dimanche 21 décembre 2025

« Resurrection » (Kuángyě Shídài) de Bi Gan (2025)


Et encore une grosse déception en cette année 2025. C'est le premier film de Bi Gan que je découvre. Un cinéaste porté aux nues depuis ses débuts avec le long métrage « Kaili Blues » en 2015, je m'attendais donc à un grand film. Je savais pourtant que « Resurrection » divisait. Je comprends mieux pourquoi maintenant que je l'ai vu. Il s'agit d'un film extrêmement ambitieux (on ne peut pas lui enlever ça), mais qui n'a hélas pas les moyens de ses ambitions. Le long métrage fonctionne par segments : 5 principaux, un pour chaque sens, et un sixième en forme d'épilogue.

Seul le premier segment me semble vraiment original et réussi, celui qui se passe – entre autres – dans une fumerie d’opium au début du 20e siècle et qui reprend l'esthétique des films muets. C'est celui où il y a peut-être le plus d'expérimentations formelles et qui est le plus poétique et créatif, même s’il n’exploite pas totalement ses possibilités. Les autres segments, comme le premier, se déroulent pendant des moments clés de l'histoire de la Chine. Mais l'Histoire y est toujours reléguée au second plan, malheureusement.

« Resurrection » souffre d'être un film purement visuel. C'est une longue divagation sur le cinéma et la cinéphilie, qui se regarde un peu trop le nombril et fonctionne en vase clos. Bi Gan cite des tonnes d'immenses cinéastes et films, de l'ère du muet, en passant par l'expressionnisme, le film noir, le film de genre, ou encore le cinéma baroque tel que « La Clepsydre » de Wojciech Has (que Bi Gan est très très loin d'égaler, car Has était à la fois un virtuose du fond et de la forme). L'overdose guette ici avec cette suraccumulation de références et de signes. Et surtout, jamais Bi Gan n'arrive à lier tous ces éléments épars pour en faire un film qui égale ou dépasse ses références. On assiste à une sorte de film hommage / pot-pourri qui n'existe pas vraiment par lui-même.

D’autre part, Bi Gan peine à installer vraiment de l’émotion, même si on sent qu’il la cherche désespérément à de nombreuses reprises, quitte à la forcer. Ses personnages sont en deux dimensions, purement superficiels et fonctionnels. Ils fonctionnent comme des ombres de cinéma, des silhouettes, des surfaces sur lesquelles se réfléchissent la lumière et le regard des spectateurs. Les segments s’enchaînent, avec des situations différentes, mais je n’ai jamais cru à ces personnages artificiels et creux…

Je suis donc très déçu par ce long métrage qui m'a semblé terriblement vide, même s'il comporte une certaine poésie, mais pas assez travaillée pour émouvoir et m'avoir marqué. On sent malgré tout que Bi Gan est un cinéaste qui ose, ce qui est déjà beaucoup à notre époque où le cinéma est en crise (encore et toujours). Mais il faudrait que le réalisateur chinois passe nettement plus de temps sur l’écriture de ses films. Car « Resurrection » me semble être un essai avec quelques bonnes intuitions, mais inabouties. Un comble, alors que ce film dure deux longues heures quarante… Hélas, il fait beaucoup de surplace et n’a pas grand-chose à offrir. D’autant que visuellement, il est loin d’être magistral. Bien peu de plans s’avèrent réellement marquants, contrairement aux grands films qu’il convoque. Dommage, vraiment... 

[2/4]

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