mercredi 28 août 2013

« Le Porche du mystère de la deuxième vertu » de Charles Péguy (1912)

    Sous un titre énigmatique, se cache une magnifique ode à l'Espérance, deuxième des vertus théologales, aux côtés de la Foi et de la Charité. Avec une grande audace mais aussi une humilité profonde, Péguy se fait le porte-parole de Dieu, un Dieu qui contemple sa création avec bonté et qui s'étonne devant l'entrain et la joie que porte l'espérance, personnifiée en une petite fille frondeuse. Le style de Péguy est rugueux, c'est un style terrien, fait de ressac, où les mots forment des vagues, comme le vent sur les blés. Il chante le labeur humain, mais aussi le repos sous la voûte étoilée. Il chante la rigueur de la vie, mais aussi sa beauté. Il chante la maladie, les larmes,... mais aussi l'espoir le plus pur, l'enfance, le rire. Charles Péguy manie les mots comme personne. Car son style n'est pas seulement buriné, il est également jeune, effronté : il ose à peu près tout, subtilement, sans pour autant verser dans le m'as-tu vu ou le clinquant stylistique. C'est ce qui fait qu'il est aussi intemporel, contrairement à nombre de ses prédécesseurs et de ses suiveurs (à vrai dire, il fait partie des 5 ou 6 plus grands poètes français, à mon sens). Et à la différence de bien des auteurs... Péguy ne se résume pas à un style. Sa spiritualité, incarnée au plus profond du genre humain, fait de son œuvre une source vivifiante où il fait bon se plonger. Les racines de Péguy sont bien ancrées dans la terre (ou dans le ciel, selon le mot de Rémi Brague) et il peut se faire le chantre de la vie sans craindre le ridicule, car il vit, sa poésie vit, et son art possède un souffle extraordinaire ! Mais pas un souffle baroque ou outré, comme chez les romantiques. Un souffle qui sonne vrai, qui donne envie de prendre la vie à bras le corps, sans hâte mais avec joie. En fait, la poésie de Charles Péguy est si jolie qu'on en oublie que c'est de la prose. Ses mots, choisis avec soin et pourtant d'un grand naturel, sont merveilleux. A découvrir !

[4/4]

mercredi 7 août 2013

« Histoire écrite sur l'eau » (Mizu De Kakareta Monogatari) de Yoshishige Yoshida (1965)

    Avec « Histoire écrite sur l'eau », le talent de Yoshida s'affranchit enfin des limites qui empêchaient ses films précédents d'être vraiment originaux. Ici la caméra ose tout, tantôt calme et réservant des cadrages soigneusement élaborés, tantôt virevoltante, proposant des prises de vue parfois aériennes, parfois inquiétantes. Car le présent long métrage est empli d'une certaine douleur, de l'absence du père du héros, de la trop grande présence de sa mère, mais aussi d'une société patriarcale et masculine qui étouffe les êtres. Yoshida choisit le thème de l'inceste pour mieux dénoncer l'horreur de la société traditionnelle japonaise. Fort heureusement, la retenue est de mise, et de son propre aveu Yoshida ne tient pas à montrer quoique ce soit, mais plutôt à suggérer. Avec une grande économie de moyens, il parvient a recréer une atmosphère étouffante, si bien que les personnages sont vidés de leur essence, comme aspirés par des désirs refoulés et des rapports de pouvoir hommes/femmes aux dépens de ces dernières... sans laisser indemnes les premiers. On retrouve une façon de faire, un style proche de Bergman, à la fois dans cette esthétique millimétrée, cette photographie en noir et blanc somptueuse et dans cette tendance à remettre en question le spectateur. N'oublions pas la belle Mariko Okada, véritablement au centre du long métrage. Un film sombre et virtuose, radicalement opposé à l'ascétisme et à la sérénité de la filmographie d'Ozu.

[2/4]

jeudi 1 août 2013

Citation du jeudi 1er août 2013

« La perfection est une blague insensée... Les grandes œuvres d’art ne sont pas parfaites. L’œuvre parfaite c’est l’académisme. »

Jean Renoir
(Cahiers du cinéma n°155, mai 1964)