Les bras m’en tombent… N’importe
quoi! «Régime sans pain» est un film que l’on pourrait qualifier positivement
de barré, de déjanté et d’absurde et, négativement, de débile, sans queue ni
tête, et affreusement kitsch… Pourtant, le film garde pour lui un atout
précieux qui fait que l’on pardonne aisément Ruiz pour ce ratage : «Régime
sans pain» est drôle dans son absurdité et ne génère jamais l’ennui. On finit
rapidement par comprendre qu’il va nous falloir considérer le film avec une grande
légèreté, et celui-ci se dote alors d’un certain charme. Les costumes
extravagants, les coupes de cheveux à la Desireless, la musique ringarde du duo
Angèle et Maimone (groupe français de new wave des années 80), également
acteurs principaux du film, et le look général du film décrochent
inévitablement au spectateur qui a connu ces années quelques sourires
sympathiques. Mais pour le reste… Que c’est débile! Jugez plutôt : dans la
principauté rock du Vercors, le prince Jason III, qui ressemble à un mannequin
de salon de coiffure, voit son audience télévisée décliner. C’est le signe de
sa mort imminente dans un accident de voiture rituel. Refusant de se soumettre
à ce sort, il fuit dans la banlieue des émigrés catholiques où il est retrouvé
par une bibliothécaire paralytique, animée d’un amour intellectuel pour lui.
Celle-ci le confie à un professeur psychothérapeute coiffé comme le Robert
Smith des Cure, qui le dépersonnifie puis le repersonnifie pour en faire son
propre successeur, Jason IV. Voilà pour le scénario, à qui l’on ne reprochera
pas de manquer d’originalité!… Le tout est entrecoupé de séquences
absurdes et de scènes qui s’apparentent à des vidéo-clips des chansons du duo de
comédiens-chanteurs. On comprend pas toutes les allusions que le cinéaste
glisse dans les répliques souvent impénétrables du film, que l’on pressent
pourtant drôles. Mais l’humour de Ruiz nous échappe grandement… Et c’est bien
plutôt ce sentiment d’assister à un vaste délire de cinéaste, qui s’amuse à
pasticher son époque, qui engendre, dans l’ensemble, un certain effet comique. Rajouté
à cela une esthétique particulière, qui accentue l’étrangeté du film (ciels
peints en orange par exemple), et on se retrouve face à quelque chose de tout à
fait singulier, qui a au moins le mérite de son originalité et de son décalage
hautement assumé, même s’il semble difficile à qui que ce soit de suivre Ruiz
sur des chemins qu’il emprunte résolument en solitaire. Au final, le film
laisse en mémoire un souvenir plus sympathique que d’autres films du cinéaste,
se voulant plus sérieux et moins légers, mais sans âme («Les âmes fortes» par
exemple). Ruiz est décidément un cinéaste surprenant, que l’on continue à
aimer, et qui reste attachant, même dans ses plus grands ratages.
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