dimanche 11 septembre 2016

« Toni Erdmann » de Maren Ade (2016)

    Vanté dans la presse comme un légitime prétendant à la Palme d’or du Festival de Cannes, j’attendais beaucoup de « Toni Erdmann ». Et si mes attentes ne sont pas totalement déçues, je dois bien dire que ce film ne m’a pas pleinement convaincu pour autant. Sur le papier, ce long métrage bénéficiait pourtant d’un scénario en or massif : une jeune consultante – c’est-à-dire une femme dont le métier consiste à conseiller des entreprises et plus particulièrement leurs dirigeants – ne semble pas heureuse, ce qui préoccupe son père facétieux, qui va chercher à lui redonner le goût des choses simples avec ses blagues insistantes. De ce conflit entre le monde enfantin du père et le monde ascétique de la fille (les rôles semblent inversés en termes de maturité) ne pouvait que découler une intéressante confrontation me disais-je. De plus, le monde du conseil aux entreprises est quelque chose que je connais, ce film ne pouvait donc que me parler. Côté peinture du monde du conseil, Maren Ade frappe juste. Le réalisme de ce film en la matière est criant de vérité. Grâce à sa talentueuse interprète, Sandra Hüller, la réalisatrice capte bien toutes les frustrations et les renoncements, parfois même les reniements qu’implique ce genre de métier, de la relation au client à celles avec ses collègues ou les rapports de hiérarchie (excellente Ingrid Bisu), en passant par le vocabulaire particulièrement formaté et la rudesse, pour ne pas dire la froide inhumanité de certains. En contrepoint, le rôle du père, tenu avec brio par Peter Simonischek, permet de donner un peu de chaleur humaine à l’ensemble. Véritable élément perturbateur, tel un Tati drôle et mélancolique à la fois qui détruit tout ce qu'il touche, Toni Erdmann (alter ego imaginaire de ce père décalé) vient se fondre dans le moule du parfait businessman pour mieux en faire ressortir toute la vanité et la vacuité. Ainsi, le long métrage réserve certains passages particulièrement savoureux, qui s’ils ne font pas forcément rire aux éclats (et encore), nous font afficher un franc sourire. Ce qui pèche par contre, c’est la réalisation. Le film est long et tous les plans sont loin d’être intéressants. De plus, l’ouvrage se fait parfois pesant lors de séquences quelques peu malvenues qui rendent le tout passablement indigeste. Souvent grave, « Toni Erdmann » déçoit quand il se fait trop lourd. De sorte que quand l’image n’est pas « molle », fade, elle est parfois désagréable. En résumé, ce long métrage bénéficie à l’origine de bonne idées, voire d’idées géniales. Le personnage éponyme, en particulier, vaut son pesant de cacahuètes. Dommage qu’il manque à Maren Ade un vrai talent de réalisatrice pour transformer l’essai complètement…

[3/4]

samedi 10 septembre 2016

« Sparrow » (Man jeuk) de Johnnie To (2008)

    J'ai vu la première fois ce film à sa sortie en 2008, emmené par un ami dans un cinéma du quartier latin à Paris, sans savoir le moins du monde à quoi m'attendre. Je ne connaissais que le titre du film, Sparrow, et c'était tout. Ce genre de conditions permet d'apprécier davantage un long métrage dans lequel on ne place pas d'espoirs trop grands pour lui. Sans tomber sur le film du siècle, il se trouve donc que j'ai passé un très bon moment. J'ai particulièrement apprécié la légèreté du long métrage et le portrait envoûtant de Hong Kong qu'il propose. Dans un style Nouvelle Vague bien digéré, Johnnie To nous livre une histoire simple et amusante : 4 pickpockets (ou moineaux, « sparrow » en anglais, « man jeuk » en cantonais) se font prendre dans les filets d'une belle et mystérieuse jeune femme. C'est pour lui l'occasion de filmer des plans absolument magnifiques et enchanteurs de la fameuse cité portuaire, dans une atmosphère charmante, comme dans un Godard des débuts libéré de ses tics formels. On ne voit pas le temps passer et on savoure chaque instant, au gré de plusieurs séquences mémorables, dont la dernière, particulièrement réussie : ce ballet de parapluies, la nuit, au cœur de la ville. Par contre, le revers de la médaille, car il en faut bien un, c'est le scénario. Ingénieux, il sert toutefois davantage de prétexte qu'autre chose, car c'est peu dire qu'il est assez invraisemblable, ce qui le rend quelque peu bancal. Ce qui fait que quand le film s'achève, la fin est un peu abrupte. Malgré ce léger bémol, « Sparrow » est une vraie réussite. Difficile de trouver aujourd'hui des films aussi rafraichissants : simples, beaux et drôles à la fois... Les années 2000 avaient décidément beaucoup de charme... Et le cinéma asiatique a rejoint, et même dépassé le cinéma occidental contemporain. Ne ratez donc pas cet oiseau rare !

[3/4]