Affichage des articles dont le libellé est Paradjanov Sergueï. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Paradjanov Sergueï. Afficher tous les articles

jeudi 23 mai 2013

« Achik Kerib, conte d'un poète amoureux » (Ashugi Qaribi) de Sergeï Paradjanov et Dodo Abachidzé (1988)

    « Achik Kerib » est peut-être l'un des films les plus dépouillés de Paradjanov, faute d'argent semble-t-il, et pourtant c'est une fois de plus une œuvre d'une grande richesse visuelle. Le cinéaste arménien n'a pas son pareil pour se jouer des contraintes matérielles, et c'est en cela que c'est un grand artiste : il parvient à suggérer les choses les plus subtiles avec une grande économie de moyens. Mais cette économie ne signifie pas pauvreté visuelle, au contraire : toujours aussi exubérant, il joue avec les couleurs avec un talent rare, les costumes évoluant du noir au blanc, en passant par toutes les teintes, au fur et à mesure du temps qui s'écoule. De plus, il figure l'onirisme le plus pur avec une mise en scène astucieuse, qui n'enlève rien à la magie de ce qu'il filme! En fait, on croit au cinéma de Paradjanov, peut importe qu'un paquebot passe en arrière plan de « La Légende de la forteresse de Souram » ou qu'on entende ici les personnages parler sans qu'ils remuent les lèvres (leur voix étant post-synchronisée)... Ces détails ajoutent même au charme des longs métrages de l'artiste hors pair qu'est Paradjanov. Car l'on retrouve bien dans « Achik Kerib » son talent pour la composition de l'image, pour la mise en scène baroque, pour les histoires d'amour et les contes du Caucase. Le récit est encore plus elliptique que celui de « La Légende de la forteresse de Souram », et sans doute le film est-il moins impressionnant visuellement que ce dernier et « Sayat Nova », voire même que « Les Chevaux de feu ». Pour autant, il s'agit bien de l'un des sommets du septième art, et j'invite les novices comme les amateurs du cinéaste à découvrir son ultime long métrage, dédié qui plus est à son fidèle ami Andreï Tarkovski, autre maître du cinéma.

[4/4]

jeudi 4 avril 2013

« La Légende de la forteresse de Souram » (Ambavi Suramis tsikhitsa) de Sergeï Paradjanov et Dodo Abachidzé (1984)

    Quelle merveille! « La Légende de la forteresse de Souram » est une splendeur de tous les instants. Chaque image est soigneusement composée, restant pendant longtemps en mémoire. Paradjanov n'a pas son pareil pour dynamiser le cadre, pour faire se mouvoir avec grâce ses acteurs, utilisant au maximum tous les plans de l'image, de sorte que malgré la fixité du cadrage, elle semble animée d'une vie propre. C'est comme si le film vivait de lui-même, je ne trouve pas de meilleur mot pour exprimer la puissance évocatrice du cinéma de Paradjanov. Visuellement, ce long métrage est donc très riche, d'autant plus qu'il regorge de symboles. On ne retrouve un tel foisonnement pictural, une telle exubérance contrôlée, que dans les meilleurs œuvres de Fellini. Mais là, l'art du cinéaste arménien sert une vieille légende géorgienne, trahissant son goût pour les contes et le folklore traditionnel. Histoire d'amour déçu, ou d'abnégation d'un peuple et de ses héros, « La Légende de la forteresse de Souram » fait défiler chapitres et tableaux mystérieux près d'1h30 durant. Bien que simple, la trame est un peu nébuleuse, on se perd dans les personnages, les fils d'untel ou d'untel. Mais cela ne fait qu'ajouter au charme de l'ensemble, à son atmosphère onirique, insaisissable. La réalisation de Paradjanov ose tout, quand on croit avoir tout vu, on est encore surpris... Ce film est d'une poésie rare, que l'on ne retrouve que chez les plus grands, autant dire une poignée. Ce n'est peut-être pas avec ce long métrage qu'il faut découvrir Paradjanov (préférez « Les Chevaux de Feu », ou même « Sayat Nova », plus cohérent, encore que très original et déroutant dans sa narration), mais il se hisse aisément au panthéon du septième art, et il est donc indispensable, à mon sens, pour tout amoureux du cinéma qui se respecte, de l'avoir vu.

[4/4]