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dimanche 23 avril 2017

« Jules César » (Julius Caesar) de Joseph L. Mankiewicz (1953)

    Difficile de ne pas comparer ce « Jules César », adapté de Shakespeare, au fameux « Cléopâtre » du même réalisateur : ils sont comme les deux faces d’une même pièce. Le premier en noir et blanc, sobre, statique, le second en couleur, démesuré, chatoyant. Et je dois dire que c’est le second qui m’a le plus marqué. « Jules César », donc, est un modèle d’épure, mais à tel point qu’on frise l’ennui. Dans des décors ascétiques qui font très artificiel, les acteurs déclament leur texte, raides comme des piquets, sur un ton théâtral, et l’action est on ne peut plus distillée au compte-gouttes. En fait, il ne se passe rien à l’écran – si l’on peut dire – car l’action est hors champ. On ne sait rien des combats qui se trament dans l’arène, on observe les conspirateurs chuchoter dans les couloirs de l’amphithéâtre. On ne voit rien de l’ultime bataille, seulement les soldats meurtris à la fin, sur un champ de bataille dévasté. La seule scène d’action du film, et c’est peut-être là sa force, est celle que l’on attend dès le début, en la redoutant : l’assassinat de César. Et je dois dire qu’on atteint là un sommet de dramaturgie. A la différence de la série « Rome » complètement boursoufflée et vide à la fois, l’action, quand elle est représentée, est un modèle de suggestion et de retenue. Pas de César qui convulse de manière ridicule, un filet de bave à la bouche, sous les coups de couteaux des sénateurs. Mais quelque chose qui fait bien plus mal qu’une lame : la trahison d’un Brutus bien plus complexe que dans « Rome », encore une fois. Tout se joue dans un jeu de regard et des mots échangés. Voilà l’un des grands moments de ce film. L’autre morceau de bravoure revient à Marlon Brando, sous les traits d’un Marc-Antoine fiévreux : son discours à la population, en mémoire de César, est extraordinaire. Une fois de plus Brando crève l’écran, et sa déclamation vengeresse reste inoubliable. Dommage que tout le long métrage ne soit pas de cet acabit… Pour autant je préfère mille fois un tel film qu’une série comme « Rome » : comme quoi il n’y a pas besoin de faire étalage de sexe et de violence pour dépeindre une époque trouble, et plus encore pour maintenir le spectateur intéressé. Je peux dire que j’ai été plus impressionné par le Marc-Antoine de ce « Jules César » que par toute la saison 1 de « Rome ». Les Américains ont oublié leur passé cinématographique glorieux et préfèrent se complaire dans la médiocrité… C’est bien dommage. Pour l’heure, j’invite tous les amateurs d’histoire antique à se jeter sur ce long métrage. Il faut certes s’armer de patience pour en venir à bout, mais votre attente sera récompensée.

[3/4]

samedi 31 décembre 2016

« On murmure dans la ville » (People Will Talk) de Joseph L. Mankiewicz (1951)

    « On murmure dans la ville » est un film étrange, ou plutôt étrangement construit. Il débute comme une comédie romantique dont Hollywood avait le secret, entre un médecin charismatique et une étudiante en médecine tombée sous son charme ravageur. Si Cary Grant et Jeanne Crain permettent par leur talent de donner un peu de consistance à cette première partie du film, difficile pour autant de se sentir passionné par ce qui se trame à l’écran. Néanmoins, Mankiewicz parvient à nouer peu à peu les écheveaux de son intrigue, qui repose principalement sur les épaules de ce mystérieux Docteur Praetorius (Cary Grant), au passé trouble et objet des accusations de certains de ses confrères jaloux. Et le film gagne ainsi progressivement en intérêt, jusqu’à ce fameux passage où les révélations éclatent au grand jour et qui démontre tout le génie de ce film et de son écriture. Porté par un casting de premier choix, qui permet à des acteurs talentueux de donner vie à des personnages complexes et profonds, « On murmure dans la ville » réjouit surtout par son scénario intelligent, qui, s’il peine un peu à démarrer, finit par emporter l’adhésion totale du spectateur, qui ne peut qu’être touché par cette histoire peu commune, faite de coïncidences trop invraisemblables pour en être vraiment. D’une banale screwball comedy, ce long métrage devient alors un vibrant plaidoyer pour un humanisme qui nous fait trop souvent défaut, et surtout à ceux qui sont prêts à tout pour se faire valoir, jusqu’à calomnier et dénoncer des hommes et des femmes de bonne volonté. On connaît le contexte de création de ce film, l’époque baignait alors en plein Maccarthysme. Mais Mankiewicz parvient largement à en faire une œuvre universelle, à la portée bien plus grande que le commun des films ayant jamais été réalisés. C’est peu dire que je recommande chaudement ce long métrage !

[4/4]