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mardi 8 juin 2021

« Che » (Vida del Che) d'Héctor Germán Oesterheld, Alberto et Enrique Breccia (1968)


 

    Une BD complexe, comme le fut la vie de Che Guevara. Indéniablement, il s'agit d'une hagiographie. Guevara nous est montré comme un homme sans défauts, offrant sa vie pour les pauvres et les nécessiteux.

 

Pour autant, ce n'est pas une biographie classique, académique, au contraire. La narration est très particulière : les textes prennent la forme de pensées, brèves, répétitives, parfois confuses. Tout comme les dessins, difficilement lisibles, presque informes, noyés sous des litres d'encre noire, reflet du pessimisme des auteurs, qui ont connu l'enfer des dictatures sud-américaines (Oesterheld et sa famille en mourront dans des conditions atroces...). 

 

Nous sommes ici plongés dans la tête de Guevara et dans le feu de l'action. Le récit est comme haché, avec des allers-retours entre différentes temporalités. Les auteurs nous dressent là un portrait fragmenté et multiple, non linéaire.

 

Il est donc difficile d'appréhender cette BD, du fait de son côté elliptique, mais aussi pour prendre du recul face au personnage, dont la stature et le culte ne peuvent qu'écraser un lecteur contemporain. 

 

Malgré tout, si l'on revient à ce pourquoi Guevara s'est engagé dans la révolution, on ne peut qu'être marqué par l'extrême pauvreté, le dénuement absolu et la santé terriblement précaire des peuples sud-américains auprès desquels Guevara s'est rendu.

 

Quelle que soit la vérité autour de la figure du Che, la situation en Amérique Latine ne pouvait que révolter. C'est l'un des mérites de cette BD, que de rappeler pourquoi Guevara s'est battu. C'est peut-être même la chose la plus importante à garder en mémoire.

 

[3/4]

samedi 8 décembre 2018

« Ticonderoga » de Hugo Pratt et Héctor Germán Oesterheld (1957)

    Je suis en colère contre les éditeurs de BD, qui bien souvent nous offrent le service minimum voire se foutent royalement de leurs lecteurs, en recyclant des séries après la mort de leurs créateurs à des fins commerciales et tout sauf artistiques, ou en rééditant et « repackageant » des séries à succès tous les 3 ans, n'hésitant pas à verser dans le n'importe quoi, en proposant des versions noir et blanc de BD pensées en couleur (Alix, Blake et Mortimer, etc.) ou des versions couleur de BD pensées en noir et blanc (Corto Maltese, etc.). Vraiment c'est une honte, le lecteur n'est plus perçu que comme un tiroir caisse sans fond ou comme un fan régressif à satisfaire de toutes les façons possibles, surtout si ça s'éloigne de toute véritable création artistique digne de ce nom...

Et puis de temps en temps, surgit un miracle. C'est ici le cas : Casterman réédite « Ticonderoga » de Hugo Pratt (au dessin) et Héctor Germán Oesterheld (au scénario). Un duo de choix qui a déjà fait des merveilles, au service d'un feuilleton publié fin des années 1950. Une réédition tout à fait bienvenue, tant ce récit est passionnant et brillamment illustré. Seul bémol, les planches originales sont pour la plupart introuvables, et la présente édition est le fruit du scannage de planches déjà imprimées. Le résultat est un peu trouble et baveux, et je ne sais pas si ça vient du fait que les planches étaient originellement en couleur et là reproduites en noir et blanc, ou si ça vient de la technique de reproduction.

Mais le rendu est tout à fait convenable et s'efface au profit de la lecture. Et quel bonheur que de découvrir une histoire originale et de nouveaux personnages ! Le narrateur, Caleb Lee, sert de faire-valoir à son ami, le trappeur téméraire Joe Flint, surnommé Ticonderoga. Pour compléter le tout, la figure tutélaire de Numokh, un indien mystérieux, sage et astucieux, accompagne nos deux jeunes héros et contrebalance par son discernement leur fougue juvénile.

L'histoire se déroule au XVIIIème siècle, à la frontière du Canada et des États-Unis d'aujourd'hui, au milieu de la guerre que se livrent les Anglais et les Français, entraînant dans leur sillage, par le jeu des alliances, les peuples Indiens autochtones. Comme dans « Fort Wheeling » (où Ticonderoga fera d'ailleurs une apparition) ou « Billy James », nos héros se retrouvent pris dans l'engrenage de la guerre et des massacres en tous genres, entre bravoure, courage, espoir, violence, lâcheté et barbarie.

S'il n'a pas l'ampleur d'un « Fort Wheeling », notamment car il a été abandonné par Pratt en cours de création, et n'a donc pas sa cohérence, « Ticonderoga » est un récit fort, humaniste et touchant. Il consiste en une suite d'épisodes, qui racontent les aventures de Ticonderoga et de ses amis, et comment peu à peu ils grandissent en humanité (notamment le narrateur Caleb Lee, moins « parfait » que Ticonderoga) malgré la sauvagerie guerrière qui les entoure.

Récit d'apprentissage par excellence, c'est une pièce de choix dans l’œuvre de Pratt et d'Oesterheld. Un excellent album, qui bien que dessiné dans le style de la première période de Pratt, classique et pas encore tout à fait épanoui, mérite de figurer dans la bibliothèque de tout amateur du maître italien qui se respecte, mais aussi de tout fan de BD historique de qualité.

[4/4]