Christian Bobin est, formellement parlant, un écrivain français par
excellence, du moins un écrivain français de notre temps. Comme Debussy
ou Fauré dans le domaine de la musique, Bobin a bâti une œuvre pierre
après pierre, touche de pinceau après touche de pinceau, une œuvre
délicate et fragile, puissante parce que douce, belle, rayonnante, loin
des gigantesques édifices parfois immortels, mais aussi parfois
dangereusement lézardés, menaçant de s'écrouler sous leur poids. Ici
tout n'est que légèreté. Oh bien sûr, on ressent une certaine tristesse,
une certaine mélancolie dans sa poésie en prose. J'avoue la regretter.
Mais comment ne pas s'émouvoir de sa plume, de son regard poétique ? Car
véritablement, il a un regard, un cœur, une âme de poète. Pour qui l'a déjà entendu se faire interviewé, pas de doute possible. Hypersensible
comme un Tarkovski dans le domaine du cinéma, parfois accablé par la
noirceur de notre monde, il sait pourtant se faire le chantre de la
beauté des hommes et des femmes, de notre Terre et de la nature. Et
surtout, il manie la langue française comme personne. Il use d'un
langage simple et clair, qui saisit dans la pureté et la simplicité de
son expression toute la beauté de notre langue française, si belle...
Pas de figures de style ampoulées, pas de style clinquant, ostentatoire,
outré. Juste des mots, des mots simples mais forts, utilisés avec talent
pour former une prose somptueuse. On a beaucoup parlé des poèmes en
prose de Baudelaire. J'espère que dans quelques années, on parlera des
poèmes en prose de Christian Bobin, qui à mon sens ont toute leur place
dans notre panthéon national.
[3/4]