dimanche 11 septembre 2022

« Trains étroitement surveillés » (Ostře sledované vlaky) de Jiri Menzel (1966)


 

    Un film assez incroyable et inclassable... D'apparence tout à fait mineur, c'est en fait un long métrage à l'esthétique très travaillée, avec une histoire à tiroirs, aux degrés de lecture multiples, malgré un scénario qui paraît simple au possible. Récit de l'éveil sexuel d'un jeune homme un peu benêt, c'est aussi l'évocation d'une perte d'innocence, celle d'un garçon candide... mais aussi et avant tout celle d'un pays, la Tchécoslovaquie, face à l'Allemagne nazie... puis l'URSS.

Ce film se regarde comme une comédie de mœurs d'une grande tendresse, un peu loufoque, avec des personnages imparfaits et terriblement attachants à la Lubitsch. Jiri Menzel dépeint ses compatriotes avec un regard à la fois amusé et piquant, n'hésitant pas à pointer leurs travers... Ce qui amène au deuxième degré de lecture, ces personnages symbolisant la nation tchèque face à l'envahisseur (allemand ou soviétique d'ailleurs, même si nous sommes ici très clairement durant la Seconde Guerre Mondiale).

Tout le monde en prend gentiment pour son grade... Mais pourtant, les Tchèques, du moins certains d'entre eux, se révèlent beaucoup plus héroïques qu'on le pensait. Sorte de pied de nez à ceux qui ont tenté d'asservir, voire détruire ce pays, sa population, son histoire et sa culture.

Un troisième niveau de lecture, enfin, peut être le récit de l'apprentissage cinématographique de Jiri Menzel. En effet, il s'agit de son premier long métrage, et il attribuera lui-même sa réussite à l'insouciance et à la légèreté du débutant. Il faut en effet un certain aplomb et une certaine confiance en soi, ou au contraire une ingénuité totale pour réaliser un film aussi libre et insolent, aussi brillant formellement et aussi riche sur le fond.

Mais ce film, c'est aussi une photographie sublime, des cadrages magnifiques, d'excellents interprètes... et une flopée de scènes cultes (je n'en dis pas plus). Cela faisait une éternité que je comptais le voir, c'est maintenant chose faite. Je regrette juste de ne pas l'avoir fait du vivant de Menzel, qui était passé à Paris pour la ressortie en salle de certains de ses films... Reste ce magnifique long métrage, un petit chef-d’œuvre qui mérite sa flatteuse réputation.

[4/4]

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