Un long métrage assez déstabilisant, qui commence presque comme une
mauvaise blague (le projectionniste aurait-il confondu la bobine avec
celle d'un remake roumain d'une série policière à la « P.J. », l'action
en moins ?), mais qui peu à peu prend de l'envergure. À mesure que le
film avance, la méthode de Corneliu Porumboiu prend tout son sens : il
construit patiemment, petit à petit son long métrage avec un souci
exemplaire de justesse et de vérité. C'est comme s'il partait du néant,
comme s'il faisait table rase des conventions du 7e art pour créer sur
des bases extrêmement solides son récit. Éviter le mensonge, éviter
l'excès, être précis, voilà la ligne de conduite qu'on peut déceler dans
« Policier, Adjectif » (Ceylan et Kiarostami ne sont pas loin).
Porumboiu nous donne même les clés de son film : vérité certes, mais
aussi temps, événement,... voilà les maîtres-mots qui fondent son art.
La gestion du rythme du cinéaste roumain est en effet quelque peu
éprouvante, mais par son exigence permet une lente montée en puissance
vers une séquence finale radicalement différente, et qui donne tout son
intérêt au long métrage, d'un seul coup ! En un instant, dans une
continuité, une harmonie pourtant parfaite avec ce qui précède, des
thématiques aussi imposantes que la morale, la loi, la subjectivité, la
conscience ou bien sûr le rôle de la police envahissent le récit et nous
laissent estomaqués, longtemps marqués par ce qui s'est dit après la
fin de la séance. Avec une économie de moyens formidable, une simplicité
et une sincérité remarquables (et même de l'humour !), « Policier,
Adjectif » nous emmène bien plus loin que le début ne pouvait le laisser
penser... À tous ceux qui ne sont pas effrayés par un cinéma qui
délaisse l'action au profit de la réflexion, je ne peux que recommander
vivement cet excellent film roumain !
[3/4]