«La beauté réside dans la vérité même de la vie, pour autant que l'artiste la découvre et l'offre fidèlement à la vision unique qui est la sienne.» Andreï Tarkovski, Le Temps Scellé (1989)
samedi 31 mars 2012
« Dernier caprice » (Kohayagawa-ke no aki) de Yasujirō Ozu (1961)
vendredi 30 mars 2012
« Dodeskaden » (Do desu ka den) d'Akira Kurosawa (1970)
lundi 26 mars 2012
« L'Ange ivre » (Yoidore tenshi) d'Akira Kurosawa (1948)
mercredi 21 mars 2012
« L'Epreuve des mots » de Nicolas Favreau (2011)
mardi 20 mars 2012
« Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne » (The adventures of Tintin : secret of the Unicorn) de Steven Spielberg (2011)
J’ai souvenir, quand j’étais enfant et que je jouais à des jeux vidéos, que des instructions de mise en garde contre l’épilepsie étaient clairement écrites sur les boîtiers des jeux. Il s’agirait je pense d’un devoir de santé publique que d’écrire en gros sur l’affiche du Tintin de Spielberg des mises en garde de même nature… Pour poursuivre le parallèle, évident, avec les jeux vidéos, il y a dans tout jeu vidéo des séquences animées dites séquences "cinématiques", qui viennent ponctuer des passages de niveaux ou qui servent d’introduction ou de conclusion au jeu. «Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne» n’est rien de plus qu’une séquence cinématique du même genre, étirée sur plus d’une heure et demi. L’utilisation du terme "cinématique" signifie t’elle qu’il s’agit pour autant de cinéma? Sûrement pas! Spielberg propose là un spectacle animé qu’il serait urgent, pour la survie du cinéma, de diffuser hors des salles mais là où ce type de divertissement doit trouver sa place : dans des parcs d’attraction. Et question sensation physique, le film n’a rien à envier aux manèges les plus vomitifs de la Foire du Trône! On en ressort avec le même terrible mal de crâne et le besoin quasiment vital de s’isoler dans le silence et le noir, histoire de retrouver un peu ses esprits dans le calme. Tenez-vous bien, Spielberg a réalisé là le film le plus agité qu’il m’ait été donné de voir en se tenant avec une fidélité sans faille à un cahier des charges ne comportant qu’un seul impératif : aucun temps mort. On vit donc la projection du film en apnée, le cinéaste ne nous laissant jamais le moindre instant de répit. A un rythme normal, disons plutôt humain, il faudrait sûrement multiplier par 3 ou 4 la durée du film… Même les séquences de relative accalmie, entre deux scènes d’action survoltée, sont filmées à un rythme démentiel, avec une caméra (peut-on encore parler de "caméra" pour un film de synthèse?) qui trouve toujours prétexte à gigoter en tout sens. Je ne crois pas qu’il y ait le moindre plan fixe (idem précédemment, peut-on encore parler de "plan"?) sur les 1h40 du film… «Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne» est un film qui ne repose que sur un motif : la course-poursuite. Tout le reste (l’émotion ou le scénario par exemple) est totalement accessoire. Même l’humour ne peut plus fonctionner lorsque tous les récepteurs émotionnels et sensitifs ont été préalablement mis en sommeil. L’utilisation de la motion capture, qui nous vaut des personnages aussi expressifs qu’un fond de poubelle, trouve alors effectivement sa pleine justification, puisqu’il ne s’agit plus dès lors que de montrer des images en tant que simples tâches visuelles, des corps déréalisés engagés dans un mouvement perpétuel. Et je passe sur la laideur extrême de l’image, le travail esthétique du film reposant principalement sur l’utilisation de couleurs acidulées qui vont tellement saturer vos rétines que le monde réel pourra vous paraître en noir et blanc à la sortie de la projection… Les "tintinophiles" de tout bord (dont je ne fais pas partie, le monde de la BD m’étant totalement étranger) devraient sortir révulsés d’un tel outrage esthétique à la fameuse ligne claire de Hergé, qui me semblait plutôt correspondre à une certaine économie de moyens… Pour couronner le tout, John Williams vient coller au film une insupportable bande sonore qui ne s’arrête jamais, comme une ritournelle infernale qui ne fait qu’empirer la méchante migraine qui pointe son nez dès les 10 premières minutes… Il faudrait sérieusement s’interroger sur les ravages qu’un tel film peut provoquer sur la jeune cervelle de nos bambins, ravages à mon avis comparables à ceux d'une prise de drogue (combien de neurones en moins à la minute?). Spielberg vient une fois de plus d’exceller dans un exercice dont il est, avec Georges Lucas, le maître incontesté : creuser un peu plus profondément encore la tombe du cinéma... Tout amateur de cinéma d’art en sortira triste, et légèrement déprimé.
[0/4]
jeudi 15 mars 2012
« La Vie est belle » (It's a wonderful life) de Frank Capra (1947)
[4/4]
mardi 13 mars 2012
« Le marin masqué » de Sophie Letourneur (2012)
Apparemment remarquée par un premier long métrage que je n’ai pas vu (et que je ne verrai pas), Sophie Letourneur rempile illico avec ce moyen métrage parfaitement calibré pour une génération de trentenaires parisiens "adulescents" (comme on dit désormais), que l’on imagine aisément englués dans un embourgeoisement moral et un néant spirituel qui confinent à la pathologie psychologique. «Le marin masqué» raconte la virée de deux jeunes parisiennes à Quimper, le temps d’un week-end, l’une, heureuse en amour, cherchant à faire oublier à l’autre l’échec de sa vie sentimentale. Après avoir recroisé un éphémère amour de jeunesse, la première rentrera à la capitale nostalgique et angoissée quant à l’avenir de son couple, tandis que la seconde aura retrouvé un brin d’entrain. Sophie Letourneur dresse, bien malgré elle, le portrait (fort réussi cela dit) d’une génération atomisée et infantilisée, au style de vie moralement anomique. Lorsqu’on scrute l’insondable richesse et profondeur de l’existence, les petites contrariétés de ces deux ados gâtées ont bien du mal à revêtir la moindre once d’intérêt… Pour ma part, ce naturalisme de bas étage est au cinéma ce que cette nouvelle chanson française, disons à la Bénabar, est à l’art musical : sa forme la plus crasse et la plus pauvre. La réalisatrice cherche pourtant, par tous les moyens qu’elle connaît, à s’écarter du naturalisme plat de son film, par l’utilisation du noir et blanc, d’effets sur l’image (cadre détouré) et par les moyens de la distanciation sonore (voix off). En vain... Au final, elle ne fait que filmer "comme" : comme le Garrel de «La frontière de l’aube» (la qualité de la photographie en moins), couvert d’un jeu sur deux niveaux sonores rappelant le Godard de «Bande à part». Mais contrairement à ces évidentes références, rien dans son film ne justifie une telle stylisation, et le film ne décolle jamais vers autre chose que la pesante trivialité des discussions de ces 2 copines, enfermées dans une petite bulle bourgeoise que l‘on crèverait d’envie de faire éclater… Là où Eustache, dans «La maman et la putain», dressait le portrait d’une jeunesse assez similaire de par sa médiocrité spirituelle pour montrer l’effondrement moral d’une société, Sophie Letourneur cherche vainement à donner de la profondeur à cette jeunesse en lui accolant un sentiment nostalgique. La vulgarité du langage des personnages de «La maman et la putain» était à l’image de leur perdition. Ici, dire que l’on est constipé ou que l‘on a ses règles n’a pour objectif qu’un pitoyable effet de réel. Bien évidemment, cela se fait au prix de la poésie, après laquelle court désespérément la jeune cinéaste... «Le marin masqué» est un film que l’on pourrait qualifier de régressif, réalisé par une fifille à son papa, qui rêverait de remonter voir le monde sur les épaules de ce héros paternel qu’aucun jeune homme de passage ne peut égaler. Telle est bien la seule "idée" de ce film, désolant par ailleurs, idée largement soulignée par une fermeture à l’iris sur la figure de ce marin masqué qu’est la figure paternelle : la petite fille est amoureuse de son papa chéri… Qu’il est dur de devenir adulte!
[0/4]
mardi 6 mars 2012
« Je veux seulement que vous m’aimiez » (Ich will doch nur, daß ihr mich liebt) de Rainer Werner Fassbinder (1976)
«Je veux seulement que vous m’aimiez» est un très beau mélodrame, probablement celui dans lequel Fassbinder parvient le mieux à traduire l’innocence blessée de personnage en quête d’amour, broyés par une société de l’argent et de la consommation incompatible avec le sentiment. Cette société, en détruisant l’amour dans les affaires humaines, accule les êtres sensibles au manque d’affection et les plonge dans un insatiable sentiment de soif sentimentale. Pour combler cette solitude affective, le personnage du film, Peter, tente alors d’acheter l’amour des autres en les comblant de cadeaux ou en travaillant pour eux gratuitement (il construit la maison de ses parents), au prix de sa ruine financière et de son humiliation morale. Mais l’amour ne peut s’acheter, car il n’évolue pas dans le même référentiel de valeur. Peter fait la cruelle expérience de l’impossible conversion des biens matériels en sentiments amoureux. Bien au contraire, son air de chien battu, son incapacité à se révolter, sa candeur insouciante conduisant à des situations impossibles et l’acculant au mensonge, inspirent bien plutôt le mépris ou la colère des autres. En quête initiale d’affection et de tendresse, Peter se retrouve ruiné, dans une situation qu’il ne peut plus surmonter, et à bout de nerfs, épuisé, il commet l’irréparable. L’acte meurtrier devient le seul moyen qu’il trouve pour se sortir de cette situation infernale. C’est finalement la prison qui lui permet de recouvrer sa liberté, en tirant un trait sur ses ennuis… Fassbinder fustige une consommation motivée par le seul désir de faire "pareil", de faire "comme" ("pourquoi n'aurai-je pas droit à ce qu'ont les autres?"), mais totalement éloignée des besoins réels. Peter apparaît alors comme la victime d’une interaction spéculaire qui pousse au confort bourgeois. Il arrive libre à Munich, puis il commence à gagner son argent, ce qui le conduit inéluctablement à la consommation, qui elle-même le démunit de sa liberté. Il devient soumis à des pulsions qu’il ne parvient pas à contrôler. Là où dans l’imaginaire de la propagande publicitaire la consommation est l’expression de la liberté (celle, trompeuse, de choisir), Fassbinder nous montre froidement qu’elle est en réalité un outil de mise en esclavage. Le crédit comme aliénation. Peter se ruine dans tous les sens du terme : il accumule les dettes et s’use la santé. Plus fragile que les autres, car plus sensible, il est un témoin du dysfonctionnement profond de la société libérale, société du pouvoir de l’argent et non du pouvoir des valeurs, où la morale est privatisée. Fassbinder montre aussi l’origine du malaise psychologique du personnage par un troublant flash-back sur son enfance (la séquence de la fessée). Le cinéaste insiste par la suite sur l’aspect étrange de la relation entre Peter et ses parents, signant probablement là son film le plus freudien. Produit pour la télévision, «Je veux seulement que vous m’aimiez» avait vocation à toucher le plus grand monde. C’est donc un film simple, séduisant mais qui en même temps révèle une riche construction scénaristique basée sur une structure temporelle non linéaire assez audacieuse pour le petit écran. Le film se présente comme un vaste flash-back, la confession de Peter à son assistante sociale, et comme pour «L’année des 13 lunes», le récit fonctionne sur un processus de remémoration, ponctuellement perturbé par des flashs qui traduisent des résurgences incontrôlées du drame final. Une œuvre touchante et profonde à la fois, populaire dans le bon sens du terme, et qui, loin d’être mineure dans la filmographie de Fassbinder, en constitue au contraire l’une des pièces maîtresses.
[3/4]
dimanche 4 mars 2012
« Agora » d'Alejandro Amenábar (2009)
jeudi 1 mars 2012
« Les Amants crucifiés » (Chikamatsu monogatari) de Kenji Mizoguchi (1954)
[4/4]