Surnommé « The King of Cool », Steve McQueen est l’incarnation du mâle alpha, de l’acteur hollywoodien beau gosse, un peu bad boy, héros de films d’action, toujours à l’aise et décontracté en toutes circonstances. C’est l’une des plus grandes stars américaines des années 1960-1970, dont le nom est synonyme de longs métrages (ou séries) de cow-boys, de flics aux méthodes musclées, et de films de voitures, qu’il s’agisse de courses poursuites urbaines trépidantes ou carrément de compétitions automobiles, notamment sur le célébrissime circuit du Mans.
Ça c’est le côté pile : une vie semble-t-il dorée, immortalisée par le Septième Art, Stevie restant pour toujours ce type frondeur, blond au regard d’acier, rebelle et impassible face au danger. Mais cette image solaire cache un revers bien sombre. Côté face, Steve McQueen est peut-être également toujours resté cet enfant des rues, abandonné très jeune par ses parents, entre un père qui s’est très tôt enfui du foyer familial et une mère alcoolique et instable…
Ceux qui connaissent un peu l’envers de la légende savent que Stevie en a bavé, dès son plus jeune âge. Mais en lisant ce bouquin – excellent et condensé, que je recommande – j’ai découvert à quel point il a souffert, j’étais loin d’imaginer cela... Gamin taciturne qui a grandi à la ferme, plus à l’aise avec les animaux qu’avec ses semblables, il a vécu une enfance et une adolescence faites d’humiliations, alternant entre familles d’accueil et centres de redressement pour les jeunes, rejeté par tous…
Après un bref passage par les Marines à la fin de l’adolescence, dont il est exclu pour indiscipline – on ne se refait pas – Steve arrive à Greenwich Village en 1950, sans un sou en poche. Il galère à mort et a des dettes un peu partout. Il se rend compte que le métier d’acteur est peut-être pour lui, mais il subit encore des vexations. Orgueilleux et ingérable, personne ne veut de lui pour un premier rôle, il enchaîne alors les jobs de figurants pour des cachets dérisoires.
Lui qui rêve d’être en haut de l’affiche au cinéma, trouvera le salut par le petit écran. On l’embauche pour être le héros de la série « Au nom de la loi ». On connaît la suite… Ce sera son premier grand succès, qui va lui ouvrir les portes d’Hollywood. On le verra tourner avec les réalisateurs les plus en vue du moment, dans des films célèbres qui ont marqué à jamais les cinéphiles. En voici quelques-uns : « Les Sept Mercenaires » et « La Grande Evasion » de John Sturges, « Le Kid de Cincinnati » et « L’Affaire Thomas Crown » de Norman Jewison, « Nevada Smith » d’Henry Hathaway, « La Canonnière du Yang-Tse » de Robert Wise, « Bullitt » de Peter Yates, « Junior Bonner » et « Guet-apens » de Sam Peckinpah, « Papillon » de Franklin J. Schaffner ou encore « La Tour infernale » de John Guillermin et Irwin Allen, qui sera sa dernière grande réussite.
Mais le succès va monter à la tête de Stevie et pas forcément faire ressortir les meilleurs traits de sa personnalité. Il demandera des cachets toujours plus mirobolants, tout en se mettant à dos d’autres stars de l’époque, dont il jalouse un peu la notoriété… ou le talent, lui l’acteur au jeu minimaliste.
Sur le plan personnel, sa première épouse, Neile Adams, lui apportera un peu de stabilité et arrivera tant bien que mal à juguler son énergie débordante et son côté auto-destructeur. Elle sera la personne clé qui va accompagner, et sans doute favoriser son ascension. Leur mariage dure tout de même 16 ans, un exploit quand on sait que McQueen était un coureur de jupons invétéré. Mais en 1972, sur le tournage de « Guet-apens » de Peckinpah, ce qui devait arriver arriva. Le casting réunit à l’écran Steve et Ali MacGraw, tous deux mariés. Dès leur première rencontre, c’est le coup de foudre. Ils divorcent de leurs conjoints respectifs puis se marient un an plus tard, en 1973.
Mais les années ont usé Steve, et son échec cinglant avec le film « Le Mans », véritable bourbier artistique, va lui porter le coup de grâce. Il entame une pente descendante très raide. De plus en plus isolé et paranoïaque, il est souvent d’humeur exécrable et invivable pour ses proches, étant même violent avec ses compagnes. Lui qui rêvait d’être connu de tous, supporte de moins en moins la notoriété, casse son image de playboy en se perdant dans divers excès, entre alcool et stupéfiants, et ne tourne plus qu’à de très rares exceptions pour des films qui seront des échecs, presque voulus comme tels par Stevie, qui en a marre de tout.
Cela faisait un moment qu’Ali MacGraw ne supportait plus la brutalité de Steve, qui de surcroît avait la fâcheuse habitude de cantonner ses compagnes au foyer, leur demandant de mettre fin à leur carrière d’actrice. Ali MacGraw échappe enfin de son invivable prison conjugale en 1978, en demandant le divorce. Après plusieurs conquêtes ici et là, MacQueen termine alors sa vie avec la jeune mannequin Barbara Minty.
Elle sera la compagne de l’agonie de l’acteur… Ses dernières années sont terribles, il est emporté par un cancer très éprouvant, sans doute contracté lorsqu’il était Marine et qu’il a dû récurer des coques de navires bourrées d’amiante. Sans doute également que ses innombrables excès n’ont rien fait pour arranger la situation… Ainsi le grand Steve McQueen achève sa vie dans la douleur extrême, lui qui a vécu une existence bien plus difficile que ne le laissaient croire ses doubles fictionnels. Le King of Cool était peut-être en fait le King of Sorrow, mais ça, il ne l’a pas laissé transparaître…
[3/4]
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