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mercredi 13 juillet 2011

« L'Eternité et un jour » (Mia eoniótita ke mia méra) de Theo Angelopoulos (1998)

    Le cinéma de Theo Angelopoulos est ambitieux, malheureusement le réalisateur grec n'a de toute évidence pas les moyens de ses ambitions. Fait d'autant plus embêtant qu'il franchit le difficile équilibre qui fait d'une oeuvre un simple et joli concentré d'émotion, au point de paraître prétentieux (reproche que je ne formule jamais, mais là...). A vrai dire ses idées sont bien trop explicites pour voiler son envie d'être reconnu par ses pairs et la postérité dans le même temps (semble-t-il)… Ici encore on sent un véritable travail d'écriture, et une admirable maîtrise du cadre. Mais son utilisation excessive du plan séquence discrédite souvent son film, dès lors qu'il sert de transition abrupte avec un autre espace-temps, anémiant l'unité et la vraisemblance de son oeuvre. Angelopoulos veut trop en dire dans ses films, du moins de façon bien trop triviale et emphatique. Son esthétique consensuelle n'en est que l'une des expressions : un peu d'Antonioni (des mauvais jours) ou de Fellini par ci, un peu de Wenders ou de Tarkovski par là, un soupçon d'académisme… N'oublions pas l'arrière plan politique, et voilà une mécanique bien huilée, calibrée pour les festivals (oui je sais, c'est facile, mais néanmoins… avéré). Hélas il manque cette délicate alchimie qui fait d'images, de sons et d'idées une oeuvre d'art, ou tout du moins il manque à Theo Angelopoulos une réelle personnalité artistique. Il manque du mystère, et de la poésie digne de ce nom! Reste Bruno Gandtz, toujours aussi touchant…. Mais c'est bien peu. Beaucoup de clichés et de facilités au final, et la désagréable impression de perdre son temps devant un cinéma d'une fadeur… Il suffit de sortir un peu pour s'emplir les yeux d'images bien plus belles! D'autant que son art est sérieusement concurrencé par la publicité : rappelez-vous celle pour le CNP au son de la seconde valse de Chostakovitch. C'est un peu l'idéal artistique d'Angelopulos, non?

[1/4]

dimanche 10 juillet 2011

« Le Regard d'Ulysse » (To Vlemma tou Odyssea) de Theo Angelopoulos (1995)

    Theo Angelopoulos est davantage un intellectuel qu'un cinéaste à mon sens. Du moins c'est ainsi que je le perçois en le découvrant avec ce long métrage. Comme souvent chez Godard par exemple, il a un problème de concision (d'inspiration?) : 2h30 c'est long. Très long, surtout quand son film est gavé à ce point de références historiques, politiques, culturelles, abondant en seconds degrés, métaphores et autres symboles en tous genres difficilement digestes. Le problème c'est que c'est surtout par les mots qu'Angelopoulos donne du sens et de la profondeur à son film, et de surcroît par des parallèles plus littéraires que cinématographiques : on n'échappe pas à ces personnages-types du cinéma d'auteur, du genre « disons qu'untel est Ulysse et mon film sera d'autant plus puissant ». Facile... Hélas Angelopoulos n'est pas Tarkovski, il lui manque cette force de l'image, et cette personnalité qui en font un artiste digne de ce nom. « Le Regard d'Ulysse » est un beau film, mais il est tout de même très auto-complaisant (la réaction d'Angelopoulos à Cannes est à ce titre révélatrice). On y sent le travail de composition du réalisateur grec, mais on le sent pesamment. Quand chez d'autres on s'émerveille sans comprendre le pourquoi de notre émotion, chez Angelopulos on devrait être ébloui par la richesse de ses plans et de son histoire semble-t-il nous dire... Mais la simplicité est pour moi une vertu, qui n'est malheureusement pas de mise ici. Comme tous ces cinéastes qui pratiquent à tout bout de champ la référence, « Le Regard d'Ulysse » ne devient plus qu'un jeu de citations, manquant cruellement de naturel, et rendant par là même le travail de création d'Angelopoulos tout relatif. Néanmoins il est vrai qu'il est parcouru par de jolies images, et accompagné par une belle musique, signée Eleni Karaindrou. Mais rien de bien transcendant au final... Il semble plus daté qu'un film comme « Le Miroir », réalisé près de 20 ans plus tôt, c'est dire... Et ô combien plus conventionnel! Bref, une déception...

[1/4]

lundi 4 juillet 2011

« Bouge pas, meurs et ressuscite » (Zamri, umri, voskresni!) de Vitali Kanevski (1989)

    Une belle photographie et de beaux plans en extérieur, illustrant l'histoire mouvementée d'un gamin et d'une petite fille livrés à eux-mêmes dans une Russie d'une misère noire... « Bouge pas, meurs et ressuscite » est un film éprouvant, à cause de son sujet traité sur un mode extrêmement réaliste, mais aussi en raison plus simplement de la manière qu'a Kanevski d'utiliser le cinématographe, rendant son film appréciable pour qui sait faire abstraction de la trivialité du propos, de ses personnages qui hurlent continuellement pour se faire entendre quand il ne se flanquent pas dans la tronche une bonne claque tantôt pour manifester leur affection, tantôt pour plaisanter. Assez agaçant à la longue. « Seul atteint à la perfection celui qui renonce à tout ce qui mène vers l'outrance délibérée » disait Paul Valéry, c'est peu dire qu'un tel aphorisme est aux antipodes du ton du présent film... « Bouge pas, meurs et ressuscite » est l'autobiographie filmée de son auteur et réalisateur, Vitali Kanevski. Hommage partiel à « L'Enfance d'Ivan » et aux « 400 coups », il approche nettement plus le second que le premier  malheureusement, tant Kanevski prend le parti de montrer jusqu'au bout les choses plutôt que de les suggérer... A vrai dire il ne pouvait certainement pas faire autrement dans son optique, du moins semble-t-il concevoir la retranscription cinématographique de ses souvenirs uniquement par leur simple reconstitution. Toutefois à son crédit l'on peut mettre ce témoignage édifiant et nécessaire sur la vie de ces enfants violemment maltraités. On peut aussi saluer la prestation des deux protagonistes principaux, la jeune fille, et ce garçon de 14 ans ayant réellement vécu une vie d'enfant abandonné, lui qui est passé plusieurs fois par la prison en dépit de son jeune âge. Si « Bouge pas, meurs et ressuscite » marque tant, c'est surtout parce que c'est une histoire vraie. D'un point de vue artistique, c'est en revanche une oeuvre bien moins mémorable... On y retrouve en effet un certain naturalisme qui n'est pas vraiment pour me plaire... En somme, voilà à quoi ressemblerait à peu de choses près un film de Béla Tarr sans sa virtuosité cinématographique...

[1/4]

samedi 2 juillet 2011

« Pink Floyd : The Wall » d'Alan Parker (1982)

    Il est indéniable que ce film démontre une grande ambition de la part de Roger Waters et Alan Parker. Sa structure même, les thèmes qu'il aborde, les différentes techniques utilisées lui donnent une ampleur certaine. Et il faut bien le dire, son propos reste, du moins pour une part, encore d'actualité, quant à cet enfermement dans une société qui emmure en lui-même l'individu, pour n'en faire plus qu'une sorte de consommateur passif, « confortablement engourdi ». « The Wall » comporte donc d'excellents passages, terrifiants, et qui plus est accompagnés d'une bande-son connue de tous, appréciable dans ses meilleurs moments. Voilà pour les qualités de ce long métrage. Maintenant, si l'on s'attarde sur les défauts l'on ne peut que regretter la surabondance d'effets, de passages outranciers pas du meilleur goût, et autres clichés qui plombent la qualité du film dans son ensemble, qui reste très morcelé en passages différemment réussis... Rien que la bande-son, l'album des Pink Floyd, est inégale : à mon sens c'est loin d'être leur meilleur opus. A l'image du film, il s'agit avant tout d'un concept, et c'est trop souvent l'idée qui prime sur l'art, un regard sur la société et soi-même exprimé avec une certaine acuité, mais qui se fond fort mal dans des images et des sons dénués trop souvent d'une quelconque retenue ou beauté. « The Wall » est très daté : certes les thèmes qui le traversent ont quelque peu traversé le temps, mais son esthétique typique des années 80, sa symbolique franchement lourde, et finalement sa forme en font une curiosité qui vaut le détour, voire un sympathique essai, mais pas grand chose de plus...

[1/4]

vendredi 1 juillet 2011

« Tomboy » de Céline Sciamma (2011)

    Troublant! A défaut d'avoir totalement transformé l'essai, Céline Sciamma nous offre un film fascinant, parvenant à nous tenir en haleine avec trois fois rien 1h 30 durant. En premier lieu, saluons l'interprétation de la jeune héroïne, tout simplement parfaite. La petite fille qui joue sa soeur n'est pas en reste, elle est mignonne comme tout! Mais son « mérite » est tout autre (à cet âge là un enfant n'a guère besoin de « jouer » pour captiver l'attention), la jeune Zoé Héran par contre fait forte impression! Pourtant Céline Sciamma ne force jamais le trait (ou si peu), et tout reste d'un naturel bienvenu. Les autres enfants sont eux aussi bien trouvés, les parents par contre sont un peu moins convaincants, même s'ils restent dans le ton du film. Un film tendre et cruel à la fois, comme l'est l'enfance, laissant planer un suspense continuel : on vit véritablement à travers l'héroïne, et l'on appréhende comme elle les événements. Longtemps après le film, on reste encore interdit face aux nombreuses questions que pose le film, et surtout face au malaise qu'il installe chez le spectateur. La réalisatrice aborde en effet de nombreux aspects de l'enfance dans lesquels on peux souvent se reconnaître, notamment dans tout ce qui touche à l'acceptation de soi et au regard des autres. Céline Sciamma parvient ainsi à installer une atmosphère, à faire vivre ses personnages, et plus encore, à faire de son long métrage davantage qu'une simple bonne idée, grâce à son équipe donc et aux talentueux interprètes, mais aussi par sa jolie mise en scène, simple et sobre. Néanmoins, au vu du sujet et des cartes dans sa main, Céline Sciamma avait de quoi faire un grand film, plus terrible et plus ambigu encore. A vrai dire la trame du long métrage est un peu trop linéaire, sans grande surprise, et l'on attend durant tout le film le moment qui viendra tout bouleverser, pour lui conférer une dimension supplémentaire. Ce moment ne viendra pas, mais ce n'est peut-être pas si mal : l'équilibre du film, déjà fragile, aurait certainement été rompu. Pas un chef-d'oeuvre donc, loin de là, mais un plutôt bon film!

[1/4]

jeudi 30 juin 2011

« Le Narcisse noir » (Black narcissus) de Michael Powell et Emeric Pressburger (1947)

    Un film sensuel comme un bloc de marbre... Je ne peux m'empêcher de penser au « Fleuve » de Renoir, et comparer ces deux oeuvres, voire les deux « nations » qui se confrontent de cette façon : peut-on voir en ces deux longs métrages l'un britannique et l'autre français (du moins pour ce qui est de leurs réalisateurs respectifs) un bon aperçu des différences culturelles qui nous séparent? C'est peut-être un raccourci hâtif... Toutefois une chose est certaine, « Le Narcisse noir » est un film raide comme ses décors en carton pâte, froid car mécanique et artificiel, sans âme et sans passion. C'en est même fascinant tant chaque plan est savamment construit et élaboré par nos deux compères, sûrs de leur bon goût et de leur raffinement, tandis qu'à chaque fois un petit détail vient désamorcer le sérieux (hilarant malgré lui) du film : un arrière-plan tremblant dans des passages censés nous couper le souffle par leur cadrage vertigineux, un humour lourdingue, des nonnes d'un ridicule, un mâle, un vrai au torse velu, et trottinant sur un poney trop bas pour lui (inoubliable), des éclairages qui ne trompent aujourd'hui plus personne, des protagonistes écrits à la truelle, clichés au possible, une sorte d'histrionne édentée qu'on voudrait jeter du haut de la falaise factice du couvent... Bref, « Le Narcisse noir » est un monument d'académisme cinématographique, un film où tout est lisse et bien à sa place, mais qui n'a absolument aucune raison d'être. A vrai dire je ne suis guère étonné à présent que Powell ait pu « commettre » cet horrible film puritain qu'est « Le Voyeur » : c'est la même sensibilité si j'ose dire qui émane de ce film, baignant constamment dans un second degré trivial sous ses atours de  chef-d'oeuvre de magnificence et de psychologie. Un film assez bête il faut bien le dire, ou plutôt niais : voilà le mot qui convient le mieux au « Narcisse noir ». Je ne peux m'empêcher de songer à un autre film portant sur un sujet relativement similaire : « Mère Jeanne des anges », de Jerzy Kawalerowicz, autrement plus inoubliable! Et pour revenir enfin à la comparaison avec « Le Fleuve » de Renoir : ce dernier est non seulement passionnant, profond et formidablement émouvant. Mais il est aussi beau à chaque instant qui s'écoule. En dépit de sa photographie sophistiquée et de sa pompe orchestrée à grands coups d'archets hollywoodiens, « Le Narcisse noir » ne peut même pas en dire autant. Hélas, le « beau » cinématographique ce n'est pas seulement filmer de beaux décors et de beaux acteurs à l'aide de beaux cadrages...

[1/4]

« The Tree of life » de Terrence Malick (2011)

    Trop. Trop d'images, de sons,... Trop de plans, de choses inutiles, répétitives, forcées, trop de symboles, de pellicule, de musique (le grand Bach côtoie... la soupe signée Alexandre Desplat)... Et trop de déjà-vu. « The Tree of life » est un film raté, profondément raté. Pour faire simple, c'est le « Miroir » de Terrence Malick revisité par Gaspard Noé (cette caméra omnisciente qui plonge à n'en plus finir). Mais ce qui a été fait une fois ne peut l'être une seconde (en ce qui concerne « Le Miroir » j'entends), « The Tree of life » n'est donc qu'un film d'un réalisateur qui cherche à être autre, à être « le plus grand » : les seuls moments réussis et vraiment bouleversants du long métrage, ce sont certains moments dramatiques, concernant la famille, réellement « créés pour le film » (ou du moins ce sont les seuls passages à sembler l'être). Le reste est de l'art pour ceux qui ne croient que ce qu'ils voient. Malick choisit alors de montrer, beaucoup. Mais il est certaines choses que l'on ne peut pas montrer, que l'on ne peut, humblement, que suggérer. Qu'il emprunte (là aussi beaucoup) à Yann Arthus Bertrand (sic), à Brahms, à Tarkovski ou à Kubrick rien n'y fait, Malick s'est perdu dans ce projet gargantuesque, exactement le type de projets infaisables sur le papier, et qui gagnent à ne rester qu'un rêve. Une fois à l'écran, il s'agit d'une mécanique rutilante, de la poésie pour mangeurs de pop-corn (passez moi l'expression, mais l'on se demande souvent si Malick ne cherche pas trop à se faire comprendre, surtout d'un certain public). En fait, son chef-d'oeuvre, il l'a réalisé depuis bien longtemps. C'est « La Balade sauvage ». Question de forme et de concision sans doute, de sincérité et de spontanéité surement. Depuis, chacun de ses films n'a fait que ternir un peu plus son aura de réalisateur mythique. Le voilà en passe de devenir ringard, commun, vidé de toute émotion, embourbé dans une esthétique new age fatigante, et des tics de réalisation aujourd'hui clairement ostensibles... Dommage, vraiment. Il aurait mieux fait de ne pas sortir de son silence, et d'en rester à ce qu'il avait fait, et bien. Car oui, Terrence Malick est, ou était un grand cinéaste, mais peut-être ne le sait-il pas, et court-il après autre chose que du cinéma... Pour revenir à « The Tree of life », c'est un film non fini, auquel il faudrait retirer des heures et des heures (je vous l'accorde, il n'en resterait pas grand chose), et oui ce serait un grand film, immense même. De toute évidence Malick n'a pas su où couper, car tout aurait été à refaire en ce cas, ou d'un autre point de vue. La structure même du film le plombe, sans compter qu'elle n'est pas rattrapée par l'esthétique façon National Geographic ou pub pour voitures d'une « beauté » toute relative... En somme, un échec cinglant.

[1/4]

lundi 27 juin 2011

« Le 25 octobre - Premier jour » (25-е - pervyi den) de Youri Norstein et Arkadi Tiourine (1968)

    Un court métrage d'animation célébrant le cinquantième anniversaire de la Révolution d'octobre, cherchant à retrouver l'esthétique et l'enthousiasme de l'art soviétique des années 20, à renouer avec l'esprit des artistes d'avant-garde d'alors en les transposant à l'écran. Ainsi Norstein et son collaborateur Arkadi Tiourine s'inspirent des écrits de Maïakovski, de peintres tels que Malevitch, Petrov-Vodkine, Lissitzky ou encore Chagall, le tout sur une musique de Chostakovitch, pour donner vie à une oeuvre totalement dans leur sillage, quoiqu'à l'origine portant un regard critique sur cette funeste « aventure ». Hélas la censure passera par là, et un passage critiquant explicitement Lénine sera supprimé, ce qui rendra Youri Norstein d'autant plus déterminé à ne plus jamais faire de concessions à l'avenir. Pour ce qui est du film en lui-même, l'animation est encore hésitante et maladroite, mais son ambition (de nombreuses techniques différentes sont utilisées) en fait davantage qu'un simple premier essai, même si celui-ci n'est pas pour autant des plus inoubliables : la foi en l'idéologie soviétique passera avec le temps, et tout ce qui y était alors rattaché ne peut garder aujourd'hui qu'un goût amer… Même si l'espoir placé dans la liberté et la justice, dans l'égalité, retranscrit dans le présent film est toujours émouvant, d'autant plus lorsque l'on sait ce qu'il est advenu par la suite. En somme une première oeuvre tout ce qu'il y a de plus typique : elle porte en elle les défauts de l'inexpérience, et en germe le talent de Youri Norstein qui ne demandera qu'à s'épanouir par la suite.

[1/4]

« Jugatsu » (3-4x jugatsu) de Takeshi Kitano (1990)

    Les films les plus représentatifs de Takeshi Kitano sont certainement « Sonatine » et « Hana-Bi », ce dernier s'avérant de surcroît émouvant malgré quelques facilités d'écriture. J'ai ma petite préférence pour « Achille et la tortue », à mon sens riche méditation (par l'exemple) sur l'art, marquant l'aboutissement de la crise intérieure et artistique de Kitano, où l'espace de trois longs métrages (ce dernier ainsi que « Takeshis' » et « Glory to the filmmaker ») il avait profondément remis en cause sa conception du cinéma, l'éclatant littéralement... pour mieux revenir à ses premiers amours. Les deux premiers films de cette « trilogie » sont pour le moins bancals, montrant à quel point Kitano s'était embourbé dans sa réflexion sur lui-même, tant il semblerait que l'art soit au-delà de l'« intellectualisme » : dès que l'on se demande comment l'on fait pour marcher ou parler, cela nous devient terriblement difficile, et je crois pouvoir dire que c'est un peu la même chose d'un point de vue artistique (ou autre). A l'inverse, « Jugatsu », son deuxième long métrage, a été réalisé dans sa pleine période « ascendante », c'est donc un film totalement décomplexé, qui ose tout, au rythme à la fois décousu et étonnamment maitrisé, à l'humour très particulier (euphémisme) mais la plupart du temps ravageur. Kitano joue sur tous les registres, fait passer l'émotion à différents niveaux, tout en gardant une certaine distance burlesque, surtout vers la fin du film et son apparition sous les traits d'un yakuza hautement improbable et violent. Difficile de trouver un point d'ancrage dans ce long métrage parfois confus et brouillon, même si le « héros » béat qui parcourt le film, hébété et souvent spectateur de l'action des uns et des autres, semble être celui par lequel l'on vive tout ce qui s'y déroule. Difficile aussi de résumer ce film, que j'adresserai surtout aux admirateurs du cinéaste japonais, les autres risquant d'être quelque peu décontenancés par ce long métrage pas toujours très fin et subtil, mais à la singularité déjà bien marquée pour un second essai.

[1/4]

samedi 18 juin 2011

« New Rose Hotel » d'Abel Ferrara (1998)

    Je ne partage décidément pas l'attirance de Ferrara pour l'amour glauque, les bars glauques, les conversations glauques, bref pour le glauque érigé au rang d'art. J'exagère peut-être, Ferrara est sans doute sincère malgré son goût certain pour la pose « underground », et les trajectoires « vice et rédemption »... Toujours est-il que ses films sont trop construits en ce sens pour que l'on puisse en faire abstraction, du moins son « art » reste-t-il toujours à un niveau terriblement trivial et « premier degré » : c'est semble-t-il sa marque de fabrique... On pourra certes apprécier cette sorte de « poésie » du sordide, qui fait courir bien des cinéastes de nos jours, notamment en France (je pense surtout à Gaspard Noé, mais esthétiquement parlant et bien que plus sobre, Jacques Audiard n'est pas loin derrière). Pour ma part je ne vois là qu'une fascination puérile, qui n'a d'artistique que la prétention à sublimer quelque chose... Pour un résultat dénué de finesse, et finalement d'un commun... Non pas que tout soit mauvais dans ce long métrage : Walken et Dafoe sont d'excellents comédiens, et même s'ils cabotinent bien trop à mon goût ils savent donner chair à leurs personnages d'espions industriels désabusés. Asia Argento, qui n'est pas franchement l'incarnation de la candeur, ne s'en sort pas trop mal elle non plus, malgré que l'on ait parfois du mal à croire en sa prestation... Et on notera quelque originalité dans le traitement du film, qui en fait une sorte de polar « techno-scientiste » détourné, une sorte de blues urbain estampillé fin des années 90... Mais dans l'ensemble c'est un film beaucoup trop joué, trop porté sur ses comédiens, Ferrara se débrouillant ensuite pour donner de la consistance à son film en optant pour une forme relativement élaborée, faite de réminiscences et de souvenirs vaporeux... Mais lesdits souvenirs n'étant pas d'un intérêt extraordinaire, on se surprendra plusieurs fois à bailler devant cette sorte de clip lascif pour adultes consentants... C'est que Ferrara ne lésine pas non plus sur la musique et la photographie « vintage », ni même sur une caméra tremblotante et autres effets de style masquant à grand peine la fragilité du projet... Du Ferrara pur jus donc, à réserver au amateurs du genre (à ce propos l'affiche renseigne plutôt bien sur ce que l'on est en droit d'attendre du film).

[1/4]

jeudi 16 juin 2011

« Le Labyrinthe de Pan » (El laberinto del fauno) de Guillermo del Toro (2006)

    Une parabole très, trop appuyée sur la force de l'amour et du sacrifice face à l'horreur du monde. Que Guillermo del Toro ait débuté en tant que maquilleur semble évident une fois qu'on le sait : « Le Labyrinthe de Pan » est avant tout un film reposant sur quelques trouvailles visuelles, des personnages, des lieux, des décors, il est vrai fort réussis. Pour le reste nous avons affaire à une oeuvre d'une subtilité pachydermique, avec un méchant bien méchant, de la violence plus qu'explicite (pour bien montrer la cruauté des hommes), des pleurs maladroitement simulés et un peu trop récurrents à mon goût, un scénario en grande partie déjà-vu... Outre que la direction d'acteurs ne soit semble-t-il pas la spécialité du cinéaste mexicain, il ne fait aucun doute que de surcroît c'est bien plus la partie « imaginaire » qui ait été l'objet de toute son attention. La partie sur le franquisme est terriblement banale et mal jouée, gorgée de clichés et arborant un ton dénonciateur/tragique des plus communs, malheureusement... Reste l'aspect fantastique du long métrage, illuminé par la présence de la jeune héroïne, qui quoique n'écopant pas d'un rôle aussi fouillé et original qu'on l'aurait souhaité s'en sort plutôt bien, surtout face au reste de la distribution : c'est la seule à ne pas jouer, à vraiment « être » son personnage. Certes ce parcours initiatique trouve à terme une certaine cohérence, et Guillermo del Toro raccorde plutôt bien ces deux mondes qui en réalité n'en font qu'un. Mais les ficelles sont grossières (sans parler de l'ostensibilité des références), et malgré la bonne volonté (je suppose) de l'auteur, difficile de ne pas buter sur les nombreux défauts... Sans parler une fois de plus de toute cette violence, décidément au diapason de la finesse du monsieur... D'autant que de la réalisation à la photographie artificielle et laide au possible, c'est toute une influence hollywoodienne que l'on sent grever le long métrage, et franchement pas pour le meilleur. 1/4 donc, pour un film qui aurait pu être pire... mais aussi bien mieux, c'est ça qui est le plus terrible...

[1/4]

mardi 14 juin 2011

« Une femme est une femme » de Jean-Luc Godard (1961)

    A vouloir à tout prix casser les codes de la narration cinématographique et proposer autre chose qu'un récit, Godard n'offre finalement qu'une suite de gags d'une teneur assez variable... La façon dont il se joue du cinématographe est certes fort appréciable et souvent réjouissante. Il parvient tant bien que mal à s'en sortir en conférant tout de même un minimum de cohérence à l'ensemble, et en osant s'aventurer relativement loin des sentiers battus, ce dont on lui saura gré. Mais Godard se répète dans les clins d'oeil au spectateur : la distanciation a ses vertus, ses limites aussi, qu'il franchira allègrement par la suite et déjà en quelque sorte ici. Il faut dire que le genre auquel se prête au premier abord « Une femme est une femme », soit la comédie, est rarement l'occasion de faire montre de profondeur, en tout cas la façon dont Godard s'y attaque n'arrange pas les choses. Du moins du point de vue « contenu », si tant est que l'on puisse le détacher de la forme, car « Une femme est une femme » n'est rien moins qu'un pur exercice de style. En ce sens il est plutôt réussi, une fois de plus les idées de mise en scène abondent, Godard s'amusant complètement avec sa technique fétiche : l'association d'idées, qu'il traduit visuellement (« littéralement » pourrait-on dire). De plus s'il se réfère plus ou moins explicitement à la comédie, en réalité Godard brouille tellement les pistes qu'il est réducteur de l'associer au seul genre. C'est bien l'expérimentation cinématographique qui l'intéresse, et briser les normes traditionnelles : chose faite. Quant au résultat, il laisse plus circonspect... Oui cinématographiquement parlant « Une femme est une femme » vaut le coup d'oeil, mais d'un point de vue plus large, artistique ou autre, il s'agit là d'un film assez anecdotique. Un Godard mineur en somme.

[1/4]

dimanche 12 juin 2011

« Athènes, retour à l’Acropole » (Athina, epistrofi stin Akropoli) de Theo Angelopoulos (1983)

«Athènes, retour à l’Acropole» commence exactement là où s’arrêtait «Alexandre le Grand», par le même plan : un vaste panoramique de la capitale grecque s’achevant sur une vue de l’Acropole. Ce moyen métrage est un poème d’Angelopoulos sur sa ville natale, réalisé dans le cadre d’une série de documentaires télévisés sur les capitales européennes. Le film n’a donc ni l’ambition, ni l’ampleur des films précédents du cinéaste, mais n’en n’est pas pour autant insignifiant. «Athènes, retour à l’Acropole», est une transition dans la filmographie d’Angelopoulos, transition vers la forme plus élégiaque des films à venir. Après la quête d’identité du cinéaste menée dans l’histoire passée de son pays, le film marque également le passage au temps présent. Angelopoulos filme sa ville en poète, usant de longs travellings et de lents panoramiques qui viennent illustrer et faire le contrepoint aux commentaires en voix off. Ces commentaires se composent d’anecdotes personnelles et de souvenirs d’enfance du cinéaste, mais aussi de récits historiques, ponctués par des lectures de poèmes de Georges Séféris. L’Histoire de la Grèce et de la ville se mélange à l’histoire du cinéaste, annonçant l’orientation nouvelle du cinéma d’Angelopoulos, davantage focalisé sur les histoires individuelles et la condition humaine. Le film continue néanmoins de creuser le sillon des liens entre passé et présent, la caméra cherchant dans l’Athènes contemporaine les traces du passé, depuis les ruines de l’Antiquité jusqu’aux marques de la guerre laissées sur les façades des maisons. Angelopoulos raconte que sa maison natale a été détruite pour laisser place aux fouilles archéologiques. Juste sous sa chambre d’enfant, sous une certaine couche de terre, les archéologues ont découvert les vestiges d’une chambre antique avec des jouets indiquant qu’y dormait un petit enfant. Cette image poétique d’une circularité de l’Histoire est une belle illustration du sens de «Athènes, retour à l’Acropole». On regrettera l’omniprésence de la voix off qui, pour un spectateur n’entendant pas le grec, oblige à lire constamment les sous-titres, ne permettant pas d’apprécier pleinement l’image et rendant délicate l’immersion dans le film. Ca ne vaut pas une élégie sokourovienne (le cinéaste russe est l’un des rares à exceller dans ce registre), mais on peut facilement se laisser bercer par ce poème visuel. Restons objectif cela dit, «Athènes, retour à l’Acropole» reste une transition dans le parcours du cinéaste, une étape qu’on oubliera vite.

[1/4]

vendredi 3 juin 2011

« Traité de bave et d'éternité » d'Isidore Isou (1951)

    Un petit pamphlet juvénile de poète en herbe, gorgé d'arrogance et de morgue enfantine, parfois émouvant malgré tout (le charme de la désuétude, et le souvenir de notre rage adolescente…). « Traité de bave et d'éternité » est terriblement bavard : tant qu'il est intéressant c'est appréciable, c'est beaucoup plus embêtant dès lors qu'il dit d'autant plus de bêtises (ce qui arrive malheureusement bien assez tôt…). Quelques rares fois il touche juste : ce sont quelques idées intéressantes sur le cinéma, un visage nonchalant et filmé à répétition (le sien, on ne se refait pas), le hasard d'une rencontre entre images et parole… Le reste n'est hélas que platitude… Paradoxalement, il y a une sorte d'académisme de l'avant-garde. Académisme car il ne repose que sur des procédés, sans pour autant créer d'émotion esthétique, artistique… ou d'émotion tout court. Seul le choc, la nouveauté sont recherchés, dans une démarche puérile avide de reconnaissance immédiate. Isidore Isou, comme tant d'autres artistes dits d'avant-garde, c'est quelqu'un qui crie « regardez-moi! », « adorez-moi! ». Comme aujourd'hui on monte son groupe de rock pour épater les filles du lycée et rendre jaloux les copains, apparemment à l'époque on jouait au poète, on réalisait son film et on créait son mouvement artistique, « manifeste » (que ce nom sonne bien!) à l'appui. Et bien sûr, pour la postérité, on glissait une notice au début ou à la fin dudit film histoire de bien faire comprendre au spectateur innocent que l'on était à l'époque un vrai rebelle, que l'on avait « créé » quelque chose de nouveau, sous l'auguste patronage d'anciens rebelles en leur genre (dont au premier chef Sade bien évidemment, « le » rebelle par excellence). Qu'est-ce donc que le lettrisme, sinon l'un de ces innombrables mouvements d'avant-garde qui croyaient faire progresser l'art alors qu'ils n'en redécouvraient que les fondements, la technique. Des onomatopées font-elles de la poésie? Une image rayée fait-elle du cinéma? Isou a compris que le septième art ce n'était pas que Mickey Mouse, et il a voulu réveiller les consciences. Bien, c'est déjà ça. Mais ensuite? 

[1/4]

jeudi 19 mai 2011

« Essential Killing » de Jerzy Skolimowski (2011)

«Essential Killing», c’est la mise en images d’une traque, celle d’un afghan (interprété par l’acteur américain Vincent Gallo) pourchassé par une armée américaine qu’on entend plus qu’on ne voit. L’homme est d’abord arrêté en plein désert afghan. Il est ensuite conduit dans une prison secrète, mais parvient à s’échapper durant le transfert. Dans cette première partie, Skolimowski parvient efficacement à contextualiser et à poser les enjeux de son film, par l’utilisation de symboles visuels forts. C’est ainsi qu’il lui suffit de convoquer l’uniforme orange et la cagoule blanche de Guantanamo pour suggérer les tortures infligées au prisonnier. Mais la critique de la politique étrangère américaine n’est pas ce qui intéresse ici Skolimowski, qui passe rapidement, en quelques plans, sur cet aspect, pour se focaliser sur la traque de ce fugitif dans les forêts enneigées d’un pays non identifié. La fuite de cet homme, réduit à l’instinct animal (survivre au froid, se nourrir), prend rapidement les allures d’un véritable chemin de croix, jalonné d’épreuves caractérisées par un fort symbolisme judéo-chrétien. Et c’est là que le film ne fonctionne pas. Tout d’abord, cette construction du film par succession d’épreuves tue dans l’œuf la tentative de Skolimowski d’illustrer l’animalité du personnage et le côté instinctif de sa lutte pour la survie. Comment cette fuite pourrait-elle être instinctive alors que Skolimowski est là, derrière chaque arbre de cette forêt, pour tendre un nouveau piège symbolique à son personnage?... Non seulement cela nuit à la vraisemblance de l’ensemble, jusqu’à en devenir presque risible (l’homme marche dans un piège à loup, mange des baies toxiques, se couche à l’endroit précis où tombe l’arbre scié par un bûcheron…), mais cette succession d’épreuves est purement théorique : elle cherche à faire du traqué un martyr. Dès lors le film se révèle froid, distant. Les images se vident de toute densité émotionnelle et le personnage s’avère bien plus déshumanisé par l’arsenal théorique mis en place par Skolimowski que par la situation qu’il vit. Il devient lui aussi symbole. De plus, le symbolisme de certaines situations peut s’avérer parfois grossier (la scène où il force une femme allaitant son enfant à lui donner le sein est ridicule). Il a été dit que le film était «radical» dans son parti pris et sa mise en scène. A mon goût, il ne l’est pas assez, ou, tout du moins, il n’assume pas pleinement sa radicalité. Skolimowski se sent comme obligé d’introduire des séquences de flash-back pour construire un passé et une vie à son personnage, séquences non seulement superflues mais particulièrement vilaines visuellement. Au final, on retiendra 2 scènes qui parviennent un peu à s’extraire de la rigidité théorique de l’ensemble et à proposer un début d’émotion artistique : la séquence des chiens et le dernier plan du film, d’une sobriété salutaire. Ca reste léger…

[1/4]

lundi 16 mai 2011

« Elvira Madigan » de Bo Widerberg (1967)

Il est drôle de lire les critiques de Bo Widerberg à l’encontre du cinéma de son compatriote Bergman, qu’il qualifiait de «vide», après avoir vu «Elvira Madigan». Car s’il est bien un film vide de contenu et de substances, c’est bien celui-ci! Je découvre avec ce film le cinéma de Widerberg et je peux dire que j’aurai bien du mal à trouver la motivation pour en voir un autre… «Elvira Madigan» est une succession de plans (pas moches, certes) d’un homme et d’une femme s’enlaçant dans les herbes hautes, à la belle saison, au son du concerto pour piano n°21 de Mozart. Ils s’aiment, mais ils n’ont pas le droit de s’aimer (lui a déserté l’armée et quitté sa femme et son enfant pour vivre la robinsonnade avec la belle Elvira). Leur petite escapade romantique dans les champs se terminera mal, sans que nos deux gentils amoureux n’aient cherché le moins du monde à s’en tirer. On peut y voir la version soft, proprette et en costumes de «La ballade sauvage» de Malick, l’ennui en plus. Widerberg voulait insuffler un air de renouveau, un «coup de jeune» dans le cinéma suédois, en s’inspirant du cinéma de Truffaut (il aurait mieux fait de regarder du côté de Godard ou de Resnais) et de Cassavetes. De Truffaut, il a gardé le classicisme plat, et de Cassavetes, une certaine manière de filmer, en gros plans et caméra à l’épaule, les corps-à-corps de ses personnages. Reste Pia Degermark, actrice à la beauté assez remarquable, qui a d’ailleurs obtenu un prix d’interprétation à Cannes (prix très sexiste cela dit, tant l’actrice est juste filmée mais ne joue en aucune façon, son texte tenant vraisemblablement sur une seule page). Même si le film évite les écueils redoutés (pathos, romantisme pseudo-désespéré) grâce à une réalisation plutôt sobre, on peine à trouver intérêt à suivre les déboires amoureux de ces deux mannequins. Belles images et belle actrice ne suffisent pas à faire un bon film. Widerberg reprochait à Bergman de monopoliser la production cinématographique suédoise et d’être l’arbre qui cachait la forêt. Après ce premier visionnage d’un film de Widerberg, Bergman reste pour l’instant l’arbre au milieu de la prairie.

[1/4]

dimanche 1 mai 2011

« Memories » (Memorîzu) de Kōji Morimoto, Tensai Okamura et Katsuhiro Ōtomo (1995)

    Le problème des films à sketchs, des recueils de courts métrages, c'est qu'ils sont souvent par nature inégaux, et que la comparaison que l'on opère entre les différents segments se fait toujours aux dépens de l'ensemble. Ainsi en est-il de « Memories » : le premier segment et le dernier surtout sont plutôt réussis, mais le second n'étant pas franchement des plus admirables, une fâcheuse impression de déception nous saisit au terme du visionnement du long métrage qu'ils forment à eux trois. Pourtant tous ont un sujet intéressant. Le premier tout d'abord, « Magnetic Rose », est formellement abouti et réserve une atmosphère triste et nostalgique pour le moins touchante. On s'approche de la science-fiction onirique du « Solaris » de Tarkovski, même si bien évidemment la subtilité du segment réalisé par Kōji Morimoto est sans commune mesure avec le film de l'illustre cinéaste russe. Son principal défaut est sa représentation par trop conventionnelle de certains fantasmes typiques du genre. On n'échappe pas non plus à certains clichés de l'animation japonaise, particulièrement quant à sa représentation du « beau », un beau vaguement occidentalisant et d'un goût pas très sûr... Le second segment part d'une bonne idée, évoquant le fantôme de la bombe atomique, ou tout du moins de catastrophes de cette ampleur. Scientifiques et militaires en prennent pour leur grade, et le traitement réservé à l'histoire qui nous est narrée est fort ingénieux et très caustique. Par contre si l'on se met à considérer l'animation en elle-même et la beauté du segment, il apparaît hélas que « Stink Bomb » ne dépasse pas le stade de la bonne idée judicieusement exploitée. Vient enfin le dernier court-métrage, réalisé par Katsuhiro Ōtomo, et c'est celui-là qui a finalement retenu mon attention. Non pas qu'il soit exceptionnel, mais c'est de loin le plus original et le plus abouti : son absurdité feinte et la singularité de l'animation n'y étant pas étrangères. Une atmosphère oppressante nous étreint, tandis que la monotonie, l'inexorabilité des gestes qui nous sont donnés à contempler, ainsi que leur portée effrayante confèrent à ce « Cannon Fodder » une ampleur certaine et au souvenir durable. « Memories » vaut donc le coup d'oeil pour tout amateur d'animation qui se respecte, toutefois il tient plus de la curiosité que du coup de maître.

[1/4]

dimanche 10 avril 2011

« At Land » de Maya Deren (1944)

    J'étais sévère avec « Meshes of the Afternoon », je le serai plus encore avec « At Land ». Au risque de passer pour un rustre, j'avoue n'avoir guère été enchanté par ce court métrage sibyllin... C'est à peine si j'y vois quelque chose : des associations d'idées, de la psychanalyse, des pulsions, du surréalisme et c'est à peu près tout... J'y vois aussi une artiste qui semble faire sienne l'écriture cinématographique, mais qui paradoxalement me donne la fâcheuse impression d'avoir affaire à du déjà-vu... J'y vois beaucoup de « trucs », d'effets, mais difficile d'être touché par quoique ce soit... En bref, une fois encore j'y vois quelqu'un qui sait comment représenter l'onirisme à l'écran, mais qui peine à dépasser ce stade. Non pas que ce court métrage soit dénué totalement de sens, mais son envergure m'apparaît décidément toute relative, et je ne parle bien évidemment pas de sa concision temporelle. Que dire de plus sinon mon profond désarroi une fois de plus devant ce que l'on appelle non sans une certaine complaisance « cinéma d'avant-garde »...

[1/4]

samedi 9 avril 2011

« Meshes of the Afternoon » de Maya Deren (1943)

    S'il fallait choisir parmi ces mots barbares en -isme pour qualifier le court métrage de Maya Deren, nous pourrions opter pour celui de minimalisme. Mais peut-être serait-il possible de trouver mieux, non? Essayons avant-gardisme, à coup sûr l'on ne peut se tromper! Un peu trop facile... Surréalisme alors? Oui mais l'on peut y mettre tout ce qu'on veut... Psychologisme? Nous n'en sommes pas loin, mais tentons de trouver un terme moins « clinique »... Narcissisme? On y est, voilà qui me convient. Maya Deren se filme en train de jouer (à l'artiste) et se regarde filmer. J'aurais certes pu parler d'onirisme, d'« onirisme pour les nuls » en ce cas, tant il est difficile de faire abstraction des conditions de tournages pour le moins chiches de ce film, et tant le registre citationnel tourne à plein... Un petit peu de Dulac par ci, un petit peu de Cocteau par là, du vent dans les cheveux et des voiles sombres qui s'envolent mystérieusement... Et voilà, nous obtenons « de l'art »! Je suis un peu sévère il est vrai avec ce court, il possède une certaine cohérence, je me risquerai même à y voir une certain sensualité... Mais difficile de réprimer un sourire narquois devant l'étalage de procédés de cette oeuvre que l'on qualifierait significativement d'« arty » si elle avait été tournée récemment. Le cinéma de Maya Deren lorgne ostensiblement du côté du rêve, de l'inconscient. Mais à trop vouloir en faire la vraisemblance de son film en prend un sacré coup... Car le résultat manque finalement de subtilité et d'ambivalence, on pénètre bien trop facilement de cet « autre monde », d'autant que ce qu'on y trouve n'est pas vraiment renversant... Des symboles, c'est à peu près tout. Bergman ou Tarkovski sont bien loin...

[1/4]

mardi 29 mars 2011

« L'Etrange affaire Angélica » (O estranho caso de Angélica) de Manoel de Oliveira (2011)

    Très mauvais! Manifestement Manoel de Oliveira n'a pas le talent qu'on lui prête... Et dire que certains se répandent en louanges quant à son âge : bon sang, parle-t-on de ses films ou de la révérence que l'on peut porter à tout centenaire qui se respecte? Car c'est bien à du cinéma de vieux que l'on a affaire, dans le sens où tout n'est qu'artifice, naphtaline, amour du terroir et poses compassées, reconstitution laborieuse d'une ambiance qui se veut mystérieuse et onirique (soit un mélange disgracieux entre les effets spéciaux de « L'Atalante » copiés – pardon cités – de façon bien malvenue et une sorte d'atmosphère de sous-Polanski. Au passage, inutile de préciser que Poe ou Maupassant sont plus convoqués qu'égalés). Nulle trace – ou si peu – de la vie que l'on est en droit d'attendre de toute oeuvre d'art digne de ce nom... Certes le début laisse augurer de belles choses, mais rapidement l'on en vient à déceler la fausseté du geste d'Oliveira. Est-ce la musique d'introduction, plutôt jolie, mais aussi insignifiante que le long métrage qu'elle accompagne qui a éveillé mes soupçons? Sont-ce ces bêcheurs de pacotille qui ne savent même pas tenir leur outil? Peut-être est-ce la photographie léchée à outrance de ces scènes où la jeune fille sourit malicieusement à notre gentil héros? Peut-être sont-ce les chants horriblement faux desdits bêcheurs? Ou peut-être encore tous ces acteurs qui surjouent des rôles affreusement creux? Sans compter que l'emploi qu'Oliveira fait du numérique est parfois d'une laideur à faire palir Jean-Pierre Jeunet! Soyons clair : ce film aurait été réalisé par n'importe quel apprenti cinéaste de 25 ans, on n'en aurait certainement jamais entendu parler – et on lui aurait certainement pardonné. Mais à 102 ans, est-ce là tout ce que Manoel de Oliveira a à nous raconter? Si l'on n'avait pas compris, fort heureusement il se plaît à nous le confier, et même à nous le répéter par la bouche du personnage principal : c'est « photographier le travail à l'ancienne » qui l'intéresse. Il n'a pas failli à son ambition : son « Etrange affaire Angélica » n'est qu'un cliché, guère plus.

[1/4]