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dimanche 21 juin 2020

« Shogun » de James Clavell, Eric Bercovici et Jerry London (1980)


    A l'image du roman éponyme dont est tirée la série, « Shogun » a été un grand succès public. A l'époque, on parlait plus de feuilletons que de séries, et « Shogun » a été l'un des plus suivis, que ce soit aux États-Unis ou en Europe. James Clavell, auteur du roman et scénariste de la série, a ainsi joué le rôle de passeur entre la culture japonaise et la culture occidentale, permettant à beaucoup d'Occidentaux de découvrir les us et coutumes si particuliers des Japonais. Il a même contribué à un formidable engouement pour le Japon qui ne s'est toujours pas éteint de nos jours, d'autres artistes, nippons ou occidentaux, ayant pris depuis le relai.

Le moteur principal de « Shogun », et son grand attrait, est la confrontation brutale, voire violente, entre deux mondes presque opposés : le Japon et l'Occident du 17ème siècle. Un navire occidental, L’Érasme, s'échoue sur les côtes japonaises en 1600, avec à son bord des marins hollandais et un pilote anglais : John Blackthorne (Richard Chamberlain). Croyant trouver au Japon une terre de délices et de richesses, quelle n'est pas leur surprise quand ils se voient aussitôt emprisonner par des Japonais méfiants, qui n'hésitent pas à malmener et même tuer les récalcitrants.

Par un concours de circonstances, Blackthorne éveille l'intérêt des seigneurs locaux et échappe au sort peu enviable de ses compagnons d'infortune. « Shogun » est alors le récit de l'ascension fulgurante de Blackthorne dans la société japonaise féodale de l'époque, la façon dont il bouleverse l'équilibre des forces de l'époque, entre des seigneurs japonais rivaux et des jésuites portugais à l'influence puissante, qui voient d'un mauvais œil l'arrivée de protestants sur le sol japonais.

Tout le sel de ce film réside dans la surprise de Blackthorne à l'égard des coutumes japonaises, tantôt particulièrement cruelles, tantôt d'un raffinement, d'une subtilité mais aussi d'une rigidité sans nom, mais aussi à l'inverse, dans l'étonnement des Japonais vis-à-vis des manières de cet Occidental jugé comme un rustre méprisable, ou comme un allié ingénieux et imprévisible, selon les situations.

Deux visions du monde s'affrontent, et c'est de cette confrontation que naît la tension de cette série, qui, après une introduction un peu longue, devient terriblement haletante. Les péripéties sont nombreuses, tout comme les retournements de situation : tantôt ce sont les Japonais qui surprennent Blackthorne, tantôt c'est ce dernier qui stupéfie ses hôtes nippons. Et peu à peu, le destin lié de tous ces personnages fait de « Shogun » un récit tragique, les protagonistes étant tiraillés par des divergences irréconciliables.

Alors certes, si elle est basée sur des faits historiques réels, « Shogun » est une pure œuvre de fiction, avec un certain nombre d'erreurs ou de raccourcis. A titre d'exemple, l'histoire d'amour au cœur du récit est très occidentale et peu réaliste. Tout cela fait que le public japonais a accueilli la série avec circonspection et qu'Akira Kurosawa a longtemps reproché à Toshiro Mifune d'avoir joué dans cette série qui, il est vrai, propose une vision pas toujours très reluisante du Japon.

Néanmoins, à l'inverse, il est indéniable que James Clavell s'est appuyé sur une documentation fouillée du Japon, de son histoire et de ses mœurs. Beaucoup d'éléments sont véridiques et crédibles, et surtout, Clavell réussit à retranscrire avec talent l'essence, l'esprit du Japon. Beaucoup d'études ont été menées sur le roman d'origine et la série, concluant que Clavell avait retranscrit avec une certaine véracité bien des aspects du monde japonais.

Il faut donc prendre du recul et considérer la série comme ce qu'elle est : une brillante introduction à la culture japonaise, particulièrement efficace, mais qui ne vise pas la parfaite exactitude. Une fois ces éléments intégrés, on peut alors suivre la série et se laisser porter par ces personnages bigger than life, au cœur d'un récit épique fait de bruit et de fureur, à la fois beau et tragique. Un récit qui ne laisse pas indifférent et qui s'avère mémorable, fait de péripéties et d'images particulièrement marquantes.

[3/4]