Cela faisait longtemps que je voulais voir ce film. Son affiche et sa bande-annonce m'intriguaient, et puis ce nom : Frances Ha, comme quelque chose d'insaisissable, de charmant et maladroit à la fois. A l'image de ce film, parfois profondément énervant, et parfois profondément touchant. « Frances Ha » c'est l'histoire de loosers magnifiques, aux premiers rangs desquels les deux héroïnes principales : Frances et sa meilleure amie Sophie. Incapables de grandir, approchant la trentaine, elles vivent ensemble en colocation et de manière complètement fusionnelle. Bien que très différentes, elles ont les mêmes « trips », le même goût pour des choses qui paraîtraient ridicules ou infantiles pour d'autres personnes de leur âge. Elles sont vraiment faites l'une pour l'autre, et leur « adulescence » semble vouée à durer toute leur vie... Jusqu'au jour où Sophie décide d'emménager avec une autre amie dans un quartier plus huppé. Frances vit cette décision comme une trahison, et alors que Sophie semble enfin prendre sa vie en main et devenir adulte, Frances, en comparaison, paraît s'enfoncer toujours plus dans l'infantilisme et rater sa vie, de malentendus en maladresses, de choix absurdes en amitiés passagères. Personne ne peut remplacer Sophie, et mieux comprendre Frances, ce qui la désespère vraiment. Pendant un certain moment, on assiste ainsi à l'errance de Frances, à sa vie qui part complètement à vau-l'eau, à un point tel que ça en devient agaçant. Le film devient un condensé de loosers, de moments de loose totale, de loose esthétisée pourrait-on dire. Mais deux choses viennent contrebalancer cet aspect pour le moins horripilant : la fin, lumineuse, et Greta Gerwig, l'actrice qui joue Frances. Son jeu très physique, plus vrai que nature, étonne et envoûte. Comment ne pas s'attendrir devant ses tentatives répétées – et ratées – de viser la lune ? Elle est vraiment l'âme de ce film, et le réalisateur ne s'y est pas trompé : tout tourne autour d'elle. L'esthétique et le ton du film, à la croisée de la Nouvelle Vague française, de Woody Allen et même de la tendre maladresse de « The Shop Around the Corner » de Lubitsch, viennent sublimer le personnage de Frances, et s'il y a beaucoup de pose mi-bobo mi-hipster, s'il y a un verni intello névrosé passablement agaçant, « Frances Ha » est au fond l'histoire d'une fille qui veut vivre ses rêves jusqu'au bout, mais pas une histoire de conte de fées ou de carte postale, juste une histoire humaine, terriblement humaine, joyeusement et bordéliquement humaine. Et qui, tout bien pesé, vaut le coup d'être suivie.
[3/4]
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