lundi 29 avril 2024

« Köllwitz 1742 » de Sergio Toppi (2020)


Superbe recueil de bande dessinée. Avec cette BD, je découvre enfin Sergio Toppi, dont les dessins ambitieux et virtuoses m'impressionnaient lorsque je feuilletais ses albums. En plus d'être un brillant dessinateur, c'est un conteur talentueux. Cet album rassemble 4 histoires courtes d'une douzaine de planches chacune, créées par Toppi entre 1977 et 1993, qui dénoncent l'horreur et l'absurdité de la guerre.

Celle qui m'a le plus scotché est la première, qui donne son titre au recueil, et qui se déroule en 1742, sur un champ de bataille prussien. La chute de l'histoire est tout bonnement géniale. Il n'y a pas d'autre mot, c'est du pur génie. Je n'en dis pas plus. Le second récit prend place dans le désert égyptien, en 1943. C'est une méditation sur le respect des traditions, la guerre, la cupidité... et l'âme. Très belle histoire aussi, avec une fin particulièrement mélancolique.

Les deux derniers épisodes évoquent l'innocence bafouée par la guerre. La troisième histoire a lieu pendant la guerre du Vietnam, le héros est un jeune garçon de 8-10 ans. Une histoire où la violence est hors champ, à la fois très belle dans ce qu'elle dit de l'enfance, et très dure, dans ce paradis est-asiatique souillé par les armes et la mort. Enfin, la dernière histoire traite de la guerre en Yougoslavie, dans les années 1990. Le héros est un pré-adolescent qui voit son amitié avec un jeune de l'autre camp brisée par la guerre.

Ces quatre récits, maîtrisés à la perfection, donnent à penser sur la guerre, tout en ayant chacun un contexte précis et en offrant des pistes de réflexions différentes. Le fait de passer d’une époque à l’autre en changeant d’histoire n’est pas dérangeant, c’est même très bien vu, d’autant que c’est chronologique. Cela montre combien les conflits sanglants ont existé de tout temps, sous des formes diverses, mais de façon toujours aussi terrible et funeste pour l’humanité. Ce sont des méditations pleines de gravité, à la fois sublimes et déchirantes, qui résonnent longtemps en nous une fois la lecture achevée...

Cet album est à la fois très sombre par son sujet et ses dessins… Et en même temps, derrière le désespoir, surgit toujours quelque part une lueur d’humanité. En cela, Toppi, comme ses condisciples Pratt, Battaglia et Micheluzzi, est un humaniste, qui dénonce le mal sans perdre espoir, même si celui-ci est bien fragile. Je commence seulement à découvrir – enfin – l’immense œuvre dessinée de Sergio Toppi et je ne compte pas m'arrêter de sitôt.

[4/4]