samedi 26 mars 2011

« The house » de Sharunas Bartas (1997)

« The house » est un film qui m’a laissé un sentiment étrange et contradictoire, celui de voir un très beau film raté. Là où les films précédents de Bartas donnaient cette impression grisante d’assister à un nouveau cinéma, on se retrouve ici très vite en terrain connu. C’est ainsi que je n’ai pas réussi à me débarrasser de cette sensation plombante qui empêchait toujours le film de décoller du registre citationnel (et grandement auto-citationnel d’ailleurs), et qui marque comme un essoufflement de la créativité du cinéaste. Dès le générique introductif, je ne regardais plus « The house » en tant que tel, je regardais un film de Bartas qui me parlait d’autres films. Déjà, je pense (mais cela est totalement subjectif je le concède) que l’on ne peut pas, après « Le sacrifice » de Tarkovski, utiliser l’ « Erbarme Dich » de Bach pour le générique d’un film. Et lorsque l’enjeu du film est une maison (thématique très chère à Tarkovski, et pas seulement dans « Le sacrifice »), alors l’association mentale est automatique et inévitable, ce qui nuit à l’autonomie artistique du film en question. Et puis, quelques petites minutes plus tard, alors qu’on ne s’est pas encore débarrassé de ce sentiment de filiation tarkovskienne et que le film n’a encore rien montré qui lui soit propre, Bartas filme son acteur se regardant dans le miroir et en profite pour se laisser volontairement apparaître à l’écran, dans le reflet. On est alors envahi par l’impression flagrante d’une grande immaturité artistique, et la distance entre nous et le film se creuse encore davantage. N’est-ce que détails et faut-il passer outre ? Je ne demande pas mieux mais malheureusement, la suite du film ne m’enlèvera plus cette sensation et c’est à distance (c’est à dire sans aucun investissement émotionnel) que se déroulera le reste de la projection. Rajouté à cela une accumulation de petits défauts dont l’un d’eux, et non des moindres, étant certainement le très mauvais niveaux des comédiens (l’acteur principal est catastrophique dès qu’il se met à jouer), il s’avère que je n’ai pas été convaincu comme je l’avais été pour les précédents films du cinéaste. Il n’empêche, et on ne peut pas passer outre, que « The house » reste un film absolument magnifique, regorgeant de merveilles esthétiques (tous les plans à contre-jour d’une fenêtre sont superbes, avec cette lumière bleutée « fumée de cigarette »), et est à ce jour, visuellement, le plus beau film du cinéaste que j’ai pu voir. Le talent de portraitiste de Bartas (même s’il n’atteint pas les sommets des « gueules » de « Few of us ») reste indiscutable. Même si, encore une fois, le principe du film ramène à un autre film (le « Korridorius » du même cinéaste), cette déambulation dans une maison mentale est également riche d’ouvertures possibles vers du sens, pour peu que le spectateur accepte de s’y aventurer sans filet ni aucune tutelle directrice (Bartas, comme à son habitude, est bien peu causant quant à ses intentions, ce qui fait d’ailleurs l’une des grandes forces de son cinéma). La fin du film est beaucoup plus convaincante, et nous fait passer par des émotions étranges, quasi fantastiques, avec ces feux d’artifice, ce défilé masqué que l’on croirait sorti d’un film d’horreur, et cette chute étonnante qui recontextualise l’ensemble du film (mais en en diminuant peut-être aussi la portée). Un film à revoir dans quelques années pour voir si, comme le bon vin, il s’est bonifié avec le temps.

[2/4]

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