samedi 27 décembre 2014

« Un coup de dés jamais n'abolira le hasard » de Stéphane Mallarmé (1914)

    « Un coup de dés... » fait partie de ces œuvres fondatrices de la modernité artistique, qui ont conduit à la situation de l'art d'aujourd'hui, c'est-à-dire un art en crise, vidé de son sens et de sa substance. Ce poème posthume de Mallarmé confine aux limites de la fumisterie, si l'on excepte la sincérité de l'auteur, qui croyait en la poésie comme on croit en Dieu. Adepte de l'art pour l'art (autrement dit, l'art coupé de la vie et du sens), Mallarmé est de ces talentueux artistes qui ont précipité leur art dans le néant et la médiocrité, à l'image de Picasso, brillant technicien et commerçant, mais piètre artiste et visionnaire, fossoyeur de la peinture occidentale. Mallarmé a écrit des choses magnifiques, et est un fin versificateur. Seulement il a cru aveuglément que les mots pouvaient se suffire à leur sens, que leur gangue esthétique, leur seul aspect et leur seule sonorité pouvaient combler l'absence de sens, et mener à une perfection qu'il ne percevait pas complètement ampoulée (et stérile). Voulant créer une sorte de religion de la poésie, Mallarmé nous livre là un poème qui ne manque pas d'allure (notamment par la finesse des mots choisis), mais dont le vers libre se brise totalement sur les écueils de la vacuité. L'art pour l'art, l'esprit pour l'esprit, autrement dit le narcissisme artistique dans son plus bel éclat, tout cela ne mène à rien. Mais au début du XXème siècle, personne ne pouvait encore le deviner. Aujourd'hui, nous sommes les témoins impuissants des errements de nos aïeux (sinon en osant créer à notre tour du sens). Mallarmé, malgré sa longue quête artistique, ne semble pas avoir compris que l'essence du mot est d'être vecteur de sens. Le sens est véhiculé par la structure même du mot et par sa sonorité, et je me risquerai à avancer que l'art n'est rien d'autre que l'expression du sens, un langage qui utilise un support (ici les couleurs, là les mots, ou encore les sons) pour exprimer quelque chose, ce quelque chose étant l'opposé du rien. Alors il est vrai que ce poème est une longue divagation sur la notion de hasard, il a donc un certain sens, coulé dans son esthétique quelque peu prétentieuse et absconse. Mais si l'on juge à présent de l'intérêt de ce qui est véhiculé par ce poème, on en vient à être troublé. Quoi, tant de bruit pour si peu ? A l'image de l'art d'aujourd'hui, le choc stylistique masque la vacuité du fond et de la démarche de cette œuvre de bien faible envergure.

[1/4]

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire