« Corto toujours un peu plus loin » prolonge « Sous le signe du Capricorne », qui voit notre marin maltais s'aventurer en Amérique Latine et dans les Caraïbes. Il est toujours question de magie noire, d'obscures luttes de pouvoir, de folie, de révolutions, et bien d'autres choses encore. On retrouve avec plaisir certains habitués de la série : le professeur Steiner ou Bouche Dorée. Mais une fois de plus (pour le moment du moins), Hugo Pratt parvient à se renouveler et à proposer une suite de brèves histoires qui se suffisent à elles-mêmes, et qui forment un kaléidoscope poétique de ce que pouvait être le début du XXème siècle en ces lieux, sous le haut patronage de Stevenson ou de Conrad. Il y a toujours cette distinction floue entre le rêve et la folie, avec la quête de l'El Dorado et de richesses perdues d'un côté, mais aussi les ravages de la guerre 14-18 de l'autre, qui laissa un grand traumatisme dans l'esprit de bien des combattants. Finalement, seul Corto parvient à toujours s'en sortir, pas complètement indemne physiquement, mais son flegme et son pragmatisme légèrement teinté de romantisme lui permettent d'éviter de croire aux mirages qui rendent fiévreux bien des hommes. On est même surpris par le ton assez émouvant de certains passages, la dernière histoire notamment. Malgré un verni ironique, presque (mais pas) sarcastique, Corto Maltese est finalement une série plus humaine qu'il n'y paraît, portée par un anti-héros moderne, faux dur au cœur tendre. Et « Corto toujours un peu plus loin » compte parmi les meilleurs albums dessinés et écrits par Hugo Pratt, ce qui est d'autant plus appréciable.
[4/4]
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