Tarkovski le dit lui-même dans l'un des récits qui composent ce recueil, il n'est pas un bon écrivain. Et ce n'est pas moi qui le contredirai. Ses récits sont assez plats, n'ont que peu de relief artistique, manquent de poésie. A l'inverse, ce sont des récits autobiographiques, crus, plus par le regard sans fard que porte sur lui le futur cinéaste que par un langage vulgaire et grossier qu'on serait bien en peine de trouver parmi ces textes. Tarkovski a beau être sans concession sur sa personne, il n'en conserve pas moins une certaine pudeur. Mais on sent que Tarkovski n'est pas à l'aise avec l'art des mots, il ne suffisent pas à rendre compte de tout ce qu'il veut dire, ils peinent à rendre l'expérience de la vie telle qu'il la perçoit dans toute sa richesse (richesse dont témoigneront ses longs métrages, d'une grande beauté et d'une grande profondeur). Même ses poèmes, assez agréables (bien que parfois tourmentés), sont maladroits et ne frappent pas le lecteur par leur singularité. Ce sont de jolis instantanés de la nature russe (humaine comme végétale). Mais rien d'exceptionnel. Par contre, on sent dans chacun de ces textes, nouvelle ou poème, toute la sensibilité à fleur de peau du cinéaste russe, et surtout une attention portée au détail qui trouvera tout son accomplissement dans des films comme « Stalker », où la nature règne, majestueuse, sublimée par la photographie sépia ou en couleur du long métrage. Plus encore, on ressent ce que vit Tarkovski, ses peines comme ses joies, son émerveillement face à la nature environnante, même si ce n'est pas du même ordre que ce qu'éveille en nous « Le Miroir », peut-être son chef-d’œuvre cinématographique. Clairement, donc, ces « Récits de jeunesse » s'adressent aux inconditionnels de Tarkovski, car ils permettent de comprendre l'itinéraire personnel et artistique de ce cinéaste particulier. Leur valeur tient plus, en effet, du témoignage biographique que d'une quelconque teneur artistique, qui n'est pas encore pleinement épanouie (mais en 1962, année où s'arrêtent ces textes et où Tarkovski achève « L'Enfance d'Ivan », ça ne saurait tarder).
[2/4]
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