vendredi 16 septembre 2022

« Adieu les cons » d'Albert Dupontel (2020)

 

    Je découvre Albert Dupontel (en tant que cinéaste, et même acteur je crois) avec ce film. Au vu des critiques que j'ai pu lire ici et là, je ne pense pas que ce soit un long métrage tout à fait représentatif de son style. Je pars donc peut-être avec un biais, mais je me lance.

Je regrette que tout soit aussi schématique et caricatural, esthétiquement comme scénaristiquement. Tout d'abord, les personnages sont à peine esquissés, à grands traits psychologiques et en termes de background, ce qui fait qu'il y a beaucoup d'invraisemblances dans leur actions et réactions, qu'on peine à s'identifier vraiment à eux et à éprouver de l'empathie pour eux... Heureusement que Virginie Efira et Abert Dupontel sont suffisamment talentueux, car il est vrai qu'on s'attache quand même à leurs deux personnages, même s'ils nous laissent vraiment sur notre faim...

Sur la forme, tout est too much, limite grotesque (comme le scénario et les personnages d'ailleurs). Peut-être que c'est le style de Dupontel, personnellement ça m'a un peu sorti du film tout du long... La photographie est assez vulgaire et grossière, très saturée comme chez Jeunet, et Dupontel use d'effets de mise en scène parfois inventifs, mais parfois aussi franchement vieillots et déjà vus, qui n'apportent pas toujours quelque chose...

Pourtant à côté de ces défauts un peu rédhibitoires, ce film possède de réels atouts. Il aborde des thématiques intéressantes, ses deux acteurs principaux sont brillants (Efira et Dupontel), il y a de façon générale un côté touchant, de vraies questions de société sont posées... Et puis il y a un angle d'approche qui est bien vu.

Rien que ce titre, « Adieu les cons », est savoureux et employé à bon escient. Dupontel pointe l'absurdité de notre monde ultra moderne et sa déshumanisation galopante... Ceux qui ont une faille, qui ont une maladie, qui sont trop passionnés, trop perfectionnistes, ou toute autre caractéristique qui ne correspond pas au moule de la société (peut-être tout être humain en fait ?), sont voués à en être limite bannis, ou du moins mis au bord de la route, si ce n'est au rebut... Ce qui amène au ras-le-bol – bien compréhensible – de nos deux héros.

Dommage que ce soit gâché par des seconds rôles parfois très caricaturaux et lourdingues (l'aveugle...), une vision du monde elle aussi parfois excessive (la représentation de la police...) et par un manque général de parachèvement, notamment dans les nombreux thèmes brassés et dans l'écriture des personnages... Car il y a des séquences très réussies, mais trop rares.

Au total, malgré d'indéniables et de nombreuses maladresses (qui en un sens font aussi son charme), le positif l'emporte sur le négatif pour moi, même si c'est un peu de justesse... « Adieu les cons » dispose tout de même de vraies qualités, qui en font un film attachant et qui m'incitent à approfondir la filmographie de Dupontel... et celle de Virgine Efira, qui est décidément une actrice fascinante.

[2/4]

dimanche 11 septembre 2022

« Trains étroitement surveillés » (Ostře sledované vlaky) de Jiri Menzel (1966)


 

    Un film assez incroyable et inclassable... D'apparence tout à fait mineur, c'est en fait un long métrage à l'esthétique très travaillée, avec une histoire à tiroirs, aux degrés de lecture multiples, malgré un scénario qui paraît simple au possible. Récit de l'éveil sexuel d'un jeune homme un peu benêt, c'est aussi l'évocation d'une perte d'innocence, celle d'un garçon candide... mais aussi et avant tout celle d'un pays, la Tchécoslovaquie, face à l'Allemagne nazie... puis l'URSS.

Ce film se regarde comme une comédie de mœurs d'une grande tendresse, un peu loufoque, avec des personnages imparfaits et terriblement attachants à la Lubitsch. Jiri Menzel dépeint ses compatriotes avec un regard à la fois amusé et piquant, n'hésitant pas à pointer leurs travers... Ce qui amène au deuxième degré de lecture, ces personnages symbolisant la nation tchèque face à l'envahisseur (allemand ou soviétique d'ailleurs, même si nous sommes ici très clairement durant la Seconde Guerre Mondiale).

Tout le monde en prend gentiment pour son grade... Mais pourtant, les Tchèques, du moins certains d'entre eux, se révèlent beaucoup plus héroïques qu'on le pensait. Sorte de pied de nez à ceux qui ont tenté d'asservir, voire détruire ce pays, sa population, son histoire et sa culture.

Un troisième niveau de lecture, enfin, peut être le récit de l'apprentissage cinématographique de Jiri Menzel. En effet, il s'agit de son premier long métrage, et il attribuera lui-même sa réussite à l'insouciance et à la légèreté du débutant. Il faut en effet un certain aplomb et une certaine confiance en soi, ou au contraire une ingénuité totale pour réaliser un film aussi libre et insolent, aussi brillant formellement et aussi riche sur le fond.

Mais ce film, c'est aussi une photographie sublime, des cadrages magnifiques, d'excellents interprètes... et une flopée de scènes cultes (je n'en dis pas plus). Cela faisait une éternité que je comptais le voir, c'est maintenant chose faite. Je regrette juste de ne pas l'avoir fait du vivant de Menzel, qui était passé à Paris pour la ressortie en salle de certains de ses films... Reste ce magnifique long métrage, un petit chef-d’œuvre qui mérite sa flatteuse réputation.

[4/4]

« Once Upon a Time... in Hollywood » de Quentin Tarantino (2019)

 

    Ma révélation avec ce film : Quentin Tarantino ne sait pas filmer... Ses cadrages sont très pauvres, ses plans ne sont pas composés, ils font vides, la photographie fait hyper artificielle... Esthétiquement, tout est plat et sonne faux...

Alors Tarantino se rattrape avec deux choses : une foultitude de gimmicks, des idées de mise en scène pillées chez d'autres, bien meilleurs que lui, mais qui ne durent que quelques secondes ici et là. Et des personnages plutôt bien écrit, avant tout (et surtout) les deux héros principaux, joués par deux excellents Leonardo DiCaprio et Brad Pitt, qui sont le principal (à vrai dire le seul...) intérêt de ce film.

Je le concède, il est plaisant de suivre les mésaventures de nos deux héros, dont les interprètes cabotinent à mort... Mais avec talent. En outre, leurs scènes et leurs lignes de dialogues sont bonnes, ce qui reste un des rares atouts de Tarantino. Gros problème : hormis les protagonistes joués par Pitt et DiCaprio, quasiment aucun personnage n'existe, pas même Margot Robbie censée incarner Sharon Tate... sans convaincre. Elle n'arrive à aucun moment à nous faire croire à son personnage et encore moins à lui insuffler de la vie, Tarantino la filmant de façon extrêmement superficielle... Alors ne parlons même pas d'émotion, même à la toute fin, censée être le climax...

Pour le reste, film après film Tarantino dilue son maigre talent dans des métrages de plus en plus longs... 2h41 de néant, ou presque... Alors, oui, il y a une reconstitution plutôt sympathique des années 60, mais qui fait toc au possible. Préférez « Licorice Pizza » de Paul Thomas Anderson, bien meilleur dans la reconstitution à la fois nostalgique et lucide d'une époque révolue.

Et puis cette fin ignoble m'a achevé... Cette réécriture infantile, et pour tout dire stupide, de l'histoire, indécente même, révèle la pauvreté d'esprit de Tarantino, dont le cinéma est fondé sur des ressorts très limités. En gros exposer crânement sa cinéphilie, son amour de la musique (bien utile pour masquer le vide de la mise en scène) et du sang qui gicle (hi hi). Tarantino a fait bien pire, mais ça ne vole décidément toujours pas bien haut...

[1/4]