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lundi 27 juin 2011

« Le 25 octobre - Premier jour » (25-е - pervyi den) de Youri Norstein et Arkadi Tiourine (1968)

    Un court métrage d'animation célébrant le cinquantième anniversaire de la Révolution d'octobre, cherchant à retrouver l'esthétique et l'enthousiasme de l'art soviétique des années 20, à renouer avec l'esprit des artistes d'avant-garde d'alors en les transposant à l'écran. Ainsi Norstein et son collaborateur Arkadi Tiourine s'inspirent des écrits de Maïakovski, de peintres tels que Malevitch, Petrov-Vodkine, Lissitzky ou encore Chagall, le tout sur une musique de Chostakovitch, pour donner vie à une oeuvre totalement dans leur sillage, quoiqu'à l'origine portant un regard critique sur cette funeste « aventure ». Hélas la censure passera par là, et un passage critiquant explicitement Lénine sera supprimé, ce qui rendra Youri Norstein d'autant plus déterminé à ne plus jamais faire de concessions à l'avenir. Pour ce qui est du film en lui-même, l'animation est encore hésitante et maladroite, mais son ambition (de nombreuses techniques différentes sont utilisées) en fait davantage qu'un simple premier essai, même si celui-ci n'est pas pour autant des plus inoubliables : la foi en l'idéologie soviétique passera avec le temps, et tout ce qui y était alors rattaché ne peut garder aujourd'hui qu'un goût amer… Même si l'espoir placé dans la liberté et la justice, dans l'égalité, retranscrit dans le présent film est toujours émouvant, d'autant plus lorsque l'on sait ce qu'il est advenu par la suite. En somme une première oeuvre tout ce qu'il y a de plus typique : elle porte en elle les défauts de l'inexpérience, et en germe le talent de Youri Norstein qui ne demandera qu'à s'épanouir par la suite.

[1/4]

mardi 21 juin 2011

« Pompoko » (Heisei tanuki gassen ponpoko) de Isao Takahata (1994)

    Toutes proportions gardées, si Hayao Miyazaki est un peu le Léonard de Vinci du studio Ghibli, Isao Takahata peut être comparé à Jérôme Bosch, du moins pour ce qui est de ce film. « Pompoko » est en effet une longue métaphore filée sur l'état de notre monde d'un cynisme incroyable, intelligente et guère amène envers le spectateur (surtout lorsque l'on sait qu'il s'adresse en principe à des enfants) : le propos est singulièrement trivial (d'autant qu'il consiste en un miroir tendu à l'humanité), et nous oblige à chercher au delà des images de quoi nourrir notre vision du film. Takahata renonce ainsi au « beau » (et à une subtilité supérieure) pour mettre en scène les travers de l'homme, ce pour quoi artistiquement parlant il ne trouve pas grâce à mes yeux. En revanche, la façon dont il provoque la réflexion est estimable, et mérite qu'il en soit fait mention, tant une fois que l'on remplace les tanukis par ce qu'on veut : les artistes, les japonais, les enfants, les aïnous, les européens, les légendes, la spiritualité... ou simplement les animaux et les tanukis, tout s'éclaire. Les humains deviennent alors les occidentaux face au japonais, les américains face au reste du monde, la majorité face à la minorité, les apparences face à la vérité, la modernité face à la tradition, les hommes face à eux-mêmes... Les différentes péripéties, narrées avec ironie par une voix-off, montrent comment, traqués, les tanukis peinent à prendre le dessus à cause de leur paresse, de leurs passions... mais aussi de leur innocence, de leur naïveté et de leur talent. On peut donc aussi voir dans l'extinction des tanukis la fin de l'art et des artistes, la fin de l'imagination véritable, pure et gratuite, la fin de la tradition ancestrale, du respect de l'ancien temps... Bien peu de solutions sont données pour répondre à cet inéluctable changement, pas loin d'être qualifiable de désastreux : retrouver une éthique, un sens du sacrifice, une ardeur au travail sans verser pour autant dans l'activisme, le stress, le fanatisme, la violence, le renoncement total... « Pompoko » est donc un long métrage typiquement japonais, qui non sans humour et plus que tout dans une grande tristesse relate l'autodestruction d'un monde. Aux enfants de réparer les bêtises des adultes, et aux hommes de corriger leurs défauts : ce n'est guère nouveau malheureusement, mais il faut bien quelqu'un pour le rappeler (« Pompoko » est aussi la métaphore du studio Ghibli et du rôle de l'artiste si l'on pousse la réflexion jusqu'à la démarche de l'auteur). Dommage donc que la forme manque à ce point de finesse, mais pour les admirateurs du studio Ghibli voilà un film qui vaut le détour, d'autant qu'il « casse » un peu le mythe de façon relativement bienvenue.

[3/4]

lundi 20 juin 2011

« Ponyo sur la falaise » (Gake no ue no Ponyo) d'Hayao Miyazaki (2008)

    Avec « Ponyo sur la falaise », Hayao Miyazaki a de toute évidence sélectionné le public auquel il s'adressait. Certes Miyazaki n'a jamais caché faire des dessins animés pour les enfants : la différence c'est qu'ici il vise si je ne m'abuse les enfants en bas âge. Autant l'on peut (et même l'on doit) parler à un enfant comme à un adulte et réciproquement lorsque l'on fait de l'art digne de ce nom (c'est du moins mon avis), lorsque l'on commence à restreindre son public il me semble que l'on perd à tous points de vue : l'enfant sera d'autant plus « tiré » vers le bas et l'adulte se sentira bien moins touché... Par contre il y a bien un « avantage » dans la façon dont Miyazaki a réalisé ce long métrage : il s'agit de son film le plus simple et réaliste, et il se débrouille fort bien pour sublimer la réalité, d'autant que l'animation réserve comme toujours d'admirables moments, qu'il s'agisse des mouvements des personnages, des décors ou de trouvailles visuelles merveilleusement suggestives et poétiques à la fois... Hélas, il y a d'autres choses que je reprocherai à Miyazaki, outre son trop plein d'explications et d'infantilisme : « Ponyo sur la falaise » continue dans la lignée de l'« occidentalisation » forcenée de son art (il a dépassé le point d'équilibre à mon sens) visible surtout depuis « Le Château ambulant ». Ses influences commencent à ressortir disgracieusement à l'écran, à l'image de tout un imaginaire japonais actuel répandu dans la jeunesse (nippone ou d'ici), sorte de caricature criarde du « beau » occidental... Ce que j'aime tant dans l'art asiatique, c'est découvrir autre chose que l'art européen, et non pas avoir la tristesse d'y deviner une pâle copie, ne laissant présager rien de bon pour l'avenir... « Ponyo » est donc un bon moyen de redescendre sur Terre : Miyazaki est certainement le plus grand des animateurs en activité, mais ce n'est qu'un homme, et la gigantesque entreprise qu'est le studio Ghibli risque bien un jour de prendre l'eau en ployant sous son succès, à la recherche de sa supposée « marque de fabrique » (qui n'est autre que l'audace de Miyazaki), comme un certain studio Disney, s'il ne sait pas se renouveler. Assurément « Ponyo sur la falaise » est plus réussi que « Le Château ambulant », car plus homogène et sans doute davantage pris en charge par Miyazaki, qui livre là un scénario certainement plus original. Mais au final « Ponyo », malgré toutes ses qualités (et non des moindres) est moins ambitieux que ses précédents longs métrages, plus puéril, et il faut bien le dire... plus convenu.

[3/4]

dimanche 19 juin 2011

« Mon voisin Totoro » (Tonari no Totoro) d'Hayao Miyazaki (1988)

    Petit, je détestais les mangas. Un jour pourtant, chez un ami, j'étais resté scotché devant la télé : en zappant j'étais tombé devant un dessin animé où les personnages attendaient, sous la pluie, éclairés par un lampadaire... J'étais fasciné : comment cela était-il possible? Que faisaient ces personnages sous la pluie? Qu'attendaient-ils? Quel étrange dessin animé! Je ne savais pas qui avait réalisé ce long métrage, d'ailleurs je ne m'en souciais guère, je connaissais seulement son nom : « Mon voisin Totoro ». Je me suis toujours souvenu de ce passage, jusqu'à me dire les années passant que le film dont il était tiré ne pouvait être qu'extraordinaire. Depuis j'ai eu le temps de réellement découvrir et aimer le cinéma, et de franchir enfin le pas : on parlait beaucoup d'un certain Hayao Miyazaki. Et un jour je me suis dit qu'il y avait peut-être une raison à cela, après tout pourquoi ne pas essayer de regarder un de ses films? J'eus alors l'immense joie de découvrir « Le Voyage de Chihiro », qui littéralement m'avait laissé béat d'admiration (Miyazaki restera d'ailleurs le seul mangaka à avoir emporté mon estime) : enfin, il y avait bien quelqu'un qui avait compris ce qu'était l'animation et su faire le dessin animé parfait, celui où il y a tout, qui parle de tout, qui est beau à chaque seconde qui s'égrène... Bien sûr l'on peut discuter de la notion de perfection, mais c'est l'impression qui m'avait saisie lorsque je visionnais son film, et que je découvrais par la même occasion l'existence d'un nouveau cinéaste de génie. Oui ce qualificatif peut paraître excessif, mais depuis le temps que je m'intéresse au cinéma je puis dire qu'il n'est pas usurpé. Dès lors, j'ai vu tous les longs métrages d'Hayao Miyazaki. Tous sauf un, que je gardais pour la fin : c'est « Mon voisin Totoro ». Et j'ai enfin pu voir en entier, du début à la fin ce dessin animé que j'attendais tant. La séquence sous la pluie m'est apparue bien trop courte, tout comme le film. Mais il s'agit bien de l'oeuvre la plus épurée et suggestive à la fois, la plus contemplative, la plus simple d'Hayao Miyazaki. La meilleure? Qu'est-ce à dire, quand des longs métrages tels que « Princesse Mononoké » ou « Nausicaä de la Vallée du Vent » (et tant d'autres) se côtoient dans sa filmographie? C'est en tout cas l'oeuvre la plus représentative de son talent, celle qui renferme en elle le secret de l'enfance. Oui c'est un dessin animé pour enfants, pas de doute. Ça en agacera certains, et rendra nostalgiques les autres (ou tout cela à la fois). Mais si vous êtes un adulte, et que vous avez gardé votre âme d'enfant, alors « Mon voisin Totoro » vous promettra une balade imaginaire que vous aurez grand peine à oublier. Et à ce jour, je connais très peu d'oeuvres de cet acabit. Ah, et j'oubliais une chose : la musique de Joe Hisaishi est décidément très belle, c'est peu dire qu'elle sied parfaitement aux images de Miyazaki.

[4/4]

samedi 7 mai 2011

« Arrietty, le petit monde des chapardeurs » (Karigurashi no Arrietty) de Hiromasa Yonebayashi (2011)

    Un joli petit film, mais un Ghibli mineur. Il faut saluer la qualité de l'animation, en particulier celle du personnage d'Arrietty, qui fait une discrète entrée au sein des héroïnes miyazakiennes. Car le présent long métrage est indéniablement sous l'influence du Sensei, ne serait-ce qu'en raison de sa participation directe en tant que scénariste et superviseur du travail effectué par Hiromasa Yonebayashi. Le problème c'est qu'« Arrietty » n'a pas l'intensité des plus grands films de Miyazaki... Alors qu'en conclure? Que ce dernier n'est plus que l'ombre de lui-même? Que Yonebayashi a encore fort à faire pour dépasser le statut d'habile faiseur? Autre problème, si c'en est un : l'occidentalisation toujours plus prononcée des films Ghibli (et ce n'est pas la musique de Cécile Corbel qui arrange le tout...). C'est en effet la seconde fois, si je ne m'abuse, qu'Hayao Miyazaki s'inspire d'un ouvrage de littérature enfantine anglo-saxonne. Est-ce l'influence occidentale ou le fait qu'il s'agisse dans les deux cas d'une adaptation, je ne sais, mais il manque à ces deux films (« Le Château ambulant » — même s'il est autrement plus ample — et celui-ci) une âme, ou pour le moins la sincérité si émouvante qui parcourait les plus illustres longs métrages du studio japonais... Pire encore, il manque une histoire digne de ce nom, cela fait déjà plusieurs fois que nous avons le droit à des intrigues intimistes, pour ne pas dire consensuelles au possible, et j'en viens à regretter la fougue passée... Peut-être est-ce le succès qui rend si frileux nos animateurs nippons... Toujours est-il que je ne peux que regretter l'ambition d'une telle équipe au vu de ce qu'ils sont encore capables de faire : « Arrietty » réserve de très beaux moments, des instants fugaces terriblement touchants comme Miyazaki savait si bien les créer, mais qui malheureusement se font trop rares... D'autant que ce sont ces seuls « petits » moments qui font tout l'attrait du film, l'histoire manquant cruellement de poids... Un avis réservé donc, quand à ce long métrage et à l'avenir du studio Ghibli, qui fait du surplace depuis quelque temps déjà.

[2/4]

dimanche 1 mai 2011

« Memories » (Memorîzu) de Kōji Morimoto, Tensai Okamura et Katsuhiro Ōtomo (1995)

    Le problème des films à sketchs, des recueils de courts métrages, c'est qu'ils sont souvent par nature inégaux, et que la comparaison que l'on opère entre les différents segments se fait toujours aux dépens de l'ensemble. Ainsi en est-il de « Memories » : le premier segment et le dernier surtout sont plutôt réussis, mais le second n'étant pas franchement des plus admirables, une fâcheuse impression de déception nous saisit au terme du visionnement du long métrage qu'ils forment à eux trois. Pourtant tous ont un sujet intéressant. Le premier tout d'abord, « Magnetic Rose », est formellement abouti et réserve une atmosphère triste et nostalgique pour le moins touchante. On s'approche de la science-fiction onirique du « Solaris » de Tarkovski, même si bien évidemment la subtilité du segment réalisé par Kōji Morimoto est sans commune mesure avec le film de l'illustre cinéaste russe. Son principal défaut est sa représentation par trop conventionnelle de certains fantasmes typiques du genre. On n'échappe pas non plus à certains clichés de l'animation japonaise, particulièrement quant à sa représentation du « beau », un beau vaguement occidentalisant et d'un goût pas très sûr... Le second segment part d'une bonne idée, évoquant le fantôme de la bombe atomique, ou tout du moins de catastrophes de cette ampleur. Scientifiques et militaires en prennent pour leur grade, et le traitement réservé à l'histoire qui nous est narrée est fort ingénieux et très caustique. Par contre si l'on se met à considérer l'animation en elle-même et la beauté du segment, il apparaît hélas que « Stink Bomb » ne dépasse pas le stade de la bonne idée judicieusement exploitée. Vient enfin le dernier court-métrage, réalisé par Katsuhiro Ōtomo, et c'est celui-là qui a finalement retenu mon attention. Non pas qu'il soit exceptionnel, mais c'est de loin le plus original et le plus abouti : son absurdité feinte et la singularité de l'animation n'y étant pas étrangères. Une atmosphère oppressante nous étreint, tandis que la monotonie, l'inexorabilité des gestes qui nous sont donnés à contempler, ainsi que leur portée effrayante confèrent à ce « Cannon Fodder » une ampleur certaine et au souvenir durable. « Memories » vaut donc le coup d'oeil pour tout amateur d'animation qui se respecte, toutefois il tient plus de la curiosité que du coup de maître.

[1/4]

lundi 18 avril 2011

« Akira » de Katsuhiro Ōtomo (1988)

    « Akira » est un film éminemment moderne, éminemment contemporain même, en ce qu'il constitue une sorte de cri en réponse à l'état actuel de notre monde, et plus particulièrement à celui de sa jeunesse. Notre vie est aseptisée, cordiale, monotone, uniforme? « Akira » est violent, bestial, méchant, démesuré, choquant. Il est parcouru d'une rage diffuse, permanente, que l'on retrouve aussi bien dans ses personnages de voyous frondeurs que dans son intrigue sinueuse. Tout le monde en prend pour son grade, d'ailleurs tout le monde reçoit des coups dans ce long métrage. « Akira » mérite toutefois le coup d'oeil ne serait-ce qu'en raison de sa force, qui va au-delà du simple « choc » (bien qu'il relève quelque peu de cette façon de faire une fois encore significativement moderne) : c'est qu'il parvient à restituer nombre des contradictions de l'existence humaine, sans les résoudre par des simplifications aussi douteuses qu'excessives. Certes la subtilité de ce long métrage est relative, mais le tableau qu'il brosse de la nature humaine est particulièrement convaincant, et si l'on ajoute le fait que la qualité de l'animation est bel et bien au rendez-vous, je ne peux que conseiller ce long métrage au spectateur, averti toutefois. Il faut en effet louer le travail de Katsuhiro Ōtomo, qui m'apparaît comme l'un des seuls réalisateurs japonais de dessins animés capable de rivaliser avec Hayao Miyazaki et Isao Takahata quant à la possession d'un style qui lui soit véritablement propre. La réalisation est diablement inspirée, le character design particulier et réussi, et la plupart des séquences d'« Akira » s'avèrent inoubliables... Sans compter que la musique est excellente! De toute évidence, c'est là la matrice du film d'anticipation apocalyptique (si l'on excepte sa référence manifeste au « Metropolis » de Fritz Lang), et sans doute le seul qui vaille quelque applaudissement au regard de tous ses suiveurs, dont « Ghost in the Shell », qui fait bien pâle figure en comparaison. Pour finir il faut noter la richesse de l'intrigue, qui au premier abord semble relever du cliché inhérent au genre, mais qui me semble surtout constituer une réflexion sur la question du « pouvoir », au sens premier du terme. Et quoi de plus sensé que de faire du héros de cette histoire un adolescent, en lutte contre le monde entier pour affirmer sa propre « puissance »?

[2/4]

mardi 12 avril 2011

« Interstella 5555 » de Leiji Matsumoto (2003)

    Si j'étais indulgent, je dirais qu'« Interstella 5555 » est à réserver aux fans de Daft Punk, et je m'arrêterais là. Mais je ne le serai pas. Pour être honnête, le présent « long métrage » est proche de l'arnaque : si vous connaissiez déjà les clips des titres phares de l'album « Discovery » sorti en 2001, alors vous avez presque tout vu du « film » dont il est question, si l'on peut qualifier de « film » ce vague prétexte consistant en l'histoire mise en images de la capture d'un groupe de rock extraterrestre par un manager démoniaque... Avec un peu de bonne volonté on pourrait y voir une métaphore du « star-system »... Mais au vu de la piètre qualité de l'ensemble, musique comme animation, difficile d'y voir grand chose tout court. Je m'abstiendrai par ailleurs de parler des paroles, et me refuserai à les traduire en français, par respect pour le lecteur. Que reste-t-il donc d'« Interstella 5555 » une fois qu'on l'ait soumis à un sommaire examen critique? Rien. Il s'agit juste d'un clip étiré plus que de raison, d'une boutade, d'un « rêve de gosse » enfin réalisé. En effet, à 10 ans il est possible que l'on soit fasciné par cette musique mi-rock, mi-électro, mi-disco, avec beaucoup (euphémisme) de samples et d'idées « piochées » à droite à gauche. On a ainsi l'impression d'écouter de la musique de grands, et Daft Punk ratisse tellement large qu'on écoute un peu de tout à l'occasion... On peut aussi écouter « Discovery » en boîte, à la boum de son anniversaire, en concert : parfait! En réalité, le film est à l'image de l'album : un mélange de mauvais goût, qui passe encore les premières fois qu'on y goûte (à 10 ans en somme), mais qui retourne l'estomac assez rapidement... Le gros point fort de Daft Punk est finalement leur image, mais cette fois-ci en tant qu'image marketing : leurs tenues robotiques leur donnent l'allure qui manque à leur musique, et donnent une « cohérence » (comprendre une portée artistique) à tout ce qu'ils touchent. Il ne manquait plus qu'un mangaka japonais pour asseoir leur réputation et fasciner les geeks du monde entier, et voilà de quoi assurer leur succès. Chose faite avec « Interstella 5555 ». Quant à parler de cinéma...

[0/4]

mardi 28 décembre 2010

« Kokoa » de Moustapha Alassane (2001)

    Excellent! « Kokoa » est le récit en direct d'un tournoi de lutte opposant crapauds, caméléons ou vautours, au milieu d'une foule d'amphibiens en délire! S'il s'agit encore une fois d'une oeuvre réservant plusieurs niveaux de lecture on se satisfera grandement du premier : comment ne pas être conquis par les bouilles des grenouilles d'Alassane! Et les commentaires maladroits du speaker sont touchants au possible, sans parler des divers rebondissements que réservent ces terribles combats! Qui sortira vainqueur du crapaud géant, de l'insaisissable caméléon ou encore de la coriace tortue? Le suspense est presque insoutenable! Il y a quelque chose de rassurant quand l'on regarde un tel film : oui il existe encore de vrais artistes, qui sans s'inquiéter de leur renommée, des honneurs ou des critiques prennent un immense plaisir à partager les fruits de leur imagination, de façon totalement désintéressée, avec pour seul souci de nous faire rêver. Oui de tels artistes sont encore de ce monde mais pour combien de temps? Alassane est le premier à être préoccupé par les générations futures et la transmission de sa passion : comment donner l'envie de créer à des enfants qui ne savent même plus ce qu'est une séance de cinéma en salle, qu'elle soit en plein air ou non? D'autant qu'il voit sa propre culture se déliter sous ses yeux, sans organes étatiques réellement capables de conserver et promouvoir l'art nigérien... C'est fort dommage, car les fables de Moustapha Alassane nous manqueront! Resteront ses charmantes petites histoires, telles « Kokoa »... L'art à l'état pur, d'une simplicité désarmante : un véritable régal!

[2/4]

« Samba le Grand » de Moustapha Alassane (1977)

    Encore une petite merveille de poésie! Cette fois-ci nous voilà face à un court métrage d'animation réalisé à l'aide de marionnettes et de toiles peintes, une fois de plus créé de bric et de broc comme Alassane le dit lui-même. La façon dont il déjoue les convenances et les contraintes matérielles est proprement fabuleuse, il lui suffit d'un rien pour donner vie à des personnages légendaires et à des histoires merveilleuses! « Samba le Grand » est le récit des aventures d'un valeureux guerrier qui devra surmonter plusieurs épreuves pour conquérir le coeur d'une belle princesse. Et une fois de plus, sans parler de l'aspect touchant de ces marionnettes et de leurs mouvements gauches, le traitement de l'histoire est tout à fait original et inattendu. L'essence allégorique de ce court métrage est on ne peut plus manifeste, mais le conte de Moustapha Alassane se suffit largement à lui seul! Quel bonheur de se plonger dans cet art ancestral et pourtant d'un intérêt toujours d'actualité... D'autant que la musique qui l'accompagne est magnifique!

[2/4]

« Bon Voyage, Sim » de Moustapha Alassane (1966)

    Quelle joie de découvrir un artiste tel que Moustapha Alassane! En ces temps de tout numérique, de production cinématographique asservie par la 3D, gavée d'effets spéciaux, il viens nous rappeler que l'art ne se limite pas à la technique, qu'il a pour vocation et impératif de la dépasser! Son talent est protéiforme, s'adapte aux besoins du moment et aux matériaux qu'il a en sa possession : sa seule constante est de proposer des fables terriblement attachantes et épinglant sans en avoir l'air les travers de l'Afrique qui lui est contemporaine. Ainsi en est-il de « Bon Voyage, Sim », court métrage animé réalisé en 1966. C'est l'histoire du président d'une république de crapauds qui après un voyage officiel à l'étranger se voit évincé du pouvoir à son retour. Malheureusement après s'être lui-même censuré, Alassane n'a gardé que la partie « politiquement correcte » de son histoire, ce qui la rend quelque peu bancale et d'un intérêt moindre. Néanmoins l'on se contentera largement du coup de crayon du cinéaste nigérien et de ses amusants personnages!

[2/4]

lundi 1 novembre 2010

« Peur(s) du Noir » de Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre Di Sciullo, Lorenzo Mattotti et Richard McGuire (2007)

    Des grands noms de la bande dessinée actuelle pour une collection de courts métrages autour du thème de la peur, et pas seulement de la « peur du noir ». Toutefois le fait que ces six courts métrages se voient réunis sous cette même idée rend compte des limites du projet : rarement « Peur(s) du Noir » quitte les sentiers balisés du lieu commun. Charles Burns par exemple nous fait du Charles Burns (normal me direz-vous), seulement le doublage scolaire, le rythme lâche et l'animation moyenne ne viennent pas enrichir une façon de faire déjà originellement basée sur le cliché (du mal-être adolescent en l'occurrence)... Je n'étais pas un admirateur de Burns au départ même si je savais reconnaître son talent de dessinateur, pour le coup il aurait mieux fait d'éviter ce passage par le septième art. Marie Caillou nous livre un film d'animation lui aussi fort conventionnel, qui plus est trop limité à mon goût par sa technique d'animation qui le fait lorgner visuellement du côté d'une sorte de « South Park » arty (j'exagère à peine)... Ce sont les deux courts métrages les plus faibles il me semble, avec celui de Pierre Di Sciullo, plus original (des formes abstraites illustrent une voix-off débitant les angoisses du narrateur) mais guère plus convaincant (le propos verse lui aussi dans les généralités d'une certaine représentation « torturée » et surtout nombriliste de notre époque)... Le court-métrage de Richard McGuire n'est pas des plus surprenants, par contre sa maîtrise du noir et blanc est grande, et sa cohérence, son atmosphère restent tout le long d'une intensité appréciable, au contraire des deux premiers courts. Celui de Mattotti est « artistiquement » plus abouti, mais là encore il est loin de faire de l'ombre à son travail d'illustrateur BD, et si sa qualité est certaine il ne me laissera pas en revanche un souvenir impérissable. Le meilleur court métrage est à mon sens celui de Blutch, ça n'est d'ailleurs peut-être pas un hasard s'il est morcelé et intercalé entre ceux de ses confrères. Graphisme excellent, scénario excellent (loin du côté poussif et conceptuel des autres courts) : c'est une sorte de poème assombri par un humour des plus noirs. Attention ça n'est pas le court métrage du siècle bien sûr, mais au regard des autres courts de ce recueil cauchemardesque il se positionne clairement un cran au-dessus. Au final donc pas grand chose à retirer de ce « Peur(s) du Noir » ô combien inégal... Il est d'ailleurs assez désolant de constater que sur six auteurs présents, seuls deux ou trois possèdent une vision vraiment « adulte » de leur art, dans le sens où ils ne mettent pas seulement en images une simple collection de névroses « adolescentes » ou de fantasmes d'une banalité affligeante... Par ailleurs la musique-cliché-de-film-qui-fait-peur n'aide pas à porter le film vers des sphères débarrassées des conventions du genre. Une grosse déception donc, qui tient plus de la déclaration d'intention ou de l'exercice de style qu'autre chose.

[1/4]