samedi 16 octobre 2010

« Orphée » de Jean Cocteau (1950)

    Quel film remarquable! Et quel cinéaste que Cocteau! Si son art n'a pas la pureté de celui d'un Bresson, il demeure en revanche d'une poésie et d'une subtilité constantes, et figure indéniablement au panthéon du septième art à la française. « Orphée » est certes avant tout la mise en images de la vie même de Cocteau, et certains pourront s'agacer qu'il parle beaucoup, du moins autant de lui. Jean Marais est sans conteste l'alter-égo du réalisateur français, et l'immense majorité de ce qui nous est raconté est la traduction artistique du ressenti de Cocteau, de son histoire personnelle, de son statut de poète, des reproches qu'il a essuyé ou de l'opprobre dont il croyait (à tort ou à raison) être victime. Mais n'est-ce pas là un trait commun à tous les artistes? Certes, toutefois il est vrai que Cocteau s'est toujours mis en avant et exposé ainsi d'autant plus à la critique. Il serait toutefois malvenu de ne considérer « Orphée » que sous cet angle. Il s'agit aussi et peut-être même avant tout d'un conte sur la douleur d'être, sur les dilemmes qui broient Cocteau/Orphée(/Narcisse?) : que choisir entre la vie et la mort? Que choisir entre l'amour et l'art? Peut-on concilier ces apparents extrêmes? Orphée durant tout le film, se fait accaparer par l'une ou l'autre de ces puissances allégoriques, tiraillé de toutes parts il traverse les miroirs, dépasse son reflet pour ensuite se révéler à lui-même et aux autres. Il devient ainsi cette figure mythologique capable de traverser l'envers et l'endroit, capable de revenir d'entre les mort pour jouer de sa lyre, capable de transformer l'au-delà en un chant hypnotique et bouleversant. Jean Cocteau nous livre là une précieuse réflexion sur l'art, sur son art, mais aussi bien sûr sur l'artiste, ce « poète » qu'il a toujours voulu être, et qu'il fut. Un magnifique long métrage, d'une sensibilité, d'une cohérence et d'un aboutissement qui forcent l'admiration.

[3/4]

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