« Fable de
Venise » est un album charnière,
qui fait la transition entre deux aventures de Corto assez denses :
« Corto Maltese en Sibérie » et « La Maison dorée de
Samarkand », sans pour autant les prolonger ou les anticiper : c’est
un épisode à part entière des péripétie de notre audacieux marin.
On y retrouve tous les ingrédients de la série imaginée par Hugo Pratt : de
l’aventure, du mystère, de l’onirisme, de l’ésotérisme, des rencontres avec des
personnages historiques (D’Annunzio…). Mais aussi, au premier plan,
Venise ! Venise et ses arcanes, ses sociétés secrètes, ses Chemises noires
(nous sommes en 1921), son ghetto juif… Corto Maltese est l’un des grands héros
modernes. Aventureux, solitaire, généreux sous ses atours individualiste et désintéressé
de tout (sinon de l’argent),... Il est mélancolique, rêveur, mais aussi lucide
sur la société de son temps, faite d’illusions, de faux-semblants, de troubles
politiques et caractérisée par la crise spirituelle de l’Occident. Il traverse tous
ces évènements avec son flegme si caractéristique, et son aplomb salvateur (il
réussit toujours à se sortir des mauvaises passes), qu’on peut même qualifier
de courage. En cela Corto Maltese est d’un autre temps, d’une époque révolue,
certes moderne (avant la Seconde guerre mondiale et notre modernisme forcené),
mais gardant une certaine noblesse passée, un goût pour la hauteur d’âme, que
l’on ne retrouve hélas plus, ou presque plus, dans les œuvres d’art actuelles.
[3/4]
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