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jeudi 2 janvier 2014

« Lord Jim » de Richard Brooks (1965)

    L'orgueil. La gloire. L'honneur. Et la chute, terriblement humaine. Des mots qui semblent qualifier la destinée de Jim, marin déchu, en quête de rédemption. Finalement, qu'est-ce qui distingue un héros d'un lâche, se demande Jim... Bien peu de choses parfois, nous dit Conrad dans son œuvre phare. Je vois un peu Joseph Conrad comme un Dostoïevski occidental, c'est-à-dire un peintre de génie de l'âme humaine, dans tout ce qu'elle a de plus complexe. Mais un Dostoïevski sans cette lueur d'espoir, qui donne à l’œuvre du russe une grandeur sans pareille. Le récit de Conrad est profondément sombre : tout paraît emporté par les flots tragiques de la fatalité. Pour autant, certains moments nous donnent du répit, une accalmie semble se dessiner au loin, des hommes d'une réelle et grande bonté surnagent dans l'horreur des évènements. Mais l'homme étant ce qu'il est, il se voit rattraper par ses tourments et ses mauvais penchants. Richard Brooks retranscrit avec talent à l'écran le drame de la vie de Jim, avec un Peter O'Toole crédible dans le rôle éponyme. On perçoit sans peine les remords qui l'assaillent, et qui l'obsèdent. D'une mise en scène classique, presque académique, le « Lord Jim » de Brooks est cependant d'une force incroyable, d'une intensité difficilement soutenable, plus encore peut-être que l'« Apocalypse Now » halluciné de Coppola, adaptation d'« Au Cœur des Ténèbres », autre grand roman de Joseph Conrad. Le rythme du film est en effet haletant, et les scènes de batailles réservent de grands moments de suspense. De surcroît, jusqu'à la fin du long métrage, l'intrigue est surprenante. Les différents revirements de Jim n'auront pas fini de nous interpeler et de nous étonner. Mais finalement, n'est-il pas un homme, juste un homme, comme nous ? Qui peut le juger ? Pas même le marin qui intervient avec prudence lors de son procès. « Lord Jim » est donc une grande épopée humaine, une tragédie antique et moderne, beaucoup plus riche, dense et subtile qu'un « Gatsby le Magnifique », mais du même ordre dans la dénonciation de l'hubris, de la démesure humaine.

[3/4]