samedi 26 mars 2016

« Rendez-vous » (The Shop Around the Corner) d'Ernst Lubitsch (1940)

    « The Shop Around the Corner » (préférons ce titre plus éloquent au titre français bien fade...) est reconnu comme le chef-d’œuvre de Lubitsch. Et s'il n'est pas forcément le plus représentatif de son œuvre, c'est un film assez exceptionnel, notamment dans les thèmes qu'il brasse, et surtout dans la représentation de ses deux (anti-)héros. C'est en effet un des rares longs métrages à évoquer le chômage frontalement, dans un réalisme social louable et qui lui confère une intemporalité d'autant plus criante à notre époque où le travail se fait rare... Bien des situations de ce film parleront donc au spectateur d'aujourd'hui. Mais plus encore, ce qui fait son intemporalité et même son universalité, c'est ce couple interprété magistralement, tout en nuances et en finesse, par James Stewart et Margaret Sullavan. Car ces deux personnages principaux sont bourrés de petits défauts, comme tout être humain qui se respecte, loin des héros en deux dimensions que l'on nous sert trop souvent... Alfred Kralik (Stewart) est un jeune vendeur en chef un peu pédant, méticuleux, un peu grognon et surtout direct, très voire trop direct, que ce soit avec les femmes ou son patron. Klara Novak (Sullavan), quant à elle, est une jeune femme charmante mais assez irritante, tantôt fragile (lorsqu'elle cherche un nouvel emploi) tantôt un peu trop sûre d'elle, n'hésitant pas à taquiner les hommes, surtout ceux qui lui opposent de la résistance. Forcément, ces deux-là ne pouvaient qu'entrer en conflit. On assiste alors, la majeure partie du long métrage, à ce jeu de « je t'aime - moi non plus », à ces deux êtres qui semblent s'aimer comme chien et chat... Bien sûr on se doute dès le début de l'issue, c'est d'ailleurs ce qui nous fait accepter ces chamailleries tellement réalistes qu'elles en deviennent légèrement exaspérantes. Pour autant par bien des détails, incluant la galerie fort sympathique de personnages secondaires, tout aussi essentiels au récit et à l'atmosphère de l'ensemble, Lubitsch nous dépeint une humanité attachante car imparfaite. Chacun a ses petites manies, sa personnalité, mais quand ses qualités ressortent lors d'un évènement particulier, alors ce personnage est comme transfiguré. Tout cela fait de « The Shop Around the Corner » un film particulier, très original, loin des canons et des standards hollywoodiens, mais proche d'une humanité qui confère au spectateur une joie communicative. Cela en fait donc un long métrage fort recommandable !

[4/4]

dimanche 20 mars 2016

« Les Ailes du désir » (Der Himmel über Berlin) de Wim Wenders (1987)

    Une pure merveille, de la première à la dernière seconde. A la fois très poétique, bourré d'humanité et proche de l'avant-gardisme (nombreuses sont les expérimentations sonores et visuelles), « Les Ailes du Désir » constitue le sommet de l’œuvre de Wim Wenders. Toute son équipe était alors en état de grâce. La photographie d'Henri Alekan est au-dessus de tout éloge, sa participation au long métrage étant essentielle. On peut dire qu'il est véritablement l'âme du film tant il sublime la réalité : sa maîtrise est ahurissante, que ce soit pour les séquences en noir et blanc ou en couleurs. Bruno Ganz est lui aussi tout à fait remarquable. Malgré ou plutôt grâce à un jeu d'acteur très épuré, il lui suffit d'un regard, d'un sourire pour donner vie à l'émotion la plus franche. Je suis d'ailleurs longtemps resté marqué par son sourire, tant il incarne à merveille la bienveillance, d'une façon totalement désarmante. Les autres acteurs, de Peter Falk à Solveig Dommartin, sont tout autant dignes de louanges. Et puis Wim Wenders. Sa caméra virtuose est absolument incomparable. Sans compter tout ce qu'il a apporté au film, étant à l'origine du projet. Parler de Berlin, du mur, de l'Allemagne, de son histoire... mais aussi parler de lui, de son enfance,... et même de la vie, de l'humanité... Rien que ça. Pourtant tout se tient, ça marche, son film est d'une richesse, visuelle comme thématique, peu commune! Et ce sans jamais se départir de son humilité et de sa simplicité exemplaires, malgré l'audace de l'ensemble. On peut aussi évoquer la musique magnifique de Jürgen Knieper, le travail époustouflant sur la bande sonore, ou encore le génie des textes de Peter Handke et Rainer Maria Rilke (grande influence de Wenders). « Paris, Texas » était déjà un film exceptionnel, avec « Les Ailes du Désir » Wim Wenders a réussi à faire encore (et largement) mieux. Ça semblait impossible, et pourtant... Inutile de préciser combien il serait triste de passer à côté d'une telle splendeur. Un des plus grands chefs-d’œuvre des années 80. Et du 7ème art.

[4/4]

samedi 5 mars 2016

« Un merveilleux dimanche » (Subarashiki nichiyobi) d'Akira Kurosawa (1947)

    La Nouvelle Vague aurait-elle trouvé en Akira Kurosawa l'un de ses plus illustres prédécesseurs ? Car « Un Merveilleux Dimanche » annonce indéniablement par bien des aspects les films des « jeunes turcs » français : que ce soit par ses thèmes (le couple, l'errance, la société,...), son esthétique, tantôt expressionniste tantôt moderne (et même parfois surprenante d'audace !), toujours sublime, ou encore son traitement : la journée d'un couple fauché dans un Japon d'après guerre, tout simplement. Il faut dire que Kurosawa puise lui-même dans un autre héritage marquant de la Nouvelle Vague : le cinéma français des années 30, et plus particulièrement le « réalisme poétique ». Toutefois l'art de Kurosawa n'appartient qu'à lui, et il fait de ce long métrage qui ne paie pas de mine au premier abord un magnifique moment de poésie, affirmant une fois de plus le pouvoir de l'imaginaire humain (« Un Merveilleux Dimanche » anticipe en un sens « Dodes'kaden ») et même de sa mise en scène : une fois encore sa gestion du cadre, des mouvements, des corps est proprement impressionnante sans jamais alourdir le propos, simple mais touchant. Si la question financière délimite le cadre de l'action (comment passer un dimanche à Tokyo avec 35 yens en poche?), Kurosawa se focalise surtout sur le couple, ses hauts et ses bas, sur les responsabilités ou les enjeux moraux qu'il implique... tout en brossant en filigrane le tableau social d'une époque difficile, un peu dans la veine du néoréalisme italien, autre de ses grandes influences. Si ce long métrage a été longtemps introuvable, il bénéficie aujourd'hui d'une édition DVD digne de ce nom, et ce n'est que justice ! Car il mérite largement sa place au sein de la filmographie du cinéaste nippon : c'est tout sauf un film mineur. Une merveille de plus à mettre au crédit de Kurosawa, à voir absolument !

[3/4]

samedi 20 février 2016

« Painting With » d'Animal Collective (2016)

    La première écoute de « Painting With » déroute. Le son est dur, aride, et plein de bruits intempestifs gâchent le plaisir auditif. On les entend beaucoup, et même beaucoup trop : et pour cause, le « reste », ou plutôt l'important à mes yeux, à savoir les mélodies, ont disparu corps et biens... Je dirais même corps et âme... Ce qui ressort de cette première écoute, c'est un sentiment de mollesse mélodique, de vacuité, comme un essai vain, qui n'apporte pas grand chose au schmilblick. Tout comme certains groupes (Radiohead pour ne pas le citer), on commence depuis plusieurs albums à relever des tics récurrents de composition chez Animal Collective (mais aussi dans les albums solo d'Avey Tare et Panda Bear, chacun ayant les siens), et bien évidemment des tics de « mauvaise composition » si j'ose dire, des tics de facilité. Mais ce qui déconcerte le plus, c'est l'absence d'audace dans cet album. Il ne faut pas se fier aux apparences, la structure des morceaux est très convenue, tout comme les mélodies tristement banales, et la production au premier abord « expérimentale » n'est en réalité que poudre aux yeux, je vais y revenir. Car l'expérimentation au service d'un « beau mélodique » (j'y tiens) n'est hélas pas au rendez-vous. 

Et d'ailleurs les membres d'Animal Co ne me semblent pas au rendez-vous non plus, comme s'ils étaient fatigués, usés par le temps et leurs excursions en solo. Comme si l'album avait été sorti en urgence, comme s'ils ne savaient pas quoi en faire et voulaient s'en débarrasser. On sent comme un déséquilibre. Et de fait, « Painting With » est un peu ou prou un album de Panda Bear, Boys Latin servant de matrice à la plupart des morceaux du présent album. On se demande d'ailleurs où est passé le talent d'Avey Tare (si déterminant dans les productions signées conjointement sous le nom d'Animal Collective). La confrontation des deux têtes pensantes Avey Tare et Panda Bear avait jusque là (ou jusque « Centipede Hz ») fait des merveilles. Mais là ils semblent tourner à vide. Car oui la production est riche, très riche... mais trop riche, puisqu'aux dépens de la mélodie, du fond dirais-je (autant que je puisse exprimer avec des mots ce que je ressens). Animal Collective devient presque un groupe d'ambiant, là où leur force, à mon sens, résidait dans des mélodies très très belles, en creusant sous le vernis « foufou » auquel on les résume (et réduit) trop souvent. Cf. l'EP extraordinaire « Fall Be Kind » où chaque chanson est géniale, et surtout d'une grande beauté mélodique. Ici, le trop plein de production masque le manque d'inspiration me semble-t-il. 

Après le décevant « Centipede Hz », de la musique du groupe new-yorkais, il ne reste plus que les zigouigouis... Je dirais d'ailleurs la même chose du dernier Panda Bear. Où sont passées les mélodies « à la Panda Bear » (comme je les appelais il fut un temps qui me paraît loin, aux alentours de 2009 - 2011) ? Les Rosie Oh ? Les I Think I Can ? Les Screens ? La moitié de « Centipede Hz » était réussie, l'autre ratée. De tout « Painting With »... je ne retiens que On Delay, ou plus précisément le morceau à partir de 2 min... le moment où il décolle vraiment, avec un piano magnifique (gâché par un bruit inutile au passage)... et une envolée « à la Panda Bear ». Le mot est galvaudé, mais une envolée... magique. Alors certes, quelques chansons ici et là (Bagels in Kiev, FloriDada, Golden Gal) valent le détour, mais rien ne vaut ce passage... qui ne vaut pas un dixième de « Fall Be Kind » (ou des autres grands albums du groupe : « Feels »,  « Strawberry Jam », « Merriweather »...). 

Je commence à ne plus croire en ce groupe et en sa capacité à se renouveler, à produire encore de la musique de qualité, passionnante ou ne serait-ce qu'intéressante, et ça me fait bien de la peine de le dire...

Note: je n'ai écouté que 3-4 fois l'album, avec le temps mon avis évoluera peut-être en bien comme pour « Centipede Hz »... mais là ils partent de beaucoup plus loin (plus bas), donc pas sûr que je révise mon jugement...

[2/4]

samedi 6 février 2016

« Minuit à Paris » (Midnight in Paris) de Woody Allen (2011) – (2)

    Autant l'annoncer tout de suite : « Minuit à Paris » est la libre adaptation cinématographique de « Paris est une fête », ouvrage écrit par Ernest Hemingway. Au matériau d'origine, dont Woody Allen ne reprend que l'esprit et certains personnages, le réalisateur greffe ses thèmes de prédilection. Ce film est donc composite, tournant autour de deux grandes sensibilités : celle d'Hemingway et celle d'Allen. Et pour tout dire, seuls les passages inspirés par Hem' valent le coup, car pour le reste on a toujours le droit aux mêmes personnages névrosés, à cette figure conflictuelle du couple, à l'infantilité du personnage principal, anti-héros tout ce qu'il y a de plus « allenien », et tout ce qu'il y a de plus horripilant, à cette conception rabougrie de la vie qui me déplaît tant chez ce cinéaste pleurnichard. Si par contre on s'attarde sur ces passages fantasmés, sur ces moments ou l'écrivain joué par Owen Wilson s'aventure dans le Paris de l'entre-deux-guerres, on ne peut qu'être séduit par ces personnages hauts en couleur, et surtout brillamment brossés en quelques traits bien sentis. Adrian Brody en Dali vaut son pesant de cacahuètes, et si je dois bien reconnaître un seul mérite à Woody Allen, c'est de faire revivre avec talent ces personnalités d'alors, l'espace de quelques minutes, à l'image de cet Hemingway qui déclame ses tirades bravaches, droit dans les yeux du héros, comme si sa vie en dépendait, avec son style littéraire si particulier (ce fameux enchaînement de « et » dans ses phrases à rallonge). Gertrude Stein est bien jouée, tout comme Fitzgerald et sa femme Zelda. Et on finit même par se sentir galvanisé, porté par cette énergie créatrice, qui émane avant tout de l'ouvrage génial d'Hemingway. Car il faut bien le dire, « Paris est une fête » est si réjouissant et si puissant dans sa simplicité joyeuse qu'il peut bien donner lieu à des dizaines de films sans que l'on puisse épuiser sa force originelle ! Mais il faut aussi concéder à Woody Allen l'humour avec lequel il redonne vie aux personnages de l'époque. Pour le reste, passés ces moments, on retombe dans du Woody Allen tout ce qu'il y a de plus convenu : une mise en scène flasque, des problématiques d'adulescents, des enjeux maigrelets, une portée extrêmement limitée. Avec une dernière concession : le Paris d'aujourd'hui qui est filmé, même arrangé et grimé, est décidément d'une beauté… Peut-être l'un des meilleurs Allen, ce qui en fait un film moyen, mais agréable tout de même.

[2/4]

samedi 16 janvier 2016

« Paris est une fête » (A Moveable Feast) d'Ernest Hemingway (1964)

    La récente popularité de « Paris est une fête », avec ces tristes évènements de 2015 que l'on connaît tous, m'a, comme bien d'autres, poussé à me pencher sur son cas. Ne sachant pas à quoi m'attendre, je n'avais pas d'idées préconçues, si ce n'est que le titre me paraissait alléchant. Bien m'en a pris, car qui cherche une succession de scènes de fêtes et de réjouissances dans le Paris des années 20 serait déçu. La fête dont parle Hemingway est ailleurs. Paris est une fête car alors tout y semble simple, et Hemingway y vivait heureux avec sa femme. C'était d'ailleurs peut-être le moment le plus heureux de sa vie, avec la période qui a suivi, avec sa seconde femme, Pauline. Cet ouvrage est construit autour d'une collection de « vignettes parisiennes », chaque chapitre formant à peu près une histoire indépendante des autres, visant à illustrer tel ou tel aspect de la vie à Paris d'alors, ou le caractère et le comportement des nombreux personnages que Hemingway avait rencontrés, des plus illustres (Francis Scott Fitzgerald, Gertrude Stein, Ezra Pound…) aux plus humbles (des serveurs de cafés fort sympathiques, le chauffeur de voiture de Fitzgerald exaspéré par ses excentricités, un ex-soldat de la Grande Guerre truculent…). Outre la galerie de personnages sacrément haute en couleur, ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est la retranscription de « l'art de vivre » à la française. Dans un style presque journalistique, concis (ce qui donne d'autant plus de force au récit), Hemingway nous parle de ses repas plantureux, de ces vins fort appréciables, de ces terrasses de café, si belles, et qui nous sont si chères, jusqu'à en avoir coûté la vie à des gens qui profitaient simplement d'un bon moment avec leurs proches… Hemingway travaillait lui-même attablé à un café, la Closerie des Lilas, et il nous raconte avec précision ses sentiments d'alors, et même comment il écrivait, c'est-à-dire son processus d'écriture, sa ou ses méthodes de travail (fort simples au demeurant). Et cet aspect là de « Paris est une fête » est tout bonnement passionnant, on apprend beaucoup, mine de rien, sur ce sujet. Mais ce qui est touchant, c'est avant tout le portrait qu'il fait de sa femme et de son couple. Ils étaient très pauvres, mais aussi (était-ce lié ?) très heureux. Et comme certains passages le suggèrent, le véritable héros, ou plutôt la véritable héroïne de ce récit, c'est Hadley Richardson, sa première femme. Simple et joyeuse, il semble en effet qu'elle et Hemingway se soient beaucoup aimés, et je crois bien que toute sa vie, il garda beaucoup d'affection pour elle. De sorte, d'ailleurs, qu'elle figure en toute première place du dernier ouvrage qu'il ait écrit avant de mourir. Par bien des aspects, ce livre est réjouissant. Si je devais le résumer en quelques mots, je dirais qu'il s'agit d'une belle photographie, d'un bel instantané d'alors. Mais pas une photo sépia ou en noir et blanc : une photo en couleur, comme celles du musée Albert Kahn, prises au début du XXème siècle et qui nous donnent l'incroyable impression d'y être. Un instantané vivant, qui nous fait revivre cette époque, et par dessus tout combien Paris était une ville magnifique, la ville de tous les possibles. Oui, Paris était, et est toujours bien une fête.

[4/4]

dimanche 10 janvier 2016

« Les Huit Salopards » (The Hateful Eight) de Quentin Tarantino (2016)

    S'il y a quelque chose que je ne comprends pas avec Tarantino et ses adorateurs, c'est le fait de trouver jouissif des mecs qui gerbent du sang, qui se font exploser la tête ou couper le bras à coups de machette... Ou pire, de casser le nez et la mâchoire d'une femme à grands renforts de coups de coude ou de pied. Hilarant. Que ça choque, voire que ça fasse rire (jaune) tellement c'est excessif, à la limite... Mais trouver ça « super fun » ou « jouissif », non là ça me dépasse. Car que nous propose Tarantino ? Un petit jeu de massacre gratuit, bête et méchant, que seuls les sadiques en puissance sauront apprécier à sa juste valeur. Expert du copié collé, Tarantino pompe allègrement sur des vrais cinéastes : Kurosawa, Leone, Godard... qui eux, savaient raconter une histoire. Ici ça se traîne invraisemblablement : 2h47 de film, je veux bien si c'est « Les Sept Samouraïs », où chaque plan est à tomber, et pour le moins beau car travaillé (avec talent faut-il préciser, pour éviter tout malentendu et toute confusion avec le piètre faiseur bas du front qu'est Tarantino). Là on a des champs-contrechamps en veux-tu en voilà, des images sans intérêt, des cadrages mous, des objets qui parasitent les plans, bref une paresse honteuse, mal masquée par cet art si révéré de nos jours de la citation, et non plus de la création, car c'est has been de créer quand il suffit de flatter le spectateur et le critique en plaçant quelques références bien senties ici et là. Tarantino nous prend pour des buses et nous refait pour la huitième fois (car c'est son huitième film, on le saura : trop intelligent le mec, il a mis des huit partout. On m'a dit que c'était le double du nombre de ses neurones, ça doit donc être un signe) le coup du scénario en casse-tête chinois. Sauf que là il s'est pas trop cassé la tête, et qu'un flash back suffira à révéler le pourquoi du comment, sauf qu'en fait on s'en fout. Tout ça pour ça ? Je veux dire, un scénario à l'envers, est-ce là tout l'intérêt, toute la puissance de ce film et de Tarantino ? Un simple exercice de style (pour ne pas dire un effet de manche), est-ce que c'est ça le fameux « Hateful Eight » tant attendu ? Hélas oui, j'en ai bien peur. Un exercice de style vain et douteux (mais là je me répète, je dis ça de chacun de ses films). Des acteurs qui cabotinent à n'en plus finir, une pâle resucée de « Reservoir Dogs », qui avait au moins le mérite d'innover (il faut dire qu'à l'époque on découvrait Tarantino, il ne nous avait pas encore saoulé par sa connerie crasse). Et puis les dialogues, il faut en parler des dialogues. Des tirades de 20 minutes pour parler de la pluie et du beau temps, et accessoirement « chier des nègres » (sic, je cite le Grand Monsieur qu'est Tarantino). Jouissif. Trop jouissif. Le mec sort des blagues racistes à faire pâlir Le Pen toutes les 3 secondes ou nous parle de sa bite pendant un quart d'heure, ça c'est vraiment le summum du jouissif. Bref, je vais m'arrêter là de citer Taranticon pour notre bien à tous, et préfère vous prévenir : si vous avec plus de 15 ans d'âge mental, passez votre chemin.

[0/4]

mardi 5 janvier 2016

« Le Petit Prince » de Mark Osborne (2015)

    Je m'y attendais. La bande-annonce et l'affiche le laissaient entendre : l'adaptation du Petit Prince de Saint-Exupéry se ferait en deux techniques d'animation, en images de synthèse et en stop-motion (animation image par image, ici avec un rendu proche du papier crépon). Très vite la différence se faisait sentir dans ces premiers aperçus du rendu final, et s'est révélée conforme à ce que j'appréhendais lorsque j'ai vu le film : la partie en images de synthèse est très laide, notamment les personnages, qui sont fort disgracieux (sans doute pour ne pas trop faire artificiel s'est-on senti obligé de leur mettre un gros nez et des yeux de travers...). Par contre la partie en stop-motion est belle à pleurer. Ça fait très longtemps que je n'avais pas vu quelque chose d'aussi beau en animation, exceptées les dernières productions du studio Ghibli (et encore). Sans doute faut-il remonter à Youri Norstein, ce grand monsieur de l'animation image par image, hélas proche de la retraite. Oui je le répète, ces quelques moments, qui doivent bien composer le tiers du film, sont à tomber. D'autant que ce sont ces moments qui collent à l'histoire d'origine du Petit Prince, qui faut-il le rappeler, est génialement poétique et profonde. Car oui, j'ai oublié de vous le dire, l'autre partie du film (celle en images de synthèse...) brode autour du matériau originel pour former une autre histoire, sans doute plus proche de la réalité des jeunes enfants d'aujourd'hui. Et là je suis mitigé. D'un côté, la grande machine à « entertainment » anglo-saxonne a encore frappé : humour bancal, merveilleux « forcé » et de pacotille, simili-Ghibli (j'ai d'ailleurs cru voir des références à Chihiro) mais plus proche des défauts des Pixar et autres Dreamworks, fantastique et anticipation déjà vus... Bref, du pilotage automatique. D'un autre côté, cette partie plus actuelle met l'accent sur ce que dénonce à l'origine Saint-Ex dans son ouvrage phare : le désenchantement des adultes, et la prépondérance croissante de l'utilitarisme économique dans notre vie de tous les jours... On n'est pas loin de la fourmilière qu'il redoutait tant et dont il parlait dans d'autres de ses écrits... Donc là, sur ce point, je trouve ça assez bien vu. C'est bien plus grossier que la « vraie » histoire du Petit Prince, mais comparé à n'importe quel long métrage d'animation lambda, ça n'est pas si mal. On retrouve ainsi la dimension philosophique et adulte du Petit Prince tel que pensé par Saint-Exupéry. Pour conclure, je suis donc mitigé en ce qui concerne l'ensemble du long métrage, sorte de matériau composite mal amalgamé... mais conquis par ces passages en stop-motion de toute beauté ! 4/4 pour la partie stop-motion, 1/4 pour la partie en images de synthèse... en arrondissant on arrive à une moyenne de 2/4.

[2/4]

mercredi 30 décembre 2015

« Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force » (Star Wars Episode VII: The Force Awakens) de J. J. Abrams

    Je n'attendais pas grand chose de ce Star Wars là. A vrai dire, Star Wars est pour moi un souvenir de jeunesse, qui m'enthousiasmait à l'époque, mais plus tellement maintenant. J'ai vu plusieurs fois les épisodes 4, 5 et 6, mais il y a longtemps de cela. Plus récemment, j'avais vu les épisodes 1, 2 et 3 à leur sortie. Cela fait donc un moment tout de même. Dans mon souvenir, les épisodes 4, 5 et 6 faisaient la part belle à l'aventure et à l'humour, avec un scénario assez brillant je dois le dire, mais souffraient d'un visuel assez dépassé. Ce point a été plus ou moins corrigé avec les épisodes 1, 2 et 3, qui malgré une avalanche d'effets spéciaux un peu indigeste réussissaient à redonner un coup de jeune à la saga. Par contre, si le paquet a été mis sur le visuel pour ces 3 épisodes, ça s'est fait aux dépens du scénario. L'épisode 1 était intéressant (sans doute le meilleur des 3), le 2 était haletant quoique bancal, mais le 3 ne servait qu'à donner naissance à Dark Vador, et n'est plus ou moins qu'une coquille vide. Parlons maintenant des acteurs. Harrison Ford était très sympathique, en baroudeur galactique. Mark Hamill s'en sortait pas trop mal, et Carrie Fisher non plus. Et bien sûr, Dark Vador avait une présence très forte malgré (ou grâce à) son célèbre masque. Voilà pour les épisodes 4, 5 et 6. Hélas, le casting fut à moitié raté pour les épisodes 1, 2 et 3. Liam Neeson et Ewan McGregor étaient excellent. Mais Natalie Portman m'a déçu. Bien dans le 1, mais franchement pas terrible dans les épisodes 2 et 3. Et le pire : Anakin Skywalker adulescent dans les épisodes 2 et 3. Hayden Christensen avait le charisme d'une huître ou plutôt d'un Justin Bieber échevelé et mal peigné… Par conséquent, difficile pour lui de porter un rôle si important…

Bien. Une fois fait cet inventaire, attardons nous sur cet épisode 7. Le début commence bien. L'histoire de Finn est intéressante et originale : un héros qui se démarque des autres, bien vu. Celle de Rey est par contre déjà vue (ce qui va sonner comme un refrain) : la pauvresse perdue sur une planète désertique et abandonnée par ses parents… Tiens mais ça n'est pas déjà dans l'épisode 4 ? A ce moment là je commence à me dire que c'est louche. Et puis quoi, la Résistance (les gentils) est aux prises avec le Premier Ordre (les méchants)… Ça ne vous rappelle rien ? Et bien sûr les méchants ont construits une Etoile de la Mort bis… Ah non, on me dit dans l'oreillette qu'elle est plus grosse. Original n'est-ce pas ? Et que vont faire nos gentils ? Attendez je revisionne l'épisode 4 : ils vont tenter de la détruire, non ? Bien vu, tout pareil dans l'épisode 7… Alors faisons les comptes. Plus de 2h pour voir un film dont on connaît à l'avance ce qui va se passer, ne nous offrant pas grand chose de neuf sous la dent. C'est ça le nouveau Star Wars ? Et oui… Heureusement, le casting n'est pas trop mal. Je dis pas trop mal parce que les deux acteurs principaux, Daisy Ridley (Rey) et John Boyega (Finn) incarnent plutôt bien leur rôle, et malgré quelques réserves au moment de leur apparition, on finit par vouloir connaître la suite de leurs aventures. Pas trop mal, je souligne mal, parce que les deux méchants, Voldemort et son bras droit boutonneux ne sont pas crédibles et n'impressionnent pas… Difficile d'égaler Dark Vador et Palpatine, je le reconnais, mais là ils n'arrivent pas à leur cheville. Bref, heureusement qu'il y a un minimum d'humour pour faire passer la pilule !

Car ce qui ressort finalement, au sortir de ce film, c'est une impression de vide intersidéral. Certes le long métrage est plaisant et divertissant (on ne s'ennuie pas une seconde), mais il ne surprend pas non plus, il déroule sa trame en pilotage automatique, de sorte à ne plus ressembler qu'à un joujou purement visuel et sans grande saveur, bourré d'auto-références… Si bien que je trouve les épisodes 1, 2 et 3 nettement plus inventifs que ce tant attendu épisode 7… Deux fautifs pour moi. Premièrement J. J. Abrams, qui bien que je le connaisse peu, me semble avoir des références cinématographiques et artistiques superficielles (Lucas et Spielberg et on ne va pas chercher plus loin), et ne sait manifestement pas écrire un scénario de long métrage digne de ce nom, avec un minimum de densité et non des scènes d'actions sans grand intérêt à n'en plus finir. Et deuxièmement, surtout les studios Disney, qui avec une des licences les plus puissantes du monde cinématographique avaient les coudées franches pour oser, et qui ont préféré jouer les rentiers, se contentant d'un service minimum qui certes ne dénature pas fondamentalement l'univers Star Wars, mais qui ne satisfait même pas le non fan de la saga que je suis… C'est dire la qualité pour le moins relative de cet opus. Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre la suite. Je le dis franchement, j'ai hâte de voir les 2 prochains épisodes. Et j'attendrai la fin de cette trilogie pour porter un jugement définitif : ou l'épisode 7 est un peu un brouillon qui inaugure de grands épisodes, ou il reflète la qualité de la trilogie à venir, et dans ce cas, ça risque d'être une cruelle déception… Sauf pour Disney, bien sûr, qui une fois de plus a réussi à mettre en place une machine à sous de rêve (cf. les nombreux articles dans la presse économique) pour compenser un déficit inquiétant de savoir-faire et de créativité…

[2/4]

lundi 28 décembre 2015

« Sous le soleil de minuit » de Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero (2015)

    Non, je dis non. Pas comme ça. Faire renaître Corto Maltese n'était pas une mauvaise idée, mais c'est peu dire que l'attente était grande, car il ne s'agit pas de n'importe quelle série : ses sommets sont de grands moments de poésie et d'aventure, dignes de Conrad ou Stevenson, servis par un coup de crayon exceptionnel car très original. Et là, que nous offre-t-on ? Une bouillasse infâme, un mélange d'humour scolaire, de semblant d'aventure sans aucun souffle, le tout dessiné avec les pieds, même s'agissant de Corto... Il y a bien deux genres d'albums de reprise, ceux qui osent et qui font quasiment jeu égal avec les albums d'origine, pour notre bonheur à tous, et les pompes à fric, ceux qui sucent ce qu'il y avait de meilleur dans la série pour accoucher d'une souris. Clairement, « Sous le soleil de minuit » fait partie de la funeste seconde catégorie... Par où commencer ? Eh bien par les premières pages. Qu'est-ce que c'est que ces ellipses à répétition (et malvenues) ? Corto et Raspoutine discutent, ils sont en Arctique. Puis ils continuent à discuter, mais au Mexique où dans un autre endroit aussi chaud. Soit. Comment sont-ils arrivés là ? On ne sait pas. Puis l'histoire commence, et là une fois de plus rien à voir, autres lieux, autres personnages. A quoi servait l'introduction avec Raspoutine, que nous ne reverrons plus jamais durant l'album ? A rien, si ce n'est à servir de teaser menteur dans les pages du Figaro... Et tout l'album est de cet acabit. Les ellipses brutales s'enchaînent, le scénario est haché... à la hache, et surtout, l'histoire est très décevante. Où est l'aventure ? Où sont les personnages complexes et hauts en couleur ? Ici il n'y a que des frustrés qui deviennent méchants... à grands renforts d'explications sur comment ils sont devenus méchants, avec flash-back sur leur enfance... Sans que ça serve le moins du monde le propos. Les morts s’empilent, mais aucun souffle, rien, tout reste cruellement artificiel, cousu de fil blanc. Et que dire du dessin ? Le visage de Corto est réussi deux fois sur trois (et encore), certes, mais son corps ? Souvent de travers, esquissant un mouvement maladroit... Et les personnages secondaires, c'est-à-dire tous les autres personnages sauf Corto ? Ratés. Rien à voir avec le trait d'Hugo Pratt. Je veux bien avoir affaire à quelque chose de neuf comme avec Ted Benoît ou André Juillard pour Blake et Mortimer, mais là, c'est franchement moche... Et que dire des décors, à peu de choses près du foutage de gueule : on esquisse le bord des arbres et on griffonne un peu, et voilà, on ne se foule pas trop ! Vraiment, quelle déception que cet album annoncé à grands renforts de publicité tonitruante... Je ne retrouve pas du tout l'esprit de la série, juste des clichés et un semblant d'histoire bâclée, sans âme... Hélas, Corto Maltese est bien mort...

[1/4]