« Boris Godounov » est une sorte de « Macbeth » slave. De fait, Pouchkine s'est inspiré de la pièce de Shakespeare pour construire sa tragédie, et l'on retrouve la tortuosité des sentiments humains des œuvres du dramaturge britannique. « Boris Godounov » est en effet un drame extrême, à la fois shakespearien et terriblement russe, tout à fait démesuré dans les figures qu'il convoque. Il est question de meurtres horribles, de luttes de pouvoir funestes, et de revenants, de double maléfique, d'usurpations de trône et d'identité. On retrouvera cette même outrance chez Dostoïevski, autre géant de la littérature russe. Mais en l'espèce, si Pouchkine s'inscrit dans la droite continuité de Shakespeare (avec éclat, mais sans en retrouver tout le génie), il apporte son style propre : un ton doux-amer très particulier, accompagné d'une légèreté qui cache mal l'angoisse existentielle de l'écrivain russe. Pouchkine use par exemple sans compter du grotesque (un peu à la Shakespeare, là encore), comme pour mieux signifier le côté dérisoire de l'existence humaine, jouet du destin et de la tragédie des passions. Et il transcrit à merveille l'intrigue de « Macbeth » dans la Russie des tsars. « Boris Godounov » est à la croisée de l'Occident et de la Russie, mélange composite et pourtant homogène, fait d'influences (et pas des moindres) totalement digérées. Certes, « Boris Godounov » a beau porter sur des évènements du XVIème siècle, on sent qu'il a été écrit à l'époque romantique. Pour autant, il touche à l'universel : la soif insatiable de pouvoir est implacablement mortelle, nous dit-il. Une réflexion, hélas, toujours d'une criante actualité.
[4/4]
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