J'ai relevé quatre qualités à ce long métrage. Tout d'abord il rend hommage aux pionniers en tous genres, qu'ils soient astronautes ou simplement navigateurs du XVème siècle (ou encore pionniers du Far West). « Interstellar » est l'histoire d'un équipage humain perdu dans l'espace, espérant fonder une colonie pour y emmener des hommes et des femmes qui ne peuvent plus rien tirer d'une Terre dévastée par un environnement hostile. Et Nolan arrive à nous faire ressentir cette crainte mêlée d'espoir de ces aventuriers au courage hors norme. On suit l'intrigue sans jamais ressentir d'ennui, et l'on se dit que l'on pourrait être aussi bien dans une caravelle de Christophe Colomb que dans un vaisseau spatial tant ce genre de situations confine à l'universel, un universel de temps et de lieu. Bravo donc. Ensuite, second point positif, en nous faisant quitter la Terre, Nolan ne nous la fait que mieux aimer. Cela dit je ne sais pas si c'était voulu. Mais c'est un fait, quand le long métrage s'achève, on se dit qu'on est bien, et même très bien sur notre bonne vieille planète, si belle et si riche, si fragile aussi. Puis, troisième qualité que j'ai décelée : une certaine émotion que je ne pensais jamais pouvoir trouver dans un film de Nolan. Matthew McConaughey n'est pas trop mal même si pas toujours crédible malgré son expressivité parfois un peu excessive. Et il parvient tout de même à nous transmettre quelques sentiments touchants, notamment au début et à la fin de son aventure, aidé en cela par plusieurs acteurs de seconds rôles plutôt convaincants. Enfin, la musique. Hans Zimmer s'est vraiment dépassé, pour créer quelque chose d'original et de prenant. Elle donne vraiment une autre dimension, une profondeur à l’œuvre de Nolan.
Maintenant que j'ai passé en revue les qualités de ce long métrage, passons aux défauts, qui sans être trop pesants, sont bien réels. Tout d'abord, difficile de faire un long métrage sur l'espace après « 2001 : L'Odyssée de l'espace », surtout quand on prétend marcher sur ses plates bandes ésotérico-philosophiques, et ce en dépit des défauts eux aussi bien réels du film de Kubrick. Nolan ne tombe pas dans l'écueil des effets spéciaux en toc (je pense à la séquence d'introduction kitchissime et pompeuse dans le Kubrick) : un point pour lui. Par contre il recrée quelque peu la même atmosphère oppressante dans l'espace, sauf que chez lui les robots sont gentils (à noter quelques clins d’œils à l'humour ravageur). Et la valse des vaisseaux spatiaux reprend celle de « 2001 ». Un point pour Kubrick donc. La musique de Zimmer a beau être réussie, elle ressemble étrangement à la célèbre musique viennoise de « 2001 » par moments... Et difficile d'éclipser l'originale. Un point pour Kubrick. Heureusement les émotions que l'on éprouve face à « Interstellar » dépassent de loin l'inhumanité qui règne dans « 2001 ». Un point pour Nolan. On se retrouve ainsi à deux partout. Là où je veux en venir, c'est que « Interstellar » ne dépasse pas « 2001 », et ne peut donc pas prétendre au titre de chef-d’œuvre absolu de la science fiction (d'autant que « 2001 » ne mérite pas le nom de chef-d’œuvre à mon sens, bien que ce soit indéniablement un film marquant). Ce qui me gène aussi dans le long métrage de Nolan, c'est son scénario tellement bien huilé que les personnages restent en deux dimensions. Nolan humaniste ? Rien n'est moins vrai. N'est pas John Ford ou Frank Capra qui veut. Non, Nolan est un entertainer de grand talent, tout comme un Cameron ou un Ridley Scott, mais ça s'arrête là. Ses personnages n'ont aucune épaisseur, ils servent le scénario alors que chez les « grands », le scénario, avec toute sa profondeur, sert les personnages. Et puis ce côté chien savant, petit génie du scénario en poupée russe m'agace. Lorsque j'avais critiqué « Inception », j'avais déjà cité Will Self qui disait à son propos : « Un film qui, loin d'être intelligent, n'est que l'idée que se fait un imbécile d'un film intelligent ». Je n'irai pas jusque là avec « Interstellar », qui pose avec un certain aplomb (et un certain succès) la question du futur de l'humanité sur Terre. Il n'empêche que le goût de Nolan pour les intrigues excessivement tordues est exaspérant. Et finalement, on ne retrouve pas dans ce film le souffle des grands chefs-d’œuvres du Septième art. Quand « Interstellar » s'achève, on reste avec un certain goût amer dans la bouche, et pas avec l'enthousiasme que nous transmettent les grands films dignes de ce nom.
Conclusion : sans être un grand film, « Interstellar » est un bon long métrage de science-fiction. Une réussite donc, et là encore je ne pensais pas pouvoir dire un jour cela d'un film de Christopher Nolan. Mais ça reste une œuvre de science fiction qui ne transcende pas le genre, à l'inverse du Tarkovski de « Stalker » et de « Solaris ». En effet, chez Tarkoski, la science-fiction est un moyen et pas une fin, contrairement à Nolan. Un moyen pour dire toute la beauté et la richesse de la vie humaine. Une richesse que l'on ne retrouve pas chez Nolan. Il ne reste plus qu'à lui offrir un exemplaire de chacun de ces chefs-d’œuvre, pas seulement de la science fiction, mais aussi du cinéma, voire de l'art du XXème siècle.
[2/4]