« Les Helvétiques » est l'avant dernière aventure de Corto Maltese dessinée par Hugo Pratt. Le style aussi bien graphique que scénaristique de l'auteur italien est alors complètement enlevé : toute l'histoire n'est en fait qu'un long songe, oscillant entre rêve et cauchemar. Littéralement happé par un livre moyenâgeux, le « Parzival » de Wolfram von Eschenbach, Corto Maltese, fraichement arrivé en Suisse, se retrouve embarqué dans une aventure de rose alchimique, de fées, de chevaliers, et de bien d'autres protagonistes tous plus inattendus les uns que les autres. Pour tout dire, on nage ici en plein onirisme, et c'est assez grisant. Toutefois l'ésotérisme de Pratt laisse quelque peu sur sa faim : la complexité de l'intrigue est parfois assez vaine, et il manque à l'italien une hauteur de vue certaine pour donner une âme réelle à son histoire, au-delà du « grand guignol » relatif qui caractérise l'ensemble. La première fois que j'avais lu cet album, j'avais été saisi par l'imagination foisonnante d'Hugo Pratt, et il faut bien le dire, séduit. Aujourd'hui que je l'aborde avec du recul, je ne peux m'empêcher de penser qu'il manque aux « Helvétiques » ce soupçon de « grandeur d'âme » (quelque chose dans ce genre) qui donnerait à l'ouvrage un caractère vraiment initiatique (puisque c'est semble-t-il son, ou du moins l'un de ses buts), c'est-à-dire qui enrichirait véritablement le lecteur, au lieu de le laisser troublé par les circonvolutions d'une intrigue picaresque mais un peu creuse... Pour autant, la lecture de cet album sera appréciée par tout aficionado de Corto Maltese qui se respecte... mais laissera certainement le non initié sur le carreau.
[2/4]