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vendredi 7 novembre 2025

« Lux » de Rosalía (2025)


Quand les gens confondent chef-d’œuvre et art pompier... Le vrai chef-d’œuvre de Rosalía, c'est « El Mal Querer », un disque qui avait mis tout le monde KO, délicat équilibre entre flamenco traditionnel et modernité pop. Un album magnifique et impressionnant de maîtrise, très ambitieux, mais qui avait les moyens de son ambition. Rosalía était alors en pleine ascension, après « Los Ángeles », un premier album de néo-flamenco qui avait reçu un beau succès d'estime et éveillait la curiosité. « El Mal Querer » la faisait entrer dans une autre dimension : celle d'une diva pop d’envergure internationale, capable de concilier exigence artistique et succès public, sans renier ses racines espagnoles et flamenco.

« Lux » c'est un peu tout l'inverse. Un album bourrin, réalisé au forceps, qui tente de bâtir une cathédrale sonore, mais qui s'effondre de tout son poids tellement sa musique est vide. Certes les paroles sont recherchées, et chanter en beaucoup de langues différentes est une bonne idée à mettre au crédit de Rosalía. Je ne vais pas non plus blâmer son ambition.

Mais musicalement il y a un vrai problème. Rosalía a beau s'égosiller et jouer la carte de la performance vocale et musicale, à grand renfort d’orchestre symphonique, il n'y a aucune musicalité et (donc ?) aucune émotion. La présence vocale de Björk sur une des chansons de l’album n’est pas anodine, serait-elle la nouvelle mentore de Rosalía ? Le risque est que la chanteuse espagnole soit en train de se « björkiser » : à savoir créer de la mauvaise musique semi-expérimentale, très pauvre musicalement, mais qui reçoit l’aval de la critique, ne la poussant pas à se remettre en question.

La belle note reçue par « Lux » sur Pitchfork va dans ce sens (8,6/10 et album labellisé Best New Music). Rosalía risque également une trajectoire à la Radiohead, autre icône musicale des années 1990-2000 aux côtés de Björk, sur le déclin depuis 15 ans, mais toujours acclamé par la critique malgré une inspiration proche du néant aujourd’hui.

Le truc c’est qu’il faut gratter derrière les apparences. Recourir à un orchestre symphonique ne veut pas dire que la musique proposée est du même niveau que la musique classique contemporaine. C’est confondre instrumentation et musique. Ok ça peut impressionner, mais si on a un minimum d’oreille, on entend bien vite que tout n’est que poudre aux yeux.

Alors certes, Rosalía cherche avec « Lux » à renouer avec une certaine transcendance et verticalité, après un « Motomami » bien vulgos et au ras des pâquerettes. Ce n’est pas moi qui vais lui reprocher. Mais c’est bien dommage que sa créativité musicale semble évaporée, au point de la retrouver en pilotage automatique… Peut-être doit-elle ce faux pas à l’équipe qui l’entoure, je ne sais pas quelles en sont les raisons profondes.

Toujours est-il qu’après « El Mal Querer », un album bluffant qui laissait espérer un bel avenir pour Rosalía, un troisième album très décevant (« Motomami »), qui n’a pas empêché la chanteuse de connaître un succès mondial, ce deuxième opus que j’aime tant semble être un horizon indépassable… Si c’est vraiment une merveille, ça serait tout de même bien dommage que cet essai juvénile soit déjà le chant du cygne de Rosalía, une artiste tellement douée, quand elle veut bien se donner la peine de chanter, ce qu’elle fait de nouveau avec « Lux », après un « Motomami » à forte dominante rap. Mais manifestement, bien chanter ne suffit pas. Encore faut-il être inspirée musicalement…

[2/4]

jeudi 23 octobre 2025

« Deadbeat » de Tame Impala (2025)


Après le pastiche de rock psychédélique, et le pastiche d'un funk-house cheesy et kitsch, on aurait aimé que Kevin Parker nous offre une musique plus personnelle et vraiment originale... Hélas, l'Australien poursuit dans sa veine pop mainstream ultra sucrée, ayant renié à peu près tout ce qui faisait l'intérêt de Tame Impala, à savoir des morceaux psychédéliques aux mélodies finement ouvragées (tel Alter Ego, sa meilleure chanson à mon sens) ou des pistes furieusement épiques (Let It Happen).  

Il faut aussi qu'il arrête de nous sortir des albums d'une heure s'il n'a rien ou si peu à dire musicalement... Sa grande faiblesse a toujours été de ne pas savoir concevoir un album pertinent dans la durée. Tous ses opus sont foncièrement inégaux, avec quelques chansons géniales... et beaucoup de remplissage. « Deadbeat » n'échappe pas à la règle, mais pire, aucune chanson ne surnage vraiment au-dessus du lot... 

A vrai dire, les trois premières chansons (My Old Ways, No Reply et Dracula) se démarquent un peu plus positivement, rappelant les deux derniers albums de Tame Impala. Mais le reste ressemble surtout à de la house bas de gamme (désolé mais il y a de bien meilleurs artistes et producteurs d'électro et de house que Kevin Parker) et à du remplissage.

Il n'y a que des bouts de chansons ici et là qui surprennent et enchantent un peu, mais dans l'ensemble, Kevin est en pilotage automatique, sûr de son talent et de son succès... Et de fait, il a réussi à percer auprès du grand public, tout le monde n'est pas en mesure de remplir l'Accor Arena... Et tout n'est pas non plus à jeter dans cet album, d'où ma note médiane.

Maintenant, c'est bien dommage que pour ce faire, il ait perdu son talent musical, pour nous servir une soupe sans saveur, avec des gimmicks de producteur en guise de cache misère... Je suis certain de ne pas revenir souvent à cet album, tant cette heure de musique insipide est éprouvante, j'ai bien mieux à faire de mon temps. Ses deux précédents albums ne me rendaient pas confiants sur la suite de sa carrière, celui-ci me laisse définitivement pessimiste...

[2/4]

vendredi 25 avril 2025

« Anxious » de Nell Smith (2025)

 

« Anxious » est un album bouleversant, car posthume, réalisé par une très jeune artiste qui avait la vie devant elle... En effet, la talentueuse et prometteuse Nell Smith est décédée en octobre 2024, à seulement 17 ans, d'un tragique accident de voiture...

Elle avait été repérée par Wayne Coyne, le leader des Flaming Lips, groupe culte (pour moi le meilleur de ces 30 dernières années), lors d'un de leurs concerts, où Nell assistait déguisée en perroquet (sic). Les Lips et Nell avaient réalisé un album en commun, « Where The Viaduct Looms », où ils reprenaient des chansons de Nick Cave. Un très bel album, où la voix juvénile de Nell et la production des Flaming Lips et du génial Dave Fridmann faisaient des merveilles.

Depuis, Nell bossait sur son premier véritable album solo, « Anxious », qu'elle avait quasiment fini de réaliser au moment de son décès. Il est donc très étrange et émouvant de découvrir l'émergence d'une jeune artiste alors qu'elle n'est déjà plus de ce monde...

Le résultat est conforme à l'image que l'on se faisait de Nell : c'est un album juvénile, fragile, forcément imparfait, mais gorgé de belles idées, avec la voix de Nell davantage mise en valeur que sur son précédent opus, et une production maximaliste et réjouissante, ludique, sur laquelle a sans doute travaillé Dave Fridmann, le producteur du mythique son des Lips, car on reconnaît sa patte.

C'est un album vraiment qualitatif et réussi, qui se plage dans le sillage du célèbre groupe de l'Oklahoma, tout en traçant sa propre voie : on sent un style en devenir, personnel. Et l'on ne peut que regretter que Nell soit partie trop tôt, c'est un terrible déchirement pour ses proches et ses fans...

[3/4]

vendredi 18 avril 2025

« A Study of Losses » de Beirut (2025)


Un album de Beirut est toujours agréable, Zach Condon, l’homme-orchestre derrière ce groupe, étant un musicien talentueux. De plus, il a débuté sa carrière avec trois immenses albums, et cet artiste est attachant (il n’hésite pas à montrer sa fragilité, et il est un grand amoureux de la France et de l’Europe), il bénéficie donc toujours d’un grand capital sympathie en ce qui me concerne.

Cela étant posé, je dois bien dire que j'attendais cet album au tournant. Le précédent opus de Zach, Hadsel, m'avait déçu, par son ton éthéré et son manque d'inspiration. C'était un album à part, conçu dans le froid d'un endroit reculé de la Norvège, avec une esthétique visuelle et sonore complètement à part dans la discographie de Zach. Il avait un côté plus dépouillé : les cuivres, les nombreux instruments organiques et les boucles électroniques – véritable signature sonore de Beirut – étant beaucoup moins présents que d’habitude. Un vrai pas de côté, pas inintéressant, mais assez mineur.

Avec A Study of Losses, l'artiste américain reprend ses pochettes d'albums énigmatiques, invitant à la rêverie et au voyage. Je pensais donc que celui-ci se placerait dans la lignée de Gallipoli, un album inégal, mais qui voyait Beirut livrer un certain nombre d'excellentes chansons, au gré d'un album cohérent et homogène. Gallipoli faisait suite à No No No, un opus maudit, né dans la douleur et le syndrome de la page blanche, après un divorce et un éprouvant épisode de dépression.

Pourtant, je dois bien dire que je regrette même No No No, qui était encore plus inégal que Gallipoli, mais qui comportait certaines pépites. Dans A Study of Losses, je ne retiens que le single Caspian Tiger pour le moment, qui soit un minimum abouti et réussi. Le reste ressemble à une sorte de remplissage instrumental et ambiant, le tout formant une longue complainte qui fait du surplace…

18 titres, c'est ambitieux ! Mais encore faut-il avoir les moyens de ses ambitions... Ce n'est clairement pas le cas de Zach ici... Il y a trop de chansons monotones et répétitives, qui ressemblent à des faces B ou C de Gallipoli, ou de sa compilation Artifacts... On sent le soin apporté au son, mais les grandes absentes ce sont les mélodies, pourtant imparables par le passé, lors de l’âge d’or du groupe… Ici, Zach fait plutôt dans la ritournelle qui tourne en rond…

Je compte bien réécouter cet album, Artifacts avait été un « grower », peut-être en sera-t-il de même pour A Study of Losses... Mais j'ai tout de même des doutes. Artifacts balayait l'ensemble de la carrière de Zach, et par le passé il avait produit beaucoup de superbes chansons.

Aujourd'hui, il semble être l'ombre de lui-même, ce qui fait peine à voir... Ce fut un miracle que je puisse le voir en concert lors de sa tournée faisant suite à la sortie de Gallipoli. Ça a été un des meilleurs concerts de ma vie, mais depuis Zach en a annulé pas mal et ne semble pas prêt à revenir en France de sitôt, lui qui ne vit pourtant pas très loin désormais, à Berlin...

Une fois de plus, je ne peux donc qu'espérer que Zach se ressaisisse, et qu'il retrouve sérénité et inspiration... Il a en lui ce potentiel inouï, le tout est qu'il arrive à le laisser s'épanouir de nouveau...

[2/4]

dimanche 2 octobre 2022

« Fossora » de Björk (2022)

 


    Björk continue sur sa lancée et nous offre une fois encore un album avant-gardiste et audacieux, au risque de nous perdre un peu plus dans les méandres de son inspiration tourmentée... Son refus obstiné de la mélodie depuis au moins 3 albums, sinon depuis « Medúlla », m'a quelque peu tenu à distance de sa carrière au fil des années. « Medúlla » est un de mes albums préférés, et j'ai beaucoup d'estime pour « Volta » et « Biophilia ». Mais aucun des albums suivants n'est parvenu à réellement me convaincre...

A mon sens, elle est allée trop loin, depuis « Vulnicura », dans l'abstraction et la déconstruction de sa musique. Des sons, c'est bien, mais personnellement je préfère des mélodies, même (et surtout) si elles sont sophistiquées. Ici, c'est tellement déstructuré qu'on ne peut se raccrocher à rien, et pire, qu'on prend bien peu de plaisir à écouter cet album. Je note un mieux par rapport au précédent, « Utopia », qu'il faut tout de même que je réécoute. Je me demande même si cette exigence affichée n'est pas aussi un moyen de masquer un manque d'inspiration et de parachèvement de ses derniers essais...

Mais de toute façon, cela fait un moment que j'ai fait le deuil de cette artiste, sa musique n'est plus trop pour moi... J'étais allé la voir en concert à la Seine Musicale cette année, où elle chantait accompagnée d'un orchestre. Les seules chansons que j'ai appréciées... étaient ses grands classiques. Les autres m'ont complètement décontenancé et je comptais les minutes avec impatience...

J'accueille donc « Fossora » avec une indifférence polie, saluant l'exigence de Björk, mais de loin, comme pour quelqu'un avec qui on n'aurait plus grand chose à partager. Ce qui m'attriste, car il y a un peu plus de 10 ans (déjà), elle faisait encore partie de mes 10 ou 15 artistes musicaux préférés…

[2/4]

samedi 9 avril 2022

« Artifacts - The Collected EPs, Early Works & B-Sides » de Beirut (2022)


 

     Parler de la compilation « Artifacts » de Beirut, c’est forcément revenir sur l’histoire de ce groupe singulier, et notamment de l’homme-orchestre qui est derrière : l’Américain Zach Condon. Né à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, il a grandi à Santa Fe, la capitale de cet état. C’est là que le jeune adolescent de 14 ans va se mettre à composer dans sa chambre des morceaux de musique pour passer le temps, lors de ses longues nuits d’insomnie.

 

Véritable éponge à la curiosité sans limites, le jeune Zach accumule les instruments réels ou électroniques dans sa chambre, elle-même décorée de cartes du monde entier, que l’adolescent rêve d’arpenter. Il bricole, il bidouille des boucles électroniques, il enregistre des morceaux d’abord relativement simples, puis de plus en plus complexes, jusqu’à façonner peu à peu la signature musicale qui a fait la renommée de Beirut : un mix entre instruments à cuivre traditionnels et boucles électroniques lo-fi poétiques.

 

Sous le nom de Beirut, le jeune prodige signe d’abord deux albums, à 20 et 21 ans, qui vont forger sa réputation, inspirés par la musique des Balkans et la chanson française (surtout pour le second). Avec son troisième album, « The Rip Tide », Zach effectue un nouveau départ et livre son album de la maturité : à la fois épuré et percutant, il a digéré tout l’apport de ses influences pour en faire quelque chose d’original, simple et profond en même temps.

 

Mais à force de tirer sur la corde et d’avoir la bougeotte, après des tournées éreintantes, Zach fini épuisé. Il enchaîne les déconvenues, dont un divorce, et sort son quatrième album, « No No No » dans la douleur, alors qu’il souffre d’une crise d’inspiration. Clairement, avec cet album, on découvre un Beirut en petite forme, loin de ses flamboyants débuts.

 

Il décide alors de quitter les États-Unis pour l’Europe qu’il aime tant, et s’installe à Berlin. Une nouvelle vie commence pour lui, et il nous livre un nouvel album, le dernier à ce jour : « Gallipoli ». Un album pas tout à fait au niveau de ses trois premiers, mais qui prouve qu’il a encore du talent à revendre.

 

Aujourd'hui, après (déjà !) 20 ans de musique, c’est dans cette envie de faire le bilan que le projet de la compilation « Artifacts » a vu le jour. Zach est allé plonger dans ses archives personnelles et ses vieux disques durs pour en extraire les morceaux que l’on retrouve sur ce double disque. Certains nous sont déjà connus, comme ceux des EP Lon Gisland et Pompeii (tous deux magnifiques), et quelques autres faces B. Pour le reste, nous avons le droit à des morceaux pour beaucoup intéressants, même si certains sont inégaux, et même à de véritables pépites.

 

Il y a à boire et à manger : 26 titres pour 1h30 de musique ! Autant dire que c’est un opus qui ne s’apprécie pas en une fois, sous peine de passer à côté de pas mal de choses. C’est à force d’écoutes et de réécoutes que ce double album révèle ses charmes : une belle plongée dans l’univers musical de Beirut, avec des morceaux finalement variés, mettant en valeur les différentes facettes du compositeur et musicien talentueux qu’est Zach Condon. Un véritable périple musical, avec ses expérimentations, ses moments de bravoure et ses phases d’accalmie.

 

Autant dire que c’est du pain béni pour tout fan du groupe, ou même pour tout amateur de musique vivante, ayant une âme, mixant tradition millénaire et modernité actuelle. Clairement, pour découvrir Beirut ne commencez pas par « Artifacts », préférez leurs deux premiers albums. Mais si vous cherchez à approfondir l’œuvre du groupe, c’est un nouveau passage obligé.

 

PS : détenir la version physique, CD ou vinyle, est un vrai plus : elle contient un livret qui explique l'histoire derrière chaque chanson, et c'est passionnant !


[3/4]