samedi 1 octobre 2016

« Wall-E » de Andrew Stanton (2008)

    Encensé à sa sortie, « Wall-E » est loin d’être le chef-d’œuvre tant attendu. La fameuse première partie sans dialogues n’est hélas guère émouvante. Difficile de se sentir touché par une machine, malgré toutes les attitudes « humaines » qu’on veut bien lui prêter. Tout semble tellement convenu et déjà-vu qu’on peine à croire qu’un tel film ait pu soulever un tel enthousiasme. On retrouve les personnages stéréotypés des dessins animés américains, qu’ils aient vu le jour sous la bannière Pixar, Dreamworks ou que sais-je encore, et ces bons sentiments de pacotille qui m’horripilent. Paradoxalement, c’est dans sa deuxième partie que j’ai trouvé ce film intéressant, lorsqu’il devient une sorte de dystopie prophétique. Les humains y sont en effet dépeints comme d’obèses personnages, rivés à leurs écrans et ne sachant plus goûter aux joies simples et réelles de la « vraie » vie, et encore moins se parler de vive voix. Le petit robot Wall-E, sorte de trublion irrémédiablement maladroit, vient bouleverser ce monde artificiel et redonner aux hommes le goût de la vie, et l’envie de quitter leur fauteuil confortable - mais funeste - pour vivre une vie digne de ce nom. Le propos nous interroge alors sur l’avenir de notre société, qui semble s’acheminer rapidement et sûrement vers cet état de torpeur malsaine et d’aveuglement mortel qui ne mènera à rien de bien rassurant. Finissant toutefois sur une note optimiste, « Wall-E » fait mine de rien réfléchir un public davantage habitué aux effets spéciaux abrutissants et aux scénarios pré-mâchés. De quoi remonter dans mon estime, ce qui en fait à mes yeux un dessin animé intéressant, mais encore loin d’être un sommet du genre.

[2/4]

« Le Discours d'un roi » (The King’s Speech) de Tom Hooper (2010)

    Dès les premières minutes du « Discours d’un roi » on se sent en terrain connu : mise en scène classique, photographie léchée, presque artificielle, stars du moment au casting… Pas de toute, nous voilà face à un film tout ce qu’il y a de plus académique. Mais assez rapidement une petite musique se fait entendre, celle d’un drame intimiste original, d’autant plus touchant que les deux personnages principaux semblent incapables de dépasser le carcan qui les enserre, malgré des enjeux extraordinaires. L’un est prince de la famille royale d’Angleterre, peut-être voué à régner un jour sur l’Empire britannique, mais bègue depuis son plus jeune âge, impuissant à exprimer en public toute la noblesse de son rang : sa vie n’est qu’autorité bafouée, honte, désespoir. L’autre est semble-t-il un excentrique, un orthophoniste australien aux méthodes étranges, un acteur raté qui veut redonner au premier confiance et le libérer de son incapacité à parler à haute voix. La force de ce film doit beaucoup au face à face entre ces deux hommes, entre un aristocrate fier et orgueilleux mais brisé, détruit par son défaut d’élocution, et cet étranger bienveillant, méprisé de beaucoup, mais aux talents prodigieux. Tous deux doivent surmonter le regard humiliant des autres, essayer sans relâche de prouver leur valeur profonde, de défendre leur dignité face à l’adversité, qui peut se révéler dans son propre frère, un jury inhumain ou un auditeur anonyme. Tous deux, heureusement, peuvent compter sur l’appui d’une épouse combative et aimante. A ce titre, Helena Bonham Carter force le respect par son jeu, pour une fois sobre et sincère. Et peu à peu, en s’apprivoisant mutuellement, le Duc d'York et le « docteur » Lionel Logue vont réussir à grandir ensemble, au gré d’une relation « professionnelle » qui se muera progressivement en amitié profonde et indéfectible. D’une « histoire vraie », ces fameuses trames dont Hollywood est si friand, qui veulent tout et rien dire, et peuvent mener aux films les plus vils, Tom Hooper a su tirer toute la substantifique moelle, tout le tragique de cette histoire d’ambitions contrariées. Plus encore, il a su dépeindre une confrontation entre un homme au sommet de l’échelle sociale mais qui ne peut jouir de son statut, rongeant son frein alors que la guerre est aux portes de l’Angleterre et qu’il veut trouver les mots pour engager son peuple dans la résistance face à l’oppresseur, et cet homme simple mais qui sait tant de choses, dont les plus essentielles, d’abord moqué puis respecté. « Le Discours d’un roi » est ainsi un long métrage multiple : drame intérieur mais aussi social, film historique et biopic singulier. En bref, sans être novateur ni flamboyant, un film subtil et profond. Une belle réussite.

[3/4]