On ne présente plus Elia Kazan. Il a dirigé les plus grands acteurs de son temps : Marlon Brando bien sûr, à trois reprises, Natalie Wood, Warren Beatty, Faye Dunaway… mais aussi James Dean. A ce titre, « A l’Est d’Eden » est un film mythique, puisque c’est l’un des trois longs métrages dans lesquels James Dean a joué, avant de mourir prématurément et de forger ainsi sa légende. Si le talent exceptionnel de directeur d’acteurs de Kazan est de notoriété publique, un regard à n’importe lequel de ses films phares valant tous les discours, tant ses acteurs crèvent l’écran, on sait moins qu’il fut le véritable créateur du fameux Actors Studio, dont Lee Strasberg est devenu l’un des professeurs principaux, avant qu’on lui attribue de façon erronée la fondation de ce qui restera peut-être la plus fameuse et la plus prestigieuse école de comédiens.
Après cette brève introduction, histoire de remettre les pendules à l’heure et de réparer une certaine injustice, évoquons ce qui nous intéresse, à savoir le long métrage en tant que tel. Kazan adapte à l’écran le roman éponyme de John Steinbeck, l’un des plus grands auteurs nord-américains. S’il n’en reprend qu’une partie, il la rend d’autant plus incisive et puissante, confrontant le matériau d’origine à sa propre expérience. En effet, tout comme son héros, Elia Kazan eut un père très croyant, borné, presque brutal, pour lequel il eut un amour compliqué, mêlé de haine. L’histoire ne pouvait donc que toucher profondément Kazan, et il était sans doute le plus à même d’en tirer la substantifique moelle, Kazan se révélant également fin dramaturge.
Le résultat est sans appel : « A l’Est d’Eden » est l’un des films les plus touchants et terribles du septième art, l’affrontement entre le jeune rebelle Cal (James Dean) et son père Adam se révélant dévastateur pour eux comme leur proches… et le spectateur. Kazan a su tirer tout le sel et tout le tragique de l’intrigue, l’intensifiant même, et a bien sûr profité du caractère instable et bouillonnant de son jeune acteur pour qu’il s’embrase sous nos yeux d’un amour filial contrarié.
Mais Kazan joue sur plusieurs tableaux : s’il s’agit d’une histoire de filiation malheureuse, il est également question d’amour-haine fraternel, sorte d’opposition entre un Caïn et un Abel des temps modernes, ainsi que d’un trio amoureux entre ces deux frères qui convoitent la même femme. Si évidemment James Dean illumine tout le film de sa présence magnétique, les autres acteurs ne sont pas en reste, et font de ce film un récit inoubliable, d’une force sans pareille. Certes, le long métrage n’est pas exempt de défauts, lorgnant peut-être un peu trop du côté du mélodrame et de ses excès. Mais il serait exagéré de s’attarder sur ses faiblesses, tant ses qualités sont indiscutables.
« A l’Est d’Eden », de chronique sociale du début du XXème siècle, devient progressivement tragédie moderne et antique, dans laquelle une famille s’entredéchire sous nos yeux impuissants. Kazan réussit à rendre universel ce récit si marqué dans le temps, c’est ce qui fait sa pertinence toujours d’actualité et son impact si fort sur le spectateur. D’autant que quiconque ayant eu maille à partir avec sa famille se reconnaîtra dans ces relations douloureuses entre père et fils, mère et fils et frères entre eux. Un film universel et intemporel qui marque à jamais. Un chef-d’œuvre, incontestablement.
[4/4]
Après cette brève introduction, histoire de remettre les pendules à l’heure et de réparer une certaine injustice, évoquons ce qui nous intéresse, à savoir le long métrage en tant que tel. Kazan adapte à l’écran le roman éponyme de John Steinbeck, l’un des plus grands auteurs nord-américains. S’il n’en reprend qu’une partie, il la rend d’autant plus incisive et puissante, confrontant le matériau d’origine à sa propre expérience. En effet, tout comme son héros, Elia Kazan eut un père très croyant, borné, presque brutal, pour lequel il eut un amour compliqué, mêlé de haine. L’histoire ne pouvait donc que toucher profondément Kazan, et il était sans doute le plus à même d’en tirer la substantifique moelle, Kazan se révélant également fin dramaturge.
Le résultat est sans appel : « A l’Est d’Eden » est l’un des films les plus touchants et terribles du septième art, l’affrontement entre le jeune rebelle Cal (James Dean) et son père Adam se révélant dévastateur pour eux comme leur proches… et le spectateur. Kazan a su tirer tout le sel et tout le tragique de l’intrigue, l’intensifiant même, et a bien sûr profité du caractère instable et bouillonnant de son jeune acteur pour qu’il s’embrase sous nos yeux d’un amour filial contrarié.
Mais Kazan joue sur plusieurs tableaux : s’il s’agit d’une histoire de filiation malheureuse, il est également question d’amour-haine fraternel, sorte d’opposition entre un Caïn et un Abel des temps modernes, ainsi que d’un trio amoureux entre ces deux frères qui convoitent la même femme. Si évidemment James Dean illumine tout le film de sa présence magnétique, les autres acteurs ne sont pas en reste, et font de ce film un récit inoubliable, d’une force sans pareille. Certes, le long métrage n’est pas exempt de défauts, lorgnant peut-être un peu trop du côté du mélodrame et de ses excès. Mais il serait exagéré de s’attarder sur ses faiblesses, tant ses qualités sont indiscutables.
« A l’Est d’Eden », de chronique sociale du début du XXème siècle, devient progressivement tragédie moderne et antique, dans laquelle une famille s’entredéchire sous nos yeux impuissants. Kazan réussit à rendre universel ce récit si marqué dans le temps, c’est ce qui fait sa pertinence toujours d’actualité et son impact si fort sur le spectateur. D’autant que quiconque ayant eu maille à partir avec sa famille se reconnaîtra dans ces relations douloureuses entre père et fils, mère et fils et frères entre eux. Un film universel et intemporel qui marque à jamais. Un chef-d’œuvre, incontestablement.
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