samedi 4 décembre 2010

« Et la Vie Continue » (Zendegi digar hich) d'Abbas Kiarostami (1992)

    Un beau film, tout ce qu'il y a de plus simple et pourtant d'une profondeur qui force l'admiration! Une fois de plus Abbas Kiarostami explore l'étroite frontière qui sépare la réalité de la fiction (existe-t-elle d'ailleurs?) tout en parcourant l'Iran d'un regard curieux, avide d'espoir, cherchant inlassablement comment l'homme peut se relever des instants les plus terribles de son existence, où parvient-il à trouver des forces pour dépasser l'horreur et continuer à vivre dans tous les sens du terme. Il revient en effet après le séisme de 1990 sur les lieux du tournage de son long métrage « Où est la Maison de mon Ami? » à la recherche de ses jeunes acteurs, mais aussi des rescapés du tremblement de terre qui a dévasté la région. La façon dont il se met en scène par l'intermédiaire d'un double fictionnel (l'acteur principal joue le rôle d'un cinéaste venu retrouver la trace des acteurs du film précédemment cité... tiens tiens!) est d'ailleurs amusante, mais surtout fort intéressante! Car il crée un effet de distanciation inattendu : à un certain moment il déjoue ostensiblement le dispositif fictionnel lorsqu'un protagoniste semble apostropher directement le « vrai » réalisateur en personne, soit Kiarostami, alors que le « faux » se trouve hors-champ. Ce personnage nous explique d'ailleurs que la maison qu'il occupe n'est pas la sienne mais qu'elle lui a été attribuée pour les besoins du film... « Et la Vie Continue » serait alors un documentaire? Ou n'est-ce pas plutôt un documentaire factice, une fiction? Est-ce un mensonge? L'opposition vrai/faux vole en éclat, ou plutôt s'opacifie : à nous de réfléchir sur la question, qu'est-ce que le vrai? Qu'est-ce que le faux? Le faux est-il bon ou mauvais? Est-il pertinent de présenter les choses de la sorte? Kiarostami, comme à son habitude, sollicite l'intellect avec une évidence et une aisance désarmantes! Et il ne s'arrête pas là, il propose par la même occasion un touchant portrait de rapport filial et paternel, tout en rendant hommage aux victimes du séisme mortel! Un superbe essai cinématographique de plus à mettre au crédit du talentueux cinéaste iranien!

[3/4]

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