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samedi 23 octobre 2010

« L'Aigle à Deux Têtes » de Jean Cocteau (1948)

    « L'Aigle à Deux Têtes » n'est certes pas le meilleur long métrage de Jean Cocteau : d'un point de vue cinématographique et poétique il est loin d'être aussi accompli que les deux sommets de sa filmographie, à savoir « Orphée » et « Le Testament d'Orphée ». Mais s'il n'est pas aussi marquant visuellement parlant que « La Belle et la Bête » il lui est toutefois supérieur quant à la richesse de son propos. Ce film tiré de la pièce éponyme du même auteur se passe il est vrai là encore dans une contrée imaginaire relevant de l'utopie, en revanche les personnages mis en scène sont bien plus profonds, et leurs relations bien plus complexes, même si l'adaptation par Cocteau du conte de Mme Leprince de Beaumont comporte son lot de doubles sens. Ce qui est toujours intéressant lorsque l'on s'intéresse à une oeuvre de Cocteau (mais c'est vrai pour toute oeuvre quelque soit l'artiste, quoique dans une moindre mesure, Cocteau s'étant davantage « mis en scène » que nombre de ses confères, peu importe l'art d'ailleurs), c'est de rechercher ici et là, dans tel ou tel personnage des traits de caractère, des pensées, des sentiments qui se rapportent à son être et à sa propre existence. Il y aurait donc beaucoup à dire d'un point de vue « psychologique » sur ce long métrage, ou plutôt sur les thématiques et les enjeux chers à Cocteau que l'on peut retrouver dans chacun des éléments de « L'Aigle à Deux Têtes ». On retrouve cette idée tragique d'amour impossible, ces subtils rapports de domination, le double, les faux semblants, les mensonges et les trahisons inhérentes au jeu de la passion amoureuse... Et puis cet humour constant, ce second degré délicieux qui fait tout le charme de l'oeuvre de Cocteau, ce goût pour l'aphorisme ironique, pour l'anachronisme, ce talent pour le détournement... L'art du cinéaste français n'est pas encore ici tout à fait maîtrisé, l'essence cinématographique de ce drame théâtral porté à l'écran n'est pas aussi pure que dans ses chefs-d'oeuvre ultérieurs, néanmoins c'est une fois de plus une réussite indéniable pour ce touche-à-tout de génie. Classique, parfois même maladroit, mais admirable.

[2/4]

samedi 16 octobre 2010

« Orphée » de Jean Cocteau (1950)

    Quel film remarquable! Et quel cinéaste que Cocteau! Si son art n'a pas la pureté de celui d'un Bresson, il demeure en revanche d'une poésie et d'une subtilité constantes, et figure indéniablement au panthéon du septième art à la française. « Orphée » est certes avant tout la mise en images de la vie même de Cocteau, et certains pourront s'agacer qu'il parle beaucoup, du moins autant de lui. Jean Marais est sans conteste l'alter-égo du réalisateur français, et l'immense majorité de ce qui nous est raconté est la traduction artistique du ressenti de Cocteau, de son histoire personnelle, de son statut de poète, des reproches qu'il a essuyé ou de l'opprobre dont il croyait (à tort ou à raison) être victime. Mais n'est-ce pas là un trait commun à tous les artistes? Certes, toutefois il est vrai que Cocteau s'est toujours mis en avant et exposé ainsi d'autant plus à la critique. Il serait toutefois malvenu de ne considérer « Orphée » que sous cet angle. Il s'agit aussi et peut-être même avant tout d'un conte sur la douleur d'être, sur les dilemmes qui broient Cocteau/Orphée(/Narcisse?) : que choisir entre la vie et la mort? Que choisir entre l'amour et l'art? Peut-on concilier ces apparents extrêmes? Orphée durant tout le film, se fait accaparer par l'une ou l'autre de ces puissances allégoriques, tiraillé de toutes parts il traverse les miroirs, dépasse son reflet pour ensuite se révéler à lui-même et aux autres. Il devient ainsi cette figure mythologique capable de traverser l'envers et l'endroit, capable de revenir d'entre les mort pour jouer de sa lyre, capable de transformer l'au-delà en un chant hypnotique et bouleversant. Jean Cocteau nous livre là une précieuse réflexion sur l'art, sur son art, mais aussi bien sûr sur l'artiste, ce « poète » qu'il a toujours voulu être, et qu'il fut. Un magnifique long métrage, d'une sensibilité, d'une cohérence et d'un aboutissement qui forcent l'admiration.

[3/4]