabriqué, où les coutures sont visibles de toutes parts, où la distanciation fait office de mantra, gorgé de pastiches et clins d’œil lourdingues au cinéma d’antan… On sent en effet la volonté de Wes Anderson de rendre hommage au cinéma muet ou aux films désuets de la première moitié du XXème siècle, mais je préfère de loin l’original à la copie. En plein dans la mode du rétro qui touche la musique ou encore la bande dessinée, Anderson se focalise sur les tics, gimmicks et autres artifices tape à l’œil de ses prédécesseurs au lieu de chercher à donner à son œuvre une âme, qui aurait pu passer par des personnages vraiment creusés et objets de sentiments ou d’enjeux un minimum intéressants, et non pas désespérément nombrilistes et surfaits. En bref, chez Wes Anderson la forme est démesurément privilégiée aux dépens du fond... A l'inverse de ce qui constitue l'ADN des chefs-d’œuvre dignes de ce nom. Restent une bonne dose d’humour au second, voire troisième ou quatrième degré, un Ralph Fiennes impérial, plusieurs bonnes idées de mise en scène… Ces quelques éléments sauvent de l’indigestion ce pudding boursoufflé à l’extrême, qui reste singulièrement sur l’estomac !

[2/4]

mercredi 28 décembre 2016

« La Reine des neiges » (Frozen) de Chris Buck et Jennifer Lee (2013)

    Si on sent un vent nouveau souffler sur le Studio Disney et ses longs métrages d'animation depuis quelques années, c'est peu dire que les derniers opus ne sont pas tous de la même tenue. « La Reine des neiges » est un sympathique long métrage, à l'animation irréprochable, plutôt de bon goût et surtout extraordinairement précise dans ses décors luxuriants, qui forcent le respect. Par contre l'intrigue ne m'a pas vraiment convaincue : elle part sur de bonnes bases, à savoir l'amour-haine que se vouent deux sœurs très différentes, l'une ayant hérité d'un grand pouvoir qu'elle peine à maîtriser, l'autre plus épanouie car pouvant vivre une vie simple et heureuse, le tout occasionnant quelques passages assez touchants. Mais peu à peu l'intrigue va verser dans les bons sentiments et le schématisme hollywoodiens. Quelques retournements scénaristiques parviennent à maintenir l'intérêt relatif du film, davantage en termes de suspense qu'en termes de profondeur. Car c'est là que le bât blesse : si à mon sens Ghibli fait de l'art, Disney fait du divertissement. En témoigne le passage obligé par des chansons horriblement niaises et surtout sans le moindre intérêt mélodique, avec l'animation façon chorégraphie qui va avec : en bref de la bonne vieille soupe de supermarché. On est loin de « Mary Poppins », d'« Alice au Pays des merveilles » ou du « Livre de la jungle »... On est plus proche de « Mozart l'opéra rock » ou de « Robin des bois » version M. Pokora... Limité par des défauts criants et la volonté d'éviter à tout prix de tomber dans le cliché du conte de fées Disney, « La Reine des neiges » finit maladroitement et ne laisse pas un grand souvenir... malgré d'indéniables qualités. Pas mal mais peut (vraiment) mieux faire.

[2/4]

« Chris Colorado » de Thibaut Chatel, Frank Bertrand et Jacqueline Monsigny (2000)

    « Chris Colorado » est une série animée qui a marqué mon enfance, notamment par son intrigue complexe et ses personnages mystérieux, au premier rang desquels Thanatos, despote tyrannique régnant sur un monde en ruine après qu'une météorite ait ravagé la Terre dans un futur proche. Son personnage est en effet au centre de l'histoire de cette série animée, éclipsant quelque peu le héros éponyme, un brin classique et convenu. Ce dernier cherche ce qu'il est advenu de ses parents, officiellement disparus dans un accident d'avion. S'en suit une quête d'identité qui mènera Chris Colorado là où il ne s'y attendait pas. La grande force de cette série tient dans ses révélations au compte goutte : dès le premier épisode on tient à savoir ce qu'il est advenu de la famille de notre héros ! L'animation n'est pas exceptionnelle mais « fait le job », les qualités de « Chris Colorado » résidant davantage dans son scénario fourni et intelligent, digne d'une série « live » d'aujourd'hui ou même d'un film digne de ce nom, ainsi que dans un accompagnement musical de grande qualité, qui facilite l'immersion. Car si l'image a quelque peu vieilli, trop rigide et simpliste à mon goût, l'histoire m'a autant passionné (si pas plus) qu'il y a bien 15 ans de cela ! Je n'en dirai pas plus pour ne pas dévoiler le cœur de l'intrigue. Par contre, les trois derniers épisodes sont épouvantablement mauvais : les révélations basculent dans le grand n'importe quoi, et à force de vouloir tout expliquer les scénaristes ôtent toute magie et tout mystère à la série... Qui en devient platement banale et franchement décevante... Mis à part ces trois derniers épisodes, donc, la série est hautement recommandable !

[3/4]

samedi 10 décembre 2016

« Vent de sable » de Joseph Kessel (1929)

    « Vent de sable » de Joseph Kessel est le pendant des « Vol de nuit » et « Terre des hommes » de Saint-Exupéry. Peut-être moins poétique et merveilleux, mais tout aussi prenant et poignant. Il nous conte l'aventure humaine, et même surhumaine, des pionniers de l'aéropostale. Tout comme chez Saint-Ex, ce n'est pas la technique, l'aviation en elle-même qui intéresse Kessel, mais les hommes qui font la ligne Toulouse-Casablanca-Dakar. Ces hommes qui, au péril de leur vie, s'élancent tous les jours, même de nuit, pour porter le courrier au-delà des frontières physiques les plus menaçantes (montagnes, mers, océans, déserts...). On sent l'admiration de Kessel pour ces héros des temps modernes, mais aussi la grande sympathie qu'il a pour eux. Toute une galerie de personnages, plus ou moins connus, fait l'objet de ce récit haletant, qui nous mène aux confins du désert, dans des lieux tous plus inhospitaliers les uns que les autres. Et malgré tout, malgré l'aridité, la solitudes de ces endroits perdus, Kessel nous parle de la chaleur humaine qui y régnait, notamment grâce à la présence de ces aviateurs qui savaient profiter de chaque instant, sachant que leur vie pouvait s'achever du jour en lendemain en vol ou même au sol... Certains furent tout de même brûlés physiquement et mentalement par ce désert fascinant, presque hypnotique (à l'image de certains personnages des « Scorpions du Désert » d'Hugo Pratt). Difficile pour eux en effet d'oublier leurs aventures, même leur captivité par les hommes du désert. Ce désert qui, à perte de vue, semble être un monde à lui seul. Dans un style presque journalistique mais néanmoins riche (plus que chez un Hemingway), Joseph Kessel, en témoin de premier plan, nous fait revivre toute une époque, tout un univers qui semble incroyable aujourd'hui. Un univers extraordinaire dans sa simplicité, son âpreté... et sa beauté.

[4/4]

samedi 26 novembre 2016

« Le Livre de la jungle » (The Jungle book) de Rudyard Kipling (1894)

    « Le Livre de la jungle » possède un charme certain pour moi. Il a en effet bercé mon enfance, dans le cadre du scoutisme, qui pioche allègrement dans ses personnages et l’esprit d’aventure qui le baigne. Je me suis rendu compte que cet ouvrage est fort éloigné de ses adaptations, notamment du dessin animé Disney. En fait, il est bien plus riche, même si hélas Mowgli et ses amis n’apparaissent que dans trois chapitres : trois nouvelles plutôt. Car « Le Livre de la jungle » est en réalité construit comme un ensemble de nouvelles séparées, sans lien entre elles, sauf pour ce qui est des trois premières. Cela confère nécessairement un caractère inégal à l’ouvrage, car certaines nouvelles sont bien plus passionnantes que d’autres. Néanmoins on retrouve dans chacune un mélange heureux d’audace, d’humour, de panache, avec toujours ce fond moraliste – mais non moralisateur ! Car Kipling est l’égal d’un Jean de La Fontaine : ses personnages animaux lui permettent de dépeindre toute une palette de comportements et sentiments humains, et de donner chair à des principes universels, dont son célèbre poème « If… » est un magnifique exemple. Certains passages sont à ce titre des fables morales savoureuses, comme le passage sur les Bandar-Logs, ces singes stupides et indisciplinés, qui ne sont pas sans rappeler les pires travers de l’espèce humaine. Et ce que j’apprécie particulièrement chez l’auteur britannique, c’est qu’il sait joindre « l’utile à l’agréable ». Il sait faire passer son message humaniste et plein d’espérance avec une plume subtile et délicate, tout en sachant ménager un rythme continu. Les aventures de ses héros sont menées tambour battant : le fond comme la forme permettent donc de passer un très agréable moment de lecture en dévorant les pages de son ouvrage. Et puis le caractère exotique de ces péripéties du bout du monde est rafraichissant. Clairement il s’agit là d’un grand classique de la littérature, que je recommande particulièrement !

[4/4]

« Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015)

    « Demain » part d’une bonne intention, et même d’une intention louable : redonner de l’espoir en l’avenir, en donnant la parole à des acteurs d’un monde plus juste, plus humain, plus durable. Et de fait, ce documentaire regorge d’initiatives sympathiques, qui poussent même à la réflexion. Toutefois assez rapidement on ressent comme un malaise. Peu ou pas de contradictions, tout paraît simple, évident… Et il suffit au réalisateur d’interroger ses interlocuteurs pour avoir la réponse aux plus grands problèmes de l’humanité (semble-t-il). Ils répondent, et ce qu’ils disent est forcément vrai. Du moins c’est ce que laissent entendre Mélanie Laurent et Cyril Dion puisqu’ils ne posent pas (ou peu) de questions, et prennent ce qu’on leur dit pour argent comptant. Nos « héros » des lendemains meilleurs deviennent alors des sortes de gourous... En fait la réalité est bien plus complexe. Les spécialistes savent que les éoliennes ne sont pas rentables, notamment car il faut un entretien régulier pour qu’elles fonctionnent à plein régime. Mais qui a déjà vu les éoliennes se faire entretenir ? Ne parlons pas des éoliennes offshore, en pleine mer ! La monnaie locale ne manque pas d’intérêt, mais comme les intervenants le disent sans détour, elle ne peut constituer qu’un complément au système financier actuel. Si on est passé du Moyen-Âge et de sa multitude de monnaies aux fluctuations plus que variables à des systèmes centralisés, ce n’est pas pour rien ! Idem pour l’agriculture de proximité et urbaine, elle ne remplacera pas de sitôt l’agriculture de masse, tout aussi néfaste qu’elle puisse être à long terme. De fil en aiguille, on a donc l’impression qu’on nous égrène des propositions homéopathiques, agréables en apparence mais sans grand effet. Plein d’idées finalement naïves, parfois réellement originales et intelligentes (faire pousser des légumes dans les espaces délaissés d’une petite ville), mais dont on peine à croire qu’elles puissent réellement bouleverser le monde. Pire encore, on reste à la surface des problèmes, et nos réalisateurs ne poussent pas la réflexion aussi loin que ce que j’aurais espéré. C’est comme s’ils mettaient du sparadrap pour boucher les trous d’un cargo de plusieurs tonnes en train de couler… L’un des problèmes réside notamment dans le fait qu’ils semblent totalement novices pour aborder ces sujets de poids et de fond. Manifestement Cyril Dion ne connaît pas grand chose à l’économie, ne parlons pas de Mélanie Laurent ! Je leur concède toutefois une chose, c’est que leur film procure une certaine envie de faire bouger les choses à son niveau, de ne pas se résigner les bras croisés. En somme, et je me répète, un film sympathique mais qui sera vite oublié…

[2/4]

dimanche 13 novembre 2016

« Little Big Man » d'Arthur Penn (1970)

    « Little Big Man » est un film singulier : flamboyante épopée à l’humour ravageur, au premier abord il s'agit d'une vaste fresque sans queue ni tête, mais en fait c'est une puissante dénonciation de la barbarie humaine, baignant dans l’esprit subversif et contestataire des années 60-70 durant lesquelles le long métrage a été réalisé. Ce film suit la vie d’un jeune yankee recueilli par des Indiens à la suite du massacre de sa famille par ces derniers. Mais dès le début, une précision de taille nous est donnée : la tribu qui a recueilli le jeune Jack Crabb n’est pas la même que celle qui a tué ses parents. Les Indiens ne sont donc plus perçus comme un bloc monolithique : des distinctions sont faites entre les courageux, braves et justes Cheyennes (qui s’appellent entre eux Human Being – les Êtres Humains) et les lâches et violents Pawnee. Pour l’une des toutes premières fois à Hollywood, le point de vue de la narration et de l’histoire est bien plus du côté des Indiens que des conquérants blancs. Arthur Penn porte qui plus est un regard plein de dérision et d’ironie sur ces fameux blancs, soi disant civilisés, mais quelque peu hypocrites, comme ce pasteur malfaisant qui recueille Jack après que les Indiens aient subi une défaite. Et la femme nymphomane de cet odieux pasteur n’est pas en reste… Bref tout le monde en prend pour son grade. Et au milieu de tout ça, impuissant, Jack Crabb assiste en témoin de premier plan aux évènements qui voient s’affronter Indiens et cavalerie yankee. Tantôt ce sont les uns qui gagnent, tantôt ce sont les autres. Difficile de trouver un juste milieu : Jack ne sera jamais tout à fait accepté par chacun des deux camps et aura toujours du mal à se positionner, à savoir qui il est vraiment. Toutefois la figure tutélaire de son « grand-père » d’adoption indien, fascinante, l’aidera à se construire : sage, innocent, naïf et pourtant plein de bon sens, lui aussi traverse les évènements sans y pouvoir grand chose. Et à chaque fois, il garde les bras grands ouverts pour accueillir Jack, avec ces paroles pleines d’amour et de bonté pour celui qu’il considère comme issu de son propre sang. Face à l’absurdité de l’Histoire et de ces évènements funestes, il garde la foi jusqu’au bout et est comme une boussole pour notre jeune héros. Il est vraiment l’âme de ce récit, au cœur de toute la complexité de ce qui est évoqué, ces rapports d’amour-haine entre Occidentaux et Indiens. Passionnant de bout en bout, scénaristiquement riche et magistralement interprété, notamment par un Dustin Hoffman au sommet, « Little Big Man» est plus qu’un excellent western original et réussi, c’est un grand film tout court, notamment sur l’histoire mouvementée des Etats-Unis d’Amérique. Un film indispensable en somme.

[4/4]

samedi 1 octobre 2016

« Wall-E » de Andrew Stanton (2008)

    Encensé à sa sortie, « Wall-E » est loin d’être le chef-d’œuvre tant attendu. La fameuse première partie sans dialogues n’est hélas guère émouvante. Difficile de se sentir touché par une machine, malgré toutes les attitudes « humaines » qu’on veut bien lui prêter. Tout semble tellement convenu et déjà-vu qu’on peine à croire qu’un tel film ait pu soulever un tel enthousiasme. On retrouve les personnages stéréotypés des dessins animés américains, qu’ils aient vu le jour sous la bannière Pixar, Dreamworks ou que sais-je encore, et ces bons sentiments de pacotille qui m’horripilent. Paradoxalement, c’est dans sa deuxième partie que j’ai trouvé ce film intéressant, lorsqu’il devient une sorte de dystopie prophétique. Les humains y sont en effet dépeints comme d’obèses personnages, rivés à leurs écrans et ne sachant plus goûter aux joies simples et réelles de la « vraie » vie, et encore moins se parler de vive voix. Le petit robot Wall-E, sorte de trublion irrémédiablement maladroit, vient bouleverser ce monde artificiel et redonner aux hommes le goût de la vie, et l’envie de quitter leur fauteuil confortable - mais funeste - pour vivre une vie digne de ce nom. Le propos nous interroge alors sur l’avenir de notre société, qui semble s’acheminer rapidement et sûrement vers cet état de torpeur malsaine et d’aveuglement mortel qui ne mènera à rien de bien rassurant. Finissant toutefois sur une note optimiste, « Wall-E » fait mine de rien réfléchir un public davantage habitué aux effets spéciaux abrutissants et aux scénarios pré-mâchés. De quoi remonter dans mon estime, ce qui en fait à mes yeux un dessin animé intéressant, mais encore loin d’être un sommet du genre.

[2/4]

« Le Discours d'un roi » (The King’s Speech) de Tom Hooper (2010)

    Dès les premières minutes du « Discours d’un roi » on se sent en terrain connu : mise en scène classique, photographie léchée, presque artificielle, stars du moment au casting… Pas de toute, nous voilà face à un film tout ce qu’il y a de plus académique. Mais assez rapidement une petite musique se fait entendre, celle d’un drame intimiste original, d’autant plus touchant que les deux personnages principaux semblent incapables de dépasser le carcan qui les enserre, malgré des enjeux extraordinaires. L’un est prince de la famille royale d’Angleterre, peut-être voué à régner un jour sur l’Empire britannique, mais bègue depuis son plus jeune âge, impuissant à exprimer en public toute la noblesse de son rang : sa vie n’est qu’autorité bafouée, honte, désespoir. L’autre est semble-t-il un excentrique, un orthophoniste australien aux méthodes étranges, un acteur raté qui veut redonner au premier confiance et le libérer de son incapacité à parler à haute voix. La force de ce film doit beaucoup au face à face entre ces deux hommes, entre un aristocrate fier et orgueilleux mais brisé, détruit par son défaut d’élocution, et cet étranger bienveillant, méprisé de beaucoup, mais aux talents prodigieux. Tous deux doivent surmonter le regard humiliant des autres, essayer sans relâche de prouver leur valeur profonde, de défendre leur dignité face à l’adversité, qui peut se révéler dans son propre frère, un jury inhumain ou un auditeur anonyme. Tous deux, heureusement, peuvent compter sur l’appui d’une épouse combative et aimante. A ce titre, Helena Bonham Carter force le respect par son jeu, pour une fois sobre et sincère. Et peu à peu, en s’apprivoisant mutuellement, le Duc d'York et le « docteur » Lionel Logue vont réussir à grandir ensemble, au gré d’une relation « professionnelle » qui se muera progressivement en amitié profonde et indéfectible. D’une « histoire vraie », ces fameuses trames dont Hollywood est si friand, qui veulent tout et rien dire, et peuvent mener aux films les plus vils, Tom Hooper a su tirer toute la substantifique moelle, tout le tragique de cette histoire d’ambitions contrariées. Plus encore, il a su dépeindre une confrontation entre un homme au sommet de l’échelle sociale mais qui ne peut jouir de son statut, rongeant son frein alors que la guerre est aux portes de l’Angleterre et qu’il veut trouver les mots pour engager son peuple dans la résistance face à l’oppresseur, et cet homme simple mais qui sait tant de choses, dont les plus essentielles, d’abord moqué puis respecté. « Le Discours d’un roi » est ainsi un long métrage multiple : drame intérieur mais aussi social, film historique et biopic singulier. En bref, sans être novateur ni flamboyant, un film subtil et profond. Une belle réussite.

[3/4]