Voilà un superbe documentaire réalisé par la cinéaste franco-slovène Jasna Krajinovic, qui dresse le portrait de Rashid, jeune yézidi, et de sa famille, dans le berceau de cette région, le Sinjar, région d'Irak où les Yézidis sont toujours persécutés aujourd'hui, après le génocide de ce peuple perpétré par Daesh.
La réalisatrice et son équipe ont réussi à filmer cette famille et Rashid qui grandit, dans des conditions difficiles. Étalé sur 4 ans, de 2019 à 2023, le tournage a été de plus en plus surveillé année après année par l'armée irakienne qui contrôlait la région, puis par les milices du Hesbollah, qui sont progressivement montées en puissance jusqu'à être les vrais maîtres de la région en 2023. Des factions foncièrement hostiles aux Yézidis.
Le film a donc dû être évasif sur
le contexte politique et militaire du Sinjar, mais on comprend très bien la
tension qui règne par des plans habiles, comme ces caméras que l'on éteint
brusquement (et ostensiblement) dès que l'équipe approche de militaires,
souvent lourdement armés.
Malgré tout, le propos de Jasna Krajinovic est avant tout humain et s'intéresse aux individualités de Rashid et de sa famille : comment arrivent-ils à se reconstruire après avoir été prisonniers de Daesh, quelles sont leurs joies, leurs espoirs... et cette tristesse qu'ils traînent, face aux morts et aux portés disparus parmi leurs proches. C'est le cas d'une des sœurs de Rashid, toujours captive, sans qu'ils aient de nouvelles d'elle au moment où sort ce film, en mai 2025.
J'ai pu découvrir ce documentaire au Forum des Images, sur un très grand écran, dans le cadre d'un partenariat entre l'institution et France Télévisions, qui co-finance le film, avant qu'il soit diffusé à la télévision. C'est une excellente initiative, car « Rashid, l'enfant de Sinjar » est un vrai film de cinéma. Tourné en trois expéditions sur place, avec des équipes différentes autour de la réalisatrice, il reste homogène formellement. Surtout, la réalisatrice fait preuve d'ambition, avec de grands plans larges des paysages locaux, magnifiques, en usant d'une photographie très soignée. Si la région du Sinjar est bien mise en valeur, il en va de même pour Rashid et sa famille, qui sont de la plupart des plans, Jasna Krajinovic rendant hommage à leur profonde humanité.
Car il faut rappeler que pour la religion yézidie, toute vie humaine est sacrée. Il est donc particulièrement cruel que ce peuple pacifiste, où les femmes tiennent une place prépondérante, ait été tant persécuté... Ce long métrage permet de mettre un visage sur des faits journalistiques et de raconter les histoires d'êtres humains dont on a entendu parler, victimes de drames terribles... mais toujours debout, dignes au milieu d'une société qui veut les anéantir...
[3/4]