Avec « Histoire écrite sur l'eau », le talent de Yoshida s'affranchit enfin des limites qui empêchaient ses films précédents d'être vraiment originaux. Ici la caméra ose tout, tantôt calme et réservant des cadrages soigneusement élaborés, tantôt virevoltante, proposant des prises de vue parfois aériennes, parfois inquiétantes. Car le présent long métrage est empli d'une certaine douleur, de l'absence du père du héros, de la trop grande présence de sa mère, mais aussi d'une société patriarcale et masculine qui étouffe les êtres. Yoshida choisit le thème de l'inceste pour mieux dénoncer l'horreur de la société traditionnelle japonaise. Fort heureusement, la retenue est de mise, et de son propre aveu Yoshida ne tient pas à montrer quoique ce soit, mais plutôt à suggérer. Avec une grande économie de moyens, il parvient a recréer une atmosphère étouffante, si bien que les personnages sont vidés de leur essence, comme aspirés par des désirs refoulés et des rapports de pouvoir hommes/femmes aux dépens de ces dernières... sans laisser indemnes les premiers. On retrouve une façon de faire, un style proche de Bergman, à la fois dans cette esthétique millimétrée, cette photographie en noir et blanc somptueuse et dans cette tendance à remettre en question le spectateur. N'oublions pas la belle Mariko Okada, véritablement au centre du long métrage. Un film sombre et virtuose, radicalement opposé à l'ascétisme et à la sérénité de la filmographie d'Ozu.
[2/4]
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