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jeudi 3 mai 2012

« Une Femme douce » de Robert Bresson (1969)

    Un film ascétique de plus pour Robert Bresson. L'histoire est fort simple : une femme se suicide, et son époux se remémore leur vie commune passée. Elle sans le sou, qui l'a rencontré alors qu'elle cherchait à vendre pour trois fois rien certains de ses objets, et lui la recueillant en quelque sorte en se mariant avec elle. Mais une barrière infranchissable les séparera toujours, les murant dans le silence et l'incompréhension. Avec une grande économie de moyens et de pellicule, Robert Bresson retrace un amour impossible entre un homme et une femme. Il parvient à fixer la sensualité de cette femme qui échappe à son mari avec un grand talent. La mise en scène est comme toujours maîtrisée à l'extrême, tout comme l'usage des sons. Ce n'est certes pas le meilleur film de Robert Bresson, mais il ne manque pas de tenue. A réserver aux aficionados du cinéaste français.

[3/4]

mercredi 11 avril 2012

« Les Dames du bois de Boulogne » de Robert Bresson (1945)

    Magnifique long métrage de Robert Bresson, annonciateur de ses chefs-d'œuvres futurs. Le goût très sûr du cinéaste français fait de ce film un drame amoureux prenant, interprété avec une grande finesse par Maria Casarès, Elina Labourdette et Paul Bernard. L'intrigue est fort simple : Hélène est délaissée par son amant Jean. Elle feint de ne plus l'aimer pour voir sa réaction : celui-ci lui avoue qu'il n'éprouve plus de sentiments envers elle. Sa rencontre avec une jeune danseuse le bouleversera. « Les Dames du bois de Boulogne » est une histoire de vengeance, incarnée par Maria Casarès, le visage marqué par l'amertume, et photographiée par un sculptural noir et blanc. Mais c'est aussi une histoire sur la jeunesse, la beauté, la liberté, et bien sûr l'amour, un amour torturé et tortueux, qui peine à trouver son bonheur. Sur un plan esthétique, le film reste très classique, et pas encore caractéristique du style épuré à l'extrême de Bresson. Difficile de reconnaître son empreinte donc, si ce n'est par le raffinement des sentiments convoqués, typique de son œuvre. La musique joue le rôle de fond sonore, mais ne dessert pas le long métrage : Bresson l'emploiera avec plus de rigueur par la suite. Un film remarquable, à voir pour tout amateur de Bresson qui se respecte, et tout néophyte en la matière.

[2/4]

lundi 13 juin 2011

« Journal d'un curé de campagne » de Robert Bresson (1951)

    Encore un film de Bresson qui fait état de la trajectoire tortueuse d'un homme intègre, qui toute sa vie cherchera Dieu, frayant douloureusement son chemin au milieu d'une humanité tantôt hostile tantôt humble et douce. Ce jeune curé anticipe la figure du martyr personnifiée plus tard dans sa filmographie par Mouchette, la Marie d'« Au hasard Balthazar » ou encore Jeanne d'Arc. Il porte aussi en lui la conviction, la foi, la force et le courage (à sa façon, malgré l'apparence de sa faiblesse physique), bref la détermination du Fontaine d'« Un condamné à mort s'est échappé » ou du chevalier Lancelot du Lac. Le curé d'Ambricourt, son héros torturé, sa bonté, ses doutes, son existence fragile, les hommes et les femmes qui l'entourent sont typiques du cinéma de Bresson. De même, la mise en scène commence à nettement laisser entrevoir la naissance d'un style, épuré à l'extrême et pourtant étonnamment suggestif. A titre d'exemple, il suffirait de retirer la musique il est vrai fort envahissante de Jean-Jacques Grunenwald pour donner encore plus de force au long métrage, tant ses images et ses dialogues disent déjà tout, si bien que la bande-son tombe hélas dans la redite et alourdit le propos. La photographie parfois un peu trop surexposée (quoique fort belle) et le sentimentalisme trop prononcé de l'accompagnement musical sont donc deux choses que Bresson gagnera à supprimer par la suite, mais ils ne réussissent pas à masquer la réelle valeur de ce film touchant, austère et dur certes, mais terriblement triste, émouvant, et surtout simple et vrai. La maîtrise du cinématographe de Robert Bresson ira en s'améliorant, ce n'est donc pas sa virtuosité que l'on peut admirer là, mais son extrême sensibilité, sa finesse d'écriture et d'esprit, qui trouveront dans le cinématographe un art à leur hauteur. De même, les films de Bresson gagneront en intensité et en concision ultérieurement, néanmoins l'on peut bel et bien qualifier cette adaptation du roman de Bernanos de premier chef-d'oeuvre de l'un des plus grands maîtres du cinéma français.

[4/4]

dimanche 13 mars 2011

« Pickpocket » de Robert Bresson (1959)

    « Crime et Châtiment » vient tout de suite à l'esprit lorsque l'on regarde « Pickpocket », et pourtant comparer ces deux oeuvres est bien la dernière chose à faire pour tenter d'appréhender la seconde : si Michel ressemble à Raskolnikov, Jeanne n'est pas Sonia, et « Pickpocket » paraîtra beaucoup plus « sec » et elliptique que l'imposant roman de Dostoïevski... Peut-être même décevant... C'est que le propos diffère sensiblement : ce n'est pas tant la psychologie profonde des personnages qui est explorée, que leur trajectoire, leur destinée. Il est flagrant à ce titre que Bresson en informe le spectateur dès le début : « Pickpocket » adopte de fait un point de vue plus externe à ses protagonistes, et si l'on sent profondément le malaise intérieur qu'éprouve le héros, on peine toutefois à s'identifier totalement à lui. Bresson brosse le portrait d'un homme obsédé par une idée fixe, qui fera tout pour tendre vers cet idéal avant de se faire rattraper par sa véritable nature, profondément humaine. Nous suivons ainsi son ascension « objective », puis sa chute, toujours avec la distance de celui qui juge. Peut-être est-ce de l'artiste qu'il parle, cet homme qui se croit au-dessus du commun des mortel et qui se doit – dans son esprit – de s'élever au plus haut pour entraîner à sa suite l'humanité vers une sorte de grandeur. Michel n'est pas un meurtrier, mais un voleur! Sa virtuosité fascine, son adresse ébahit, et l'on est prêt à lui accorder tout crédit pour pouvoir continuer à assister à l'exercice de son art. Car l'on peut dire que Bresson atteint la virtuosité de ce qu'il filme dans ces séquences extraordinaires de mains qui se tordent, entrent et sortent du plan, glissent sous les vestes, osent toujours plus, puis s'échappent. Le spectateur vit au rythme de l'audace de Michel, s'angoisse avec lui de l'issue de ses « tours » mais finalement en redemande toujours, cherche tout comme lui à voir jusqu'où peut-il aller, il est grisé comme l'auteur des vols par cet art de la transgression, tellement beau et pourtant tellement répréhensible! « Pickpocket » peut donc être vu en un sens comme une métaphore du cheminement de l'artiste, mais par son abstraction peut tout autant prêter à d'autres interprétations : c'est l'un des films les plus dépouillés de son auteur, d'une facture presque « classique », et paradoxalement l'un de ses plus éblouissants formellement parlant.

[4/4]

dimanche 16 janvier 2011

« Un Condamné à Mort s'est Échappé » de Robert Bresson (1956)

    Un film fiévreux, acéré, sombre, puissamment poétique, tout en émotion contenue, comme tous les films de Robert Bresson d'ailleurs. « Un Condamné à Mort s'est Échappé » c'est bien évidemment un long métrage relatif à l'évasion d'un résistant français d'une prison tenue par les allemands durant la seconde guerre mondiale, donnant lieu à de fameuses scènes de suspense servies par une esthétique ascétique extraordinairement suggestive. Mais c'est avant tout la métaphore de la vie même, du combat qu'il faut mener face à l'oppresseur, face à ses camarades qui flanchent, face à son corps qui lentement dépéri, face à son esprit qui cesse de croire en l'impossible. « Un Condamné à Mort s'est Échappé » est un vibrant plaidoyer pour la liberté et le salut de l'homme, rendus possible à force de détermination, de courage, de ténacité. « Un Condamné à Mort s'est Échappé » c'est le triomphe de la volonté sur la matière et l'esprit : il n'y a qu'à voir comment les autres prisonniers vivent au rythme des tentatives d'évasion des uns et des autres, la fuite de l'un leur redonne espoir, l'échec d'un autre les désespère... Et pourtant Fontaine est tout sauf un « surhomme » ou un saint, il est profondément humain : il hésite, se trompe parfois et surtout doit tuer pour s'enfuir! Bresson sait donc ménager des parts d'obscurité dans son long métrage. Pour le reste son film est vraiment admirable, visuellement certes mais tout autant d'un point de vue sonore : rarement les sons auront été aussi importants, il faut peut-être retourner à Fritz Lang et aux débuts du parlant pour retrouver une telle pureté dans leur emploi! « Un Condamné à Mort s'est Échappé » est peut-être la meilleure porte d'entrée pour le cinématographe de Bresson, si sa maîtrise n'est pas encore totale (bien qu'elle soit considérable : Mozart ne sert pas à grand chose ici tant l'art de Bresson est fort), c'est l'un de ses rares longs métrages à suivre une trame narrative « classique », à savoir la chronologie d'une évasion, des plus petits préparatifs aux doutes ou aux obstacles qui l'entravent. On suit donc avec le plus grand des intérêts la folle aventure du lieutenant Fontaine, mais l'on peut tout autant s'attarder sur les autres niveaux de lecture du long métrage, ce qui en fait une œuvre qui comblera les attentes de tous les types de spectateurs à mon sens. L'un des premiers grands chefs-d'oeuvre du maître du cinéma français.

[4/4]

mardi 28 décembre 2010

« L'Argent » de Robert Bresson (1983)

    Ça me fait tout drôle de le dire, mais à mon sens « L'Argent » est l'un, sinon le film le plus violent de Robert Bresson. Pourquoi tout drôle? Car l'art de Bresson est la délicatesse même, et la violence qui explose dans ce long métrage n'heurtera sans doute pas grand monde. Il faut dire qu'avant cela il faut savoir apprécier à sa juste valeur la façon de faire si particulière de Bresson pour pouvoir en saisir l'immense subtilité, ainsi que les aspérités parfois tranchantes de son cinématographe. Mon ton paraîtra peut-être condescendant, mais c'est avant tout car j'essaie de mettre en garde le lecteur qui pourrait s'avérer déçu en visionnant ce film, je parle en connaissance de cause : j'ai mis beaucoup de temps à dépasser mon appréhension, voire mon horreur de ce cinéma si austère et particulier. Ce genre de long métrage, même s'il s'adresse à tous, est donc davantage réservé à un public « aguerri ». Néanmoins c'est un film d'une grande limpidité, d'un grand dépouillement : on est à mille lieues de l'intellectualisation du 7e art! Il est en revanche quelque peu hermétique (énigmatique serait plus approprié) dans ses divers niveaux de lecture, même si l'on peut distinguer assez aisément dans « L'Argent » l'hostilité de Bresson envers l'évolution matérialiste du monde. La violence absurde d'un personnage au début innocent puis pris dans l'étau du mensonge qui l'entoure, c'est peut-être celle de l'artiste français qui après s'être tant contenu (encore que beaucoup de ses films s'avèrent douloureux et torturés) cherche à se débattre dans un ultime geste de désespoir... Cette figure de l'être seul face au monde et la société hante toute la filmographie de Bresson. Et une fois encore il nous livre là une oeuvre (ou un essai préfèrerait-il que l'on dise) étouffante, sombre, terrible! Certes la grâce et le pardon sont encore possible, mais comment pourraient-ils triompher du mal? Le bien est la seule solution envisageable, elle existe donc, mais comme souvent chez Bresson c'est quelque chose d'immensément fragile. On retourne ainsi au Dostoïevski de « Pickpocket », même si la fin est sensiblement différente... « L'Argent » est beaucoup plus effrayant!

[4/4]