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samedi 15 décembre 2012

« La Maison dorée de Samarkand » (La casa dorata di Samarcanda) d'Hugo Pratt (1986)

    « La Maison dorée de Samarkand » est l'une des grandes aventures de Corto Maltese, qui le mènera de Rhodes à la République socialiste soviétique autonome du Turkestan, actuel Ouzbékistan. On ne sait pas trop si c'est à la recherche de l'or perdu du roi perse Cyrus ou de son étrange « ami » Raspoutine, emprisonné dans une prison sordide, que Corto s'engage (toujours cette indécision de l'auteur entre le cynisme et la bonté d'âme)... Toujours est-il qu'il traversera des territoires déchirés par la guerre et la plus grande confusion, entre idéaux trahis, désir de vengeance, soif de pouvoir... Une situation à l'image du début du XXème siècle. Comme à son habitude, Corto ira de rencontres en rencontres : derviches tourneurs, aventuriers sans foi ni loi, espionnes, comédiens défraichis, révolutionnaires... et même son double maléfique! Sans oublier le fidèle Raspoutine, toujours aussi brutal, méchant, terre à terre et opportuniste. Le contraire même de Corto Maltese, (anti)héros romantique et rêveur, perdu dans un passé dont on ne sait rien, ou presque. « La Maison dorée de Samarkand » est d'ailleurs particulièrement marqué par le rêve et l'incertitude, entre la nuit, les songes et les volutes de fumée de haschich. L'onirisme n'est jamais bien loin, et annonce l'orientation que prendra l'œuvre d'Hugo Pratt par la suite, de plus en plus détachée de toute réalité, du moins en ce qui concerne les aventures de notre marin maltais. Un album parfois un peu confus, mais faisant la part belle à l'aventure et à une certaine poésie (même si Pratt a fait encore mieux dans le domaine).

[3/4]

dimanche 2 décembre 2012

« Sandokan - Le Tigre de Malaisie » (Sandokan) d'Hugo Pratt et Mino Milani (2009)

    Hugo Pratt et Mino Milani ont respectivement dessiné et écrit en 1969, pour le Corriere dei Piccoli, un ouvrage inspiré des « Tigres de Mompracem » d'Emilio Salgari, grand nom du roman d'aventure italien du début du XXème siècle. Le titre de cette œuvre : « Sandokan - Le Tigre de Malaisie ». Cette bande dessinée raconte les aventures d'un pirate malaisien, Sandokan, et de ses hommes, dans leur lutte contre les colons britanniques, personnifiés par Lord Guillonk, décrit comme un « aventurier sans scrupules ». Or ce dernier a une nièce, Lady Marianne, surnommée la Perle de Labuan, à la beauté exceptionnelle. Bien évidemment, Sandokan en tombera fou amoureux, et fera tout pour conquérir son cœur. Il s'agit donc d'une belle histoire d'amour, ancrée dans un contexte historique bien précis (comme la majorité des œuvres d'Hugo Pratt), et baignant dans un exotisme envoûtant. On regrettera la brièveté du récit : Pratt n'a jamais achevé son travail, et les quelques planches qu'il a dessinées n'ont été retrouvées qu'il y a quelques années. Pour autant, c'est une histoire qui mérite la lecture, illustrée de main de maître (le noir et blanc est magistral, le coup de crayon audacieux), et faisant la part belle aux nobles sentiments, que ce soit l'amour le plus pur ou l'héroïsme de notre héros. Une œuvre inachevée, bancale donc, mais pour le peu qu'il nous est donné de contempler, une véritable réussite.

[3/4]

samedi 10 novembre 2012

« Les Éthiopiques » (Le Etiopiche) d'Hugo Pratt (1978)

    Faisant suite aux « Celtiques », « Les Éthiopiques » est un recueil de quatre aventures de Corto Maltese. Elles se déroulent en 1918, à la fin de la guerre, dans la Corne de l'Afrique. Corto croisera le chemin d'un bédouin britannique, surnommé El Oxford, et de Cush, un assassin musulman au sacré caractère. Ce dernier se plaît à réciter des sourates du Coran au gré de ses tribulations et de ses meurtres. Il réapparaîtra par ailleurs dans « Les Scorpions du Désert », autres aventures africaines dessinées par Hugo Pratt. Les noms de Lawrence d'Arabie et d'Arthur Rimbaud sont même évoqués. « Les Éthiopiques » est marqué par les antagonismes entre tribus, britanniques et allemands, dans un contexte trouble et un désert qui rend fiévreux. Il s'agit d'une époque marquée par le courage, l'héroïsme, mais aussi la peur, la lâcheté et la mort. Notre marin fera lui-même l'expérience de la couardise! Après tout, de son propre aveu il n'est pas un héros... Corto Maltese est en effet terriblement humain, il est le témoin d'une ère oscillant entre raison et folie (meurtrière), d'un monde qui s'effondre sur lui-même, et à travers ses yeux nous revivons des temps sombres de l'histoire humaine. Néanmoins il y a toujours de l'espoir, celui-ci résidant surtout dans l'imagination et l'onirisme,  mais aussi dans l'amitié et le sens du devoir, nous dit Hugo Pratt l'africain.

[3/4]

« Fable de Venise » (Favola di Venezia) d'Hugo Pratt (1981)

    « Fable de Venise »  est un album charnière, qui fait la transition entre deux aventures de Corto assez denses : « Corto Maltese en Sibérie » et « La Maison dorée de Samarkand », sans pour autant les prolonger ou les anticiper : c’est un épisode à part entière des péripétie de notre audacieux marin. On y retrouve tous les ingrédients de la série imaginée par Hugo Pratt : de l’aventure, du mystère, de l’onirisme, de l’ésotérisme, des rencontres avec des personnages historiques (D’Annunzio…). Mais aussi, au premier plan, Venise ! Venise et ses arcanes, ses sociétés secrètes, ses Chemises noires (nous sommes en 1921), son ghetto juif… Corto Maltese est l’un des grands héros modernes. Aventureux, solitaire, généreux sous ses atours individualiste et désintéressé de tout (sinon de l’argent),... Il est mélancolique, rêveur, mais aussi lucide sur la société de son temps, faite d’illusions, de faux-semblants, de troubles politiques et caractérisée par la crise spirituelle de l’Occident. Il traverse tous ces évènements avec son flegme si caractéristique, et son aplomb salvateur (il réussit toujours à se sortir des mauvaises passes), qu’on peut même qualifier de courage. En cela Corto Maltese est d’un autre temps, d’une époque révolue, certes moderne (avant la Seconde guerre mondiale et notre modernisme forcené), mais gardant une certaine noblesse passée, un goût pour la hauteur d’âme, que l’on ne retrouve hélas plus, ou presque plus, dans les œuvres d’art actuelles.

[3/4]

lundi 3 septembre 2012

« Tango » d'Hugo Pratt (1985)

    « Tango » est la vingt-septième des aventures de Corto Maltese. L'intrigue se déroule au cœur de l'Argentine à Buenos Aires. Corto y revient après 15 ans d'absence, à la recherche de Louise Brookszowyc (personnage inspiré par la célèbre actrice et interprète de « Loulou », Louise Brooks). Il y retrouvera des amis : Fosforito Ramirez, Vasco Pinti, Esmeralda, El Gringo,... Mais il sera surtout confronté au crime : quelqu'un veut sa peau, il cherchera à découvrir qui. Qu'est ce que l'organisation Warsavia? Où est la fille de Louise? Qui tire les ficelles? Bien des questions se posent à notre ami aventurier. « Tango » est donc une enquête, celle de Corto Maltese, sur les traces de son amie. Sans briller par son originalité, le scénario est bien construit, sans temps mort. Il réserve même des moments de poésie, cette poésie inimitable qui caractérise l'œuvre de l'auteur italien, notamment les aventures de Corto. Le dessin est quant à lui toujours aussi remarquable, le noir et blanc est parfaitement maîtrisé, et ce style à moitié gauche sied toujours autant à notre gentilhomme de fortune. « Tango » ne compte pas parmi les meilleurs albums signés Hugo Pratt, mais il vaut tout de même la lecture!

[3/4]

jeudi 14 juin 2012

« Les Scorpions du Désert » (Gli Scorpioni del deserto) d'Hugo Pratt (1969)

    « Les Scorpions du Désert » sont des membres du Long Range Desert Group, unité britannique irrégulière formée en Égypte en juin 1940 pour les opérations dans le désert de l'Afrique occidentale. Dans cette série créée en 1969 par Hugo Pratt, le célèbre dessinateur italien, nous suivons Vladimir Koïnsky, ancien lieutenant de la cavalerie polonaise intégré au corps des « Scorpions du Désert », alors que l'Italie et la Grande-Bretagne se disputent les possessions coloniales. D'aventures en aventures, il traversera l'Afrique, en passant par l'Égypte, le Soudan, l'Éthiopie... Et son chemin croisera des personnages hauts en couleur : la belle Judittah Canaan, Cush le guerrier révolutionnaire, le lieutenant Stella, à la recherche de l'or qu'il a enfouit, le capitaine Palchetti, littéralement fou d'opéra, le commandant Fanfulla, atteint par la lèpre, Brezza, tenancière du « Brise de Mer »... Tous ces protagonistes suivent leur propre intérêt et leur étoile, attirés par l'argent, la gloire, l'honneur ou l'amour. Tous se battent sans toujours savoir pourquoi, selon les termes de l'auteur « impliqués dans quelque chose de plus grand qu'eux par ce terrible criminel que fût, qu'est et que sera toujours la guerre ». Servi par le coup de crayon si particulier d'Hugo Pratt et sa prodigieuse maîtrise du noir et blanc, la série des « Scorpions du Désert » est l'occasion d'accompagner le lieutenant Koïnsky dans ses aventures romantiques, sous un soleil de plomb. Dépaysement garanti.

[4/4]