C'est maintenant une habitude. Depuis plus de 20 ans, chaque fin d'année voit fleurir en librairie de nouveaux albums reprenant des séries phares et historiques de BD, à destination d'un lectorat fidèle, presque captif, et dépensant manifestement sans compter. La première série à avoir franchi le pas de façon ostensible est Blake et Mortimer, avec deux albums au grand succès (et d'une certaine qualité il est vrai) : « L'Affaire Francis Blake » en 1996 et « La Machination Voronov » (un net cran en-dessous) en 2000.
Alix a continué alors que son créateur Jacques Martin perdait la vue, remplacé dans un premier temps au dessin, puis également au scénario à sa mort en 2010. 10 « Alix » et 8 « Alix Senator » (hideux spin off de la série historique) ont depuis vu le jour. 18 albums en 9 ans ! Les affaires n'attendent pas, le temps c'est de l'argent... Le comble étant bien sûr son nom, Jacques Martin, écrit en gros sur ces albums posthumes, alors qu'ils n'ont plus rien avoir avec lui, des repreneurs comme ceux de Blake et Mortimer ayant la décence (c'est bien la seule que je leur concède) d'indiquer « d'après les personnages d'Edgar P. Jacobs ».
Bien d'autres BD ont suivi cette trajectoire, beaucoup de façon catastrophique, comme les séries écrites par Jean Van Hamme « XIII » ou « Thorgal », reprises et massacrées en règle. Après tout, comme tout le monde le rappelle quand on évoque ce sujet, c'était déjà le cas de Spirou en son temps... Même si cette série est peut-être bien l'exception qualitative (du temps de Franquin) qui confirme la règle. Car deux autres séries phares ont marqué cette tendance : la célébrissime série des aventures d'« Astérix », reprise avec plus ou moins de réussite par un duo qui ne démérite pas, sans faire non plus des étincelles... Et la cultissime série « Corto Maltese », réputée non « reprenable », sauf peut-être par un Lele Vianello... mais ce n'est pas le choix qui a été fait par les ayants-droits de Pratt et Casteman (mille fois hélas).
Or les 3 albums réalisés par le duo Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero sont venus toujours plus renforcer cette affirmation : Hugo Pratt n'est plus, et avec lui Corto Maltese est bel et bien mort. Car si « Le Jour de Tarowean » joue sans vergogne la filiation avec Pratt et son inaugurale et mythique « Ballade de la Mer Salée », si l'on omet le nom de la série et son personnage éponyme, rien n'est plus éloigné d'un album de Corto Maltese que celui-ci.
D'autant que s'il y a bien une chose que j’abhorre dans l'art actuel, c'est cette
mode du préquel, qui vient tout expliquer. Le cinéma et la BD en sont
gangrénés, surtout les séries et autres sagas... devenues de simples
marques à exploiter purement et simplement (rappelons-nous l'ancien site internet officiel de la série Blake et Mortimer administré par Dargaud, où le merchandasing était regroupé sur une page avec pour titre « Autour de la marque »).
Le préquel est l'antithèse de l'authentique créativité et du sens artistique. L'impérieuse nécessité de tout savoir, de tout rationaliser, de tout expliquer, se fait aux dépens du mystère et de la poésie, deux choses dont est complètement dépourvu ce dernier album de Corto Maltese... Et bien souvent aux dépens de la cohérence et surtout de l'esprit d'origine de la série en question. Toute ressemblance avec « Le Bâton de Plutarque » de la série « Blake et Mortimer »... est tout à fait avérée ! Quand je vous dis qu'il s'agit d'une tendance de fond...
Le Moine, personnage central et fascinant dans « La Ballade de la Mer Salée » est ici caricatural, et son avènement est ridicule, complètement expédié et des plus simplistes. Les péripéties s'enchainent à une vitesse folle mais Juan Díaz Canales ne construit rien, pas d'histoire et encore moins de mythe. Tout sonne faux, sans parler des dialogues niais et bêtement actualisés : végétarisme, écologie... rien ne nous est épargné.
Le préquel est l'antithèse de l'authentique créativité et du sens artistique. L'impérieuse nécessité de tout savoir, de tout rationaliser, de tout expliquer, se fait aux dépens du mystère et de la poésie, deux choses dont est complètement dépourvu ce dernier album de Corto Maltese... Et bien souvent aux dépens de la cohérence et surtout de l'esprit d'origine de la série en question. Toute ressemblance avec « Le Bâton de Plutarque » de la série « Blake et Mortimer »... est tout à fait avérée ! Quand je vous dis qu'il s'agit d'une tendance de fond...
Le Moine, personnage central et fascinant dans « La Ballade de la Mer Salée » est ici caricatural, et son avènement est ridicule, complètement expédié et des plus simplistes. Les péripéties s'enchainent à une vitesse folle mais Juan Díaz Canales ne construit rien, pas d'histoire et encore moins de mythe. Tout sonne faux, sans parler des dialogues niais et bêtement actualisés : végétarisme, écologie... rien ne nous est épargné.
Certes, la page Wikipedia de l'album (rédigée par Casterman ?) mentionne tout un tas de références littéraires et savantes... Mais c'est de la poudre aux yeux ! Rien n'est digéré ou amalgamé, Díaz Canales nous vomit ses références comme si Pratt n'était qu'un simple érudit lénifiant... Aucun effort n'est fait pour raconter une histoire digne de ce nom, alors le scénariste multiplie les clins d’œil et autres effets de manches douteux pour tenter de combler les trous... Mais ça ne trompe personne, ou pas moi en tout cas.
Je n'attendais rien de cet album, mais il est encore pire que ce que j'imaginais. Casterman est en train de détruire Corto Maltese, comme tant d'autres entreprises culturelles le font avec leurs séries phares historiques. Le parallèle avec la destruction minutieuse de Star Wars par Disney est plus que criant. Quant à Casterman, tout comme Media Participations, ce n'est plus une maison d'édition, juste un fonds financier qui gère des actifs de façon industrielle et mercantile. Quelle tristesse...
Je n'attendais rien de cet album, mais il est encore pire que ce que j'imaginais. Casterman est en train de détruire Corto Maltese, comme tant d'autres entreprises culturelles le font avec leurs séries phares historiques. Le parallèle avec la destruction minutieuse de Star Wars par Disney est plus que criant. Quant à Casterman, tout comme Media Participations, ce n'est plus une maison d'édition, juste un fonds financier qui gère des actifs de façon industrielle et mercantile. Quelle tristesse...
Seul un échec financier peut faire prendre conscience aux industries culturelles qu'elles se fourvoient avec leur politique de financiarisation et d'exploitation à outrance de licences. Alors il n'y a qu'une solution : lecteurs, rebellez-vous et n'achetez pas ces albums honteux, car on vous prend pour de simples tiroirs caisses... et surtout pour des c... !
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