samedi 1 janvier 2011

« Nathalie Granger » de Marguerite Duras (1972)

    Quel beau film! Et quel magnifique début! Il faut seulement quelques minutes à Marguerite Duras pour qu'elle suggère et recrée le monde de l'enfance : une maison énigmatique, quelques notes de piano jouées par une main hésitante, une poupée abandonnée... Dommage que le reste du film ne conserve cette intensité poétique admirable... Heureusement il soutient tout de même la comparaison, et si « Nathalie Granger » ne relève pas de la pure perfection c'est indéniablement une grande réussite! L'influence de Bresson se fait ressentir, surtout par cet art de la retenue et la vive émotion qu'il évoque subtilement, mais Marguerite Duras parvient à transcrire son intériorité par ses propres moyens : les gestes ont une grande importance par exemple, non pas pour eux-mêmes comme ce pourrait être le cas chez n'importe quel vulgaire formaliste cinématographique à la mode, mais en ce qu'ils révèlent de l'être qui se meut, de ses sentiments, de son attention pour l'autre, de son amour... Ainsi avec une économie de moyens formidable Marguerite Duras parvient à donner vie à des moments des plus émouvants. Elle prend aussi des risques, comme avec cette séquence étirée plus que de raison où l'on découvre un Gérard Depardieu méconnaissable tant il crève l'écran. Mince alors je ne l'ai jamais vu aussi bon! Il livre là une performance sur le fil du rasoir, on attend à chaque seconde qui s'écoule le moment où il trébuchera, où son jeu sonnera faux... mais ce moment ne vient pas. Hélas l'auteure n'a pas su laisser en l'état ce pur moment de grâce (déjà ô combien fragile) en le soulignant plus tard dans le film par des mots qui expliquent trop et un retour de Depardieu maladroit... Vraiment dommage car ces quelques petits défauts qui parsèment le long métrage à mesure que l'on avance viennent ternir ces moments de bravoure et cette singulière atmosphère hors du temps. Pour le reste l'artiste française nous livre là d'inoubliables portraits de mère et de fille, elle a su évoquer avec talent l'essence de la maternité telle que peut se la représenter l'enfant, mêlant mystère, crainte et quête désespérée d'amour, connivence ou au contraire incompréhension et distance physique comme sentimentale. Une oeuvre riche et accomplie donc, à voir sans hésiter!

[3/4]

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