Agnieszka Holland est une cinéaste polonaise
majeure. Elle a su s'imposer dans une profession d'hommes et porter une voix
différente. Il faut noter que cette réalisatrice, dont le père a été assassiné par
la police politique, a bénéficié à ses débuts du soutien de plusieurs de ses
compatriotes, notamment Andrzej Wajda, Krzysztof Kieślowski ou Krzysztof
Zanussi, sans lesquels il lui aurait été difficile de travailler en Pologne,
étant suivie de près par le régime communiste.
Mais elle a su trouver sa place et a réussi à garder une vraie indépendance d’esprit tout au long de sa carrière. Elle a réalisé « Une femme seule » en 1981, en même temps que son mentor Andrzej Wajda sortait « L'Homme de Fer », en hommage à Solidarność, dépeignant un pays plein d'espoir.
Avec ce film, Agnieszka Holland osait montrer une
autre Pologne. Celle des gens pauvres, laissés pour compte, qui se débattaient
dans une vie sans perspectives, luttant contre la misère, la solitude et la
maladie. Une autre facette de la Pologne, moins reluisante, qui n'a pas plu aux
autorités, alors qu’elles avaient promulgué la loi martiale. Le film a été
censuré, et n'est sorti en salles qu'en 1987, six ans plus tard.
Il ne s'agit pas du premier film d'Agnieszka Holland, qui avait déjà réalisé trois longs métrages, mais elle l'a tout de même tourné à ses débuts. Et déjà beaucoup d'éléments typiques de son cinéma étaient en place. Avant tout, le soin accordé aux êtres humains, à ce qu'ils traversent et endurent. A leurs contradictions, dans un refus obstiné de l'idéalisation. Il y a aussi un côté naturaliste dans son cinéma, jetant une lumière crue sur la vie.
Autre constante : la place des femmes est
centrale bien sûr, avec ce personnage principal de femme forte, courageuse et
vulnérable à la fois, magnifiquement interprétée par Maria Chwalibóg. Les
hommes, quant à eux, sont souvent montrés de façon peu reluisante. Sans se revendiquer
féministe, Agnieszka Holland exprimait son propre regard de femme sur la vie et
les relations humaines, alors que la plupart des cinéastes polonais de l’époque étaient
des hommes. Et puis il y a cet humour grinçant, grotesque, qui s'épanouira
pleinement dans « Europa Europa », l'un de ses films clés.
« Une femme seule » reste tout de même une œuvre de jeunesse, avec quelques défauts. A l’époque, la cinéaste broyait du noir, ce film est donc très sombre. Il y a aussi quelques maladresses dans l’écriture des personnages, un peu trop caricaturaux, même si ce côté excessif est aussi ce qui fait le charme de son art et de tout un pan du cinéma polonais. Mais la valeur humaine et sociologique de ce long métrage est indéniable.
Si l’on devait résumer l’approche de cette cinéaste en quelques mots, on pourrait dire qu’elle ne cherche pas l’esthétique ou le formalisme. Mais plutôt à filmer avec éthique et exigence, en partant toujours du point de vue de l’être humain. Sa démarche et le fond de ses films semblent plus importants que la forme. Ce qui n’empêche pas certains d’entre eux d’être brillamment exécutés.
« Une femme seule » est la preuve qu'Agnieszka Holland n'a jamais brossé les spectateurs, le monde de l'art ou les politiques dans le sens du poil. Ce qui lui a créé pas mal d'ennuis, qu'elle a encaissés sans faire de compromis. Son dernier film sorti en salles, « Green Border », lui a valu une campagne de calomnie ultra violente... Mais ça ne l'a pas empêchée de continuer à tourner. C'est peu dire que son prochain long métrage, sur Franz Kafka, est très attendu.
[2/4]
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