Quand les gens confondent chef-d’œuvre et art pompier... Le vrai chef-d’œuvre de Rosalía, c'est « El Mal Querer », un disque qui avait mis tout le monde KO, délicat équilibre entre flamenco traditionnel et modernité pop. Un album magnifique et impressionnant de maîtrise, très ambitieux, mais qui avait les moyens de son ambition. Rosalía était alors en pleine ascension, après « Los Ángeles », un premier album de néo-flamenco qui avait reçu un beau succès d'estime et éveillait la curiosité. « El Mal Querer » la faisait entrer dans une autre dimension : celle d'une diva pop d’envergure internationale, capable de concilier exigence artistique et succès public, sans renier ses racines espagnoles et flamenco.
« Lux » c'est un peu tout l'inverse. Un album bourrin, réalisé au forceps, qui tente de bâtir une cathédrale sonore, mais qui s'effondre de tout son poids tellement sa musique est vide. Certes les paroles sont recherchées, et chanter en beaucoup de langues différentes est une bonne idée à mettre au crédit de Rosalía. Je ne vais pas non plus blâmer son ambition.
Mais musicalement il y a un vrai problème. Rosalía a beau s'égosiller et jouer la carte de la performance vocale et musicale, à grand renfort d’orchestre symphonique, il n'y a aucune musicalité et (donc ?) aucune émotion. La présence vocale de Björk sur une des chansons de l’album n’est pas anodine, serait-elle la nouvelle mentore de Rosalía ? Le risque est que la chanteuse espagnole soit en train de se « björkiser » : à savoir créer de la mauvaise musique semi-expérimentale, très pauvre musicalement, mais qui reçoit l’aval de la critique, ne la poussant pas à se remettre en question.
La belle note reçue par « Lux » sur Pitchfork va dans ce sens (8,6/10 et album labellisé Best New Music). Rosalía risque également une trajectoire à la Radiohead, autre icône musicale des années 1990-2000 aux côtés de Björk, sur le déclin depuis 15 ans, mais toujours acclamé par la critique malgré une inspiration proche du néant aujourd’hui.
Le truc c’est qu’il faut gratter derrière les apparences. Recourir à un orchestre symphonique ne veut pas dire que la musique proposée est du même niveau que la musique classique contemporaine. C’est confondre instrumentation et musique. Ok ça peut impressionner, mais si on a un minimum d’oreille, on entend bien vite que tout n’est que poudre aux yeux.
Alors certes, Rosalía cherche avec « Lux » à renouer avec une certaine transcendance et verticalité, après un « Motomami » bien vulgos et au ras des pâquerettes. Ce n’est pas moi qui vais lui reprocher. Mais c’est bien dommage que sa créativité musicale semble évaporée, au point de la retrouver en pilotage automatique… Peut-être doit-elle ce faux pas à l’équipe qui l’entoure, je ne sais pas quelles en sont les raisons profondes.
Toujours est-il qu’après « El Mal Querer », un album bluffant qui laissait espérer un bel avenir pour Rosalía, un troisième album très décevant (« Motomami »), qui n’a pas empêché la chanteuse de connaître un succès mondial, ce deuxième opus que j’aime tant semble être un horizon indépassable… Si c’est vraiment une merveille, ça serait tout de même bien dommage que cet essai juvénile soit déjà le chant du cygne de Rosalía, une artiste tellement douée, quand elle veut bien se donner la peine de chanter, ce qu’elle fait de nouveau avec « Lux », après un « Motomami » à forte dominante rap. Mais manifestement, bien chanter ne suffit pas. Encore faut-il être inspirée musicalement…
[2/4]

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