Je ne m’étendrai pas sur la genèse de « L’Homme qui tua Don Quichotte ». Pour cela, je vous enjoins à vous référer à l’excellent documentaire « Lost in La Mancha », qui narre les déboires invraisemblables que Terry Gilliam a subi en tentant de réaliser ce film, déboires tellement « bigger than life » que le présent long métrage a failli ne pas voir le jour à de nombreuses reprises, et qu’il vient de sortir sur grand écran 20 ans après le début de sa production.
20 ans à lutter à contre courant, 20 ans de malchance, toutes ces années et toutes ces péripéties font que le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur de l’attente des spectateurs, elle aussi démesurée. Et pour cause, si ce film démontre une fois de plus combien l’inventivité de Gilliam est foisonnante, combien son style est particulier et combien il a de talent, je ne peux qu’être relativement déçu à l’idée que l’ex-Monty Python n’est pas passé loin du chef-d’œuvre.
Les acteurs, comme souvent chez Gilliam, sont excellents, Jonathan Pryce et Adam Driver en tête. On regrette l’absence de Jean Rochefort (paix à son âme) et de Johnny Depp, moins celle de Vanessa Paradis, mais le duo d’acteurs principaux finalement à l’affiche a suffisamment de métier et de talent pour (quasiment) les faire oublier.
Les décors et les costumes sont eux aussi dignes de la réputation de Gilliam, réalisateur que l’on peut qualifier sans trop se tromper de baroque, génial caricaturiste à l’image d’un Fellini. Les passages dans le château de l’oligarque sont par exemple somptueux et surprenants, hélas tout le film n’est pas aussi digne d’intérêt visuellement, même si Gilliam se coule dans les codes de la peinture espagnole façon Goya. En effet, ce film semble réalisé par un Espagnol, tant l’imagerie à l’œuvre parvient à incarner l’âme espagnole, noire, rude et torturée, même si quelques clichés ne nous sont pas épargnés. Les pérégrinations de notre Don Quichotte et de son Sancho Panza d’écuyer sont convaincantes : on se croirait plongé dans le roman de Cervantes, même si je ne l’ai pas lu. Disons qu’au moins, Gilliam réussi à donner vie et corps au mythe tel qu’on peut se le représenter.
Maintenant, « L’Homme qui tua Don Quichotte » n’est pas exempt de défauts. Le premier et le plus dommageable est la maladresse de son rythme. Si la première partie du film est réussie et savoureuse, notamment en prenant le temps de dépeindre le quotidien d’un tournage de film centré sur la figure d’un réalisateur désinvolte et imbu de lui-même (Adam Driver), le long métrage vire rapidement au grand n’importe quoi, et n’en finit plus de finir, au gré de scènes qui s’enchaînent pour semble-t-il conclure l’intrigue… et finalement la relancer. Il en résulte une impression de fatigue : on se demande où Gilliam veut en venir alors qu’il semble tourner en rond et ne pas savoir quoi faire des enjeux qu’il a fait naître.
Deuxième défaut de taille : le scénario terriblement confus et à moitié raté tant « L’Homme qui tua Don Quichotte » ressemble à un soufflé qui gagne en envergure avant de se dégonfler progressivement, devenant une espèce de coquille vide purement visuelle. C’est la marque de certains autres films de Gilliam, mais là ça devient particulièrement prégnant : une fois passée la satire du monde cinématographique et de ses bassesses, et une fois entamée la fable sur la folie un peu trop appuyée à mon goût, il ne reste plus grand chose à se mettre sous la dent, et les personnages finissent d’ailleurs par enchaîner les incohérences. D’autant que Gilliam se fait lourd quand il cherche à nous perdre avec les tribulations de ses personnages. Passer des gitans aux terroristes islamistes puis aux réfugiés en quelques minutes, ça reste un peu sur l’estomac tant le cinéaste fait preuve de balourdise, même si mettre ces sujets sur la table ne manque pas d’intérêt ni de courage. Dommage qu’ils soient complètement survolés et qu’on peine à comprendre pourquoi ils surgissent tout à coup dans l’intrigue.
Enfin, la réalisation et certains choix esthétiques m’ont déconcerté, à savoir ce goût pour le sordide, qui là aussi fait partie du style si particulier de Gilliam, mais qui prend trop de place et finit par écœurer (ceci explique sans doute cela). Ce défaut est lié à la thématique de la folie longuement abordée dans ce film, sous un angle qui n’est ni humaniste ni poétique, mais plutôt tragique et douloureux. Le Don Quichotte du film passe clairement pour un fou à lier, et ne fait pas franchement sourire, même si certains passages sont très drôles. Le jusqu’au-boutisme des personnages de Gilliam fait un peu froid dans le dos, et met quelque peu mal à l’aise. Preuve sans doute de l’efficacité du film, mais également de son ton assez monolithique, sorte de sombre bad trip de 2 heures parcouru de quelques rares éclairs de lumière.
« L’Homme qui tua Don Quichotte » est donc un film assez éprouvant, parfois appréciable, mais pas aussi pertinent ni généreux que je l’aurais souhaité. Il ne s’agit pas non plus d’un plantage, plutôt d’un entre-deux, un long métrage moyen qui n’est que l’ombre de ce qu’il aurait pu être. Mais au vu de ses terribles conditions de réalisation, on ne peut que s’estimer heureux qu’il ait pu être achevé et apprécier un film tout à fait honorable, réalisé par un réalisateur talentueux, qui a encore des choses à dire.
20 ans à lutter à contre courant, 20 ans de malchance, toutes ces années et toutes ces péripéties font que le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur de l’attente des spectateurs, elle aussi démesurée. Et pour cause, si ce film démontre une fois de plus combien l’inventivité de Gilliam est foisonnante, combien son style est particulier et combien il a de talent, je ne peux qu’être relativement déçu à l’idée que l’ex-Monty Python n’est pas passé loin du chef-d’œuvre.
Les acteurs, comme souvent chez Gilliam, sont excellents, Jonathan Pryce et Adam Driver en tête. On regrette l’absence de Jean Rochefort (paix à son âme) et de Johnny Depp, moins celle de Vanessa Paradis, mais le duo d’acteurs principaux finalement à l’affiche a suffisamment de métier et de talent pour (quasiment) les faire oublier.
Les décors et les costumes sont eux aussi dignes de la réputation de Gilliam, réalisateur que l’on peut qualifier sans trop se tromper de baroque, génial caricaturiste à l’image d’un Fellini. Les passages dans le château de l’oligarque sont par exemple somptueux et surprenants, hélas tout le film n’est pas aussi digne d’intérêt visuellement, même si Gilliam se coule dans les codes de la peinture espagnole façon Goya. En effet, ce film semble réalisé par un Espagnol, tant l’imagerie à l’œuvre parvient à incarner l’âme espagnole, noire, rude et torturée, même si quelques clichés ne nous sont pas épargnés. Les pérégrinations de notre Don Quichotte et de son Sancho Panza d’écuyer sont convaincantes : on se croirait plongé dans le roman de Cervantes, même si je ne l’ai pas lu. Disons qu’au moins, Gilliam réussi à donner vie et corps au mythe tel qu’on peut se le représenter.
Maintenant, « L’Homme qui tua Don Quichotte » n’est pas exempt de défauts. Le premier et le plus dommageable est la maladresse de son rythme. Si la première partie du film est réussie et savoureuse, notamment en prenant le temps de dépeindre le quotidien d’un tournage de film centré sur la figure d’un réalisateur désinvolte et imbu de lui-même (Adam Driver), le long métrage vire rapidement au grand n’importe quoi, et n’en finit plus de finir, au gré de scènes qui s’enchaînent pour semble-t-il conclure l’intrigue… et finalement la relancer. Il en résulte une impression de fatigue : on se demande où Gilliam veut en venir alors qu’il semble tourner en rond et ne pas savoir quoi faire des enjeux qu’il a fait naître.
Deuxième défaut de taille : le scénario terriblement confus et à moitié raté tant « L’Homme qui tua Don Quichotte » ressemble à un soufflé qui gagne en envergure avant de se dégonfler progressivement, devenant une espèce de coquille vide purement visuelle. C’est la marque de certains autres films de Gilliam, mais là ça devient particulièrement prégnant : une fois passée la satire du monde cinématographique et de ses bassesses, et une fois entamée la fable sur la folie un peu trop appuyée à mon goût, il ne reste plus grand chose à se mettre sous la dent, et les personnages finissent d’ailleurs par enchaîner les incohérences. D’autant que Gilliam se fait lourd quand il cherche à nous perdre avec les tribulations de ses personnages. Passer des gitans aux terroristes islamistes puis aux réfugiés en quelques minutes, ça reste un peu sur l’estomac tant le cinéaste fait preuve de balourdise, même si mettre ces sujets sur la table ne manque pas d’intérêt ni de courage. Dommage qu’ils soient complètement survolés et qu’on peine à comprendre pourquoi ils surgissent tout à coup dans l’intrigue.
Enfin, la réalisation et certains choix esthétiques m’ont déconcerté, à savoir ce goût pour le sordide, qui là aussi fait partie du style si particulier de Gilliam, mais qui prend trop de place et finit par écœurer (ceci explique sans doute cela). Ce défaut est lié à la thématique de la folie longuement abordée dans ce film, sous un angle qui n’est ni humaniste ni poétique, mais plutôt tragique et douloureux. Le Don Quichotte du film passe clairement pour un fou à lier, et ne fait pas franchement sourire, même si certains passages sont très drôles. Le jusqu’au-boutisme des personnages de Gilliam fait un peu froid dans le dos, et met quelque peu mal à l’aise. Preuve sans doute de l’efficacité du film, mais également de son ton assez monolithique, sorte de sombre bad trip de 2 heures parcouru de quelques rares éclairs de lumière.
« L’Homme qui tua Don Quichotte » est donc un film assez éprouvant, parfois appréciable, mais pas aussi pertinent ni généreux que je l’aurais souhaité. Il ne s’agit pas non plus d’un plantage, plutôt d’un entre-deux, un long métrage moyen qui n’est que l’ombre de ce qu’il aurait pu être. Mais au vu de ses terribles conditions de réalisation, on ne peut que s’estimer heureux qu’il ait pu être achevé et apprécier un film tout à fait honorable, réalisé par un réalisateur talentueux, qui a encore des choses à dire.
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