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jeudi 27 août 2015

« Au plaisir de Dieu » de Jean d'Ormesson (1974)

    « Au plaisir de Dieu » est sans aucun doute la pièce maîtresse de l’œuvre de Jean d'Ormesson. Cet ample récit fictif, mais à forte connotation autobiographique, dépeint le long de 600 pages (qui se lisent d'une traite) le destin malheureux d'une famille d'aristocrates battue en brèche par le temps et la révolution des mœurs. Tout tourne autour de la figure du grand-père paternel : Sosthène. Profondément réactionnaire et humain, il est le témoin impuissant, avec le narrateur, de la ruine de sa famille et de ses idéaux. Je pensais que cet ouvrage serait une chronique familiale, vivante, enjouée... En fait c'est plus subtil, il s'agit d'une étude historique, sociologique et sentimentale d'une famille aristocratique à cheval sur le XIXème et le XXème siècle. Jean d'Ormesson use d'un langage simple mais bien tourné, dans un style alerte et agréable, avec un humour qui contrebalance la noirceur, il faut bien le dire, du destin brisé de ses proches. Véritable paradis perdu, le château de Plessis-lez-Vaudreuil réunit toute la famille, brillant par les personnalités les plus diverses et opposées qu'elle rassemble sous un même toit. Chronique implacable car objective, jamais mièvre ni cruelle, « Au plaisir de Dieu » raconte l'évolution de la famille, du grand-père mélancolique, de la tante à l'avant-garde de l'époque, des cousins tantôt fascistes tantôt communistes, des histoires d'amour déçues en passant par les gloires de cinéma. Il faut reconnaître à Jean d'Ormesson, outre son style plaisant, son absence de jugement sur des personnages qui sont pourtant au cœur de son récit. Car si l'intrigue, ou plutôt l'histoire (avec ou sans majuscule), déroule ses entrelacs au gré d'évènements majeurs tels que les deux guerres mondiales, jamais l'auteur et le narrateur (qui ne font qu'un) ne jugent les positions des principaux protagonistes, on ne peut plus contradictoires car humaines. Mieux, d'Ormesson réussit à transcrire toute la complexité d'alors, et de tout être humain qui se respecte. Tout lecteur de ce livre me comprendra. Et je dois dire que finalement, c'est ce qui fait toute sa force. Avec une franchise qui force le respect, d'Ormesson raconte des temps qui nous paraissent bien loin, des façons de penser d'alors, des comportements disparus, et se fait donc le meilleur témoin possible de tout un pan de l'histoire de France et de l'Occident du XXème siècle. Rien que ça. Sans être un chef-d’œuvre de la littérature, « Au plaisir de Dieu » est un excellent roman, et c'est déjà beaucoup, doublé d'un formidable travail de reconstitution, s'attardant sur l'essentiel (l'humain, la pensée et le vécu) et non sur les détails (la couleur du costume de monsieur untel ou des tuiles du château). Je salue donc l'ouvrage de Jean d'O, d'autant plus estimable en ces temps de révisionnisme acharné.

[3/4]

lundi 16 décembre 2013

« Un jour je m’en irai sans avoir tout dit » de Jean d'Ormesson (2013)

    Je découvre avec cet ouvrage Jean d’Ormesson, l’écrivain et non la personnalité médiatique, j’entends. Et je suis déçu. M. d’Ormesson est intelligent, il a de l’esprit – enfin il est drôle, il est plutôt joyeux, il est subtil, il est espiègle, il n’a pas peur de ne pas se revendiquer moderne, exècre le consumérisme ambiant... Bonne nouvelle ! Oui, mais il n’est pas Chateaubriand ni même Flaubert. Mince alors ! Car c’est là que le bât blesse : M. d’Ormesson, ne pourriez-vous pas faire un peu d’effort pour dire des choses un peu plus consistantes s’il vous plaît ? Eh oui, hélas, triste constat : « Jean d’O » n’a pas (ou plus) grand-chose à dire. Par contre ce « pas grand-chose » est fort intéressant, presque captivant. M. d’Ormesson  est un  privilégié. Mais il a l’extrême élégance de l’assumer, contrairement à beaucoup d’intellectuels et d’artistes de France ou d’ailleurs. Et en tant que privilégié, M. d’O a un point de vue (relativement) privilégié sur l’histoire de son temps. Il a vécu la fin des grands aristocrates terriens, rongés par le relativisme des mœurs et le relâchement moral (et inversement). Il a vécu la guerre, a côtoyé des résistants et approché les plus grands. Il a vécu l’Amour, avec un grand A. Il a de l’imagination et a goûté à l’Aventure. Et ça, oui, tout ça, c’est fort intéressant. Sur ce point donc, merci Monsieur d’Ormesson de partager votre expérience. Vous le faites bien, simplement et avec goût. Bravo ! Mais pourquoi vous embarrasser de métaphysique de bazar ? Pourquoi vous prendre les pieds dans de la vulgarisation scientifique disgracieuse ? Pourquoi énumérer sans fin vos vacances au soleil ? Et finalement, pourquoi tortiller du croupion (passez-moi l’expression) pour plagier le manuel de sciences naturelles de votre petit-fils, et nous pondre un livre aussi faiblement digne d’intérêt dans l’ensemble ? Avez-vous tant besoin d’argent que cela ? De notoriété ? De postérité ? Ou tout simplement, manquez vous finalement de goût… Ceci dit, je ne vais pas vous accabler, car vos confessions sont touchantes. Et j’exagère un peu, car je comprends que votre démarche pseudo-scientiste s’explique par vos convictions personnelles, bien estimables. Toutefois, comme votre ouvrage reste assez scolaire, je vais le noter scolairement, en bon lecteur qui se respecte. 1 sur 4, car j’estime à environ un quart de votre livre la matière qui mérite le nom de littérature. Et car j’attends un peu plus d’un Académicien (oui, je sais, je dois être un des derniers à attendre quelque chose des Académiciens) que votre effort inégal. Ceci dit, vous êtes loin d’être le pire des Académiciens (dont finalement très peu d’entre vous sont passés et passerons à la postérité, mais vous le savez mieux que personne), surtout que vous avez l’avantage de paraître bien sympathique. Donc continuez à écrire ! Seulement par pitié, prenez un peu plus de temps pour vous relire et sélectionner le meilleur de votre art. Car vous n’êtes certes pas Claudel ou Wilde. Mais vous n’êtes jamais aussi intéressant que quand vous êtes Jean d’Ormesson.

[1/4]