Avec son second court métrage, Youri Norstein franchit une nouvelle étape : aussi bien sur le fond que sur la forme, « La Bataille de Kerjenets » est une oeuvre d'une grande poésie, magnifiée par la musique du compositeur russe Rimski-Korsakov, à savoir des extraits de son opéra « La Légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia », dont le présent film constitue l'illustration d'un des passages. Cette fois, avec son collaborateur Ivan Ivanov-Vano, autre grand nom de l'animation russe, Youri Norstein s'inspire de l'art sacré orthodoxe, d'icônes et autres fresques religieuses comme d'enluminures. Et le résultat est d'une grande beauté : l'animation se fait musicale, couleurs, corps et mouvements virevoltant et s'entrechoquant au son de choeurs russes ou d'un orchestre extraordinairement bien exploité (Rimski-Korsakov est décidément l'un des plus grands compositeurs qui aient été). Certes c'est peut-être avant tout cette musique qui donne au film toute sa force, néanmoins la façon dont Youri Norstein s'en inspire ne laisse pas de doute quant à son talent, un autre que lui n'aurait certainement pas su embellir et « donner forme » aux sons et à l'histoire de cette ville sauvée par la prière de l'invasion Tartare. Qui plus est, Norstein ose une fois encore différentes techniques d'animation, et n'hésite pas à tenter des plans audacieux et singuliers pour un film animé, renouvelant ainsi la grammaire du genre. Une réussite!
[2/4]