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vendredi 20 mai 2011

« Häxan » de Benjamin Christensen (1922)

Réalisé en 1922, «Häxan» (sous-titré chez nous «La sorcellerie à travers les âges») apparaît aujourd’hui comme un objet cinématographique essentiel dans l’histoire du cinéma fantastique. On peut mesurer avec le recul l’influence que ce film a pu avoir, que ce soit dans les thématiques traitées, dans la beauté picturale stupéfiante de certaines séquences, mais surtout dans les procédés narratifs totalement inédits mis en place, et dont la modernité étonne encore. On pense bien sûr à Dreyer, chez qui l’influence d’«Häxan» apparaît clairement dans 3 films (accessoirement 3 chefs d’œuvre) : «La passion de Jeanne d’Arc», «Vampyr» et «Dies Irae». C’est dire si le film de Christensen se révèle être un véritable petit trésor, qu’il est fort réjouissant de découvrir. Le film traite, sous la forme d’un exposé, qui peut certes avoir parfois un côté un peu scolaire, des différents mythes attachés à la sorcellerie. A partir d’un ouvrage du Moyen-Age devenu une référence pour l’Inquisition, Christensen relate différentes anecdotes sous la forme de 7 chapitres jouant dans des registres cinématographiques très diversifiés. On tient probablement là le premier docu-fiction de l’histoire du cinéma, mais dont la partie fictionnelle est elle-même riche des registres qu’elle aborde, de l’humour et du grotesque à l’horreur et la terreur lovecraftienne, en passant par des moments oniriques portés par une pure poésie visuelle. A chaque chapitre, Christensen varie les styles narratifs, s’appuyant sur une gamme impressionnante de supports : reproductions de livres, peintures, gravures, maquettes, animations et séquences filmées avec différentes teintes de couleurs… On reste stupéfait par l’inventivité formelle dont fait preuve le cinéaste, jusque dans les maquillages et les effets spéciaux, qui n’ont pas pris une ride. Tout ça pour une simple suite d’historiettes relatives aux sorcières et à la peur de Satan? Que nenni! Dans ses dernières parties, «Haxän» devient progressivement l’œuvre d’un humaniste portant tout d’abord une charge sévère contre la rigidité de l’Eglise, dénonçant, chiffres à l’appui, les crimes de l’Inquisition, après en avoir cliniquement exposés les méthodes absurdes et inhumaines et les outils de torture terrifiants. Puis le film fait un bon dans l’époque contemporaine et Christensen dresse un parallèle entre les sorcières du Moyen-Age et les hystériques, kleptomanes et autres femmes d’aujourd’hui souffrant de troubles psychiques. Le propos s’élargit alors, s’enrichit et s’universalise donnant au film une portée philosophique inattendue. «Häxan» est une petite merveille à découvrir d’urgence, dans sa version longue et, par défaut, avec la bande sonore de Bardi Johansson (on regrettera l’absence de la bande sonore originale dans la récente édition DVD du film).

[4/4]