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samedi 25 novembre 2023

« Napoléon » (Napoleon) de Ridley Scott (2023)

 

La bande annonce me l'avait très clairement fait comprendre. Je savais que ce serait nul. Mais je m’étais dit que ça ferait une sortie sympa entre amis. Et puis je comptais voir ce film un jour, donc autant aller le voir sur grand écran. Or c'est encore plus mauvais que ce que j'imaginais... Le long métrage de Ridley Scott consiste en une mise en image très scolaire et très pauvre de la vie de Napoléon, avec des personnages ultra schématiques et binaires, Napoléon en tête. Il y a une absence totale d'angle, malgré la tentative ratée de faire défiler la vie de Bonaparte sous le prisme de sa relation avec Joséphine. Scott balaie en 2h40 l’existence de Napoléon, du siège de Toulon à son décès à Sainte-Hélène, en illustrant platement (et bêtement) le tout. Autant dire que sans parti pris, ce projet était mort-né. Et effectivement, c’est un désastre. Et de ce que j’ai entendu dire, la version longue / Director’s cut qui nous est promise plus tard ne mettra que des rustines, mais n’inversera pas la tendance.

Par où commencer devant cette accumulation de mauvais choix ? Peut-être par ceux que l’on voit tout au long de ces 2h40. Les deux acteurs principaux, Joaquin Phoenix et Vanessa Kirby sont très mauvais et très mal dirigés. Phoenix est très sûr de lui-même, se sent un grand acteur pénétré de génie, croyant incarner son personnage de façon fusionnelle… Mais à aucun moment je n’ai vu Napoléon, je n’ai vu que Joaquin Phoenix jouer un petit mec frustré à l’œil sombre et cabotiner à mort. Je n’ai pas cru une seule seconde à son personnage. Quant à Vanessa Kirby, ce n’est guère mieux. Plusieurs fois les personnages mentionnent son intelligence et son esprit. A aucun moment je ne l’ai vu en faire usage, les dialogues étant d’une indigence sans nom. Et puis pour un film construit sur l’amour entre Napoléon et Joséphine, à aucun moment on ne sent une alchimie entre eux et encore moins de l'attachement pour eux.

Il faut dire que le scénario et les dialogues sont d'une rare médiocrité. La période révolutionnaire et napoléonienne fut l'une des plus complexes et des plus passionnantes de l'Histoire. Ici tout est expédié, les nombreux personnages historiques n'ont pas le temps d'exister à l'écran, et sont de toute façon écrits à la truelle, comme tout Américain bas du front le ferait en s'emparant de l'histoire de France pour s'adresser à un public gavé de Marvel, « Barbie » et autres « Mario Bros. » Aucune, je dis bien aucune intelligence dans l'écriture. C'est fou, quand on connaît les traits d'esprit des grands personnages de ce temps... Quand on connaît les personnalités extraordinaires des protagonistes de cette époque, quel que soit leur camp…

Et puis rien sur les institutions créées par Napoléon, qui ont traversé plusieurs siècles jusqu'à aujourd'hui, partout en Europe, pas seulement en France. Rien sur son génie militaire. Rien sur son charisme et son aura, qui ont entraîné des millions d'hommes à sa suite, même dans le camp adverse, où, bien qu'haï il était admiré, voire parfois passionnément révéré. Rien non plus sur ses zones d'ombres comme le rétablissement de l'esclavage. Pensez-vous : trop complexe, pas assez binaire pour le public...

Alors est-ce que la mise en scène sauve Ridley le Petit de la catastrophe ? Eh bien non. Avec le temps, les film d'Uncle Ridley sont de plus en plus laids et de moins en moins inspirés. « Napoléon » est l'un des films les plus moches qu'il ait réalisés. La mise en scène est d'une paresse et d'une platitude sans nom. Aucun plan ne reste en tête. On aurait dit un débutant qui découvre le cinématographe... Une docufiction de France Télévisions aurait fait aussi bien visuellement, et sans doute beaucoup mieux sur le fond. Il y a de la CGI dégueulasse partout, des filtres hideux, des décors auxquels on ne croit pas, des effets spéciaux fauchés, trois pelés en guise de figurants...

Plus jeune j’admirais Ridley Scott. Mais j’ai fini assez vite par comprendre qu’il est toujours resté un chef opérateur, un visuel, un habile faiseur d’images. Il n’a jamais été un auteur, un penseur, un grand artiste. Film après film il nous l’a prouvé, réussissant, on ne sait comment, à réaliser une poignée de chefs-d’œuvre dans sa carrière, brillants sur la forme (mais assez vides sur le fond, déjà à l’époque). Et à côté de ça, il nous a pondu une flopée de trucs bancals et de francs navets. Je n’ai pas encore vu tous ses longs métrages, mais celui-ci est le pire qu’il m’ait été donné de découvrir, et de loin. Déjà, parce qu’il est tout simplement raté sur tous les aspects possibles. Mais en plus car il a l’ambition folle de traiter un personnage et une époque éminemment complexes, en le faisant avec la croyance qu’il va y apporter un regard nouveau, voire corrosif, avec une écriture aussi peu travaillée. Alors que c’est d’une bêtise et d’une vulgarité pitoyables…

Ce film est une débâcle totale... On sait que le personnage de Napoléon est une montagne à gravir. Ridley s'est arrêté en (morne) plaine, alourdi par son égo démesuré, incapable d'arriver au doigt de pied de l'homme que fut Napoléon. Mais bon, pouvait-on en attendre autrement d’un Britannique, et encore plus d’un réalisateur devenu aussi lamentable que Ridley Scott ?

Ce qui est triste, c’est que beaucoup de personnes dans le monde et notamment en France vont prendre ce film pour argent comptant, vont boire les bonnes paroles de Tonton Ridley et s’arrêter là, en se disant qu’ils ont bien compris qui fut Napoléon et ce que fut cette époque… Or là, non seulement Ridley a une fois de plus tordu l’Histoire pour en faire son jouet, mais en plus de ça il s’essuie les pieds sur Napoléon et la France.

Il ose dénombrer les morts « causés par Napoléon ». Mais il oublie de dire que Napoléon a d’abord défendu la France, que l’Angleterre, qui n’a jamais été rassasiée par son île, voulait écraser, avec l’aide des autres nations européennes. En écrasant par la même occasion la République. Ce qui gênait les Anglais, ce n’était pas Napoléon, mais la France, qu’ils ont toujours voulu assujettir, ainsi que cette République qui osait montrer une alternative à la monarchie. De plus, Napoléon a d’abord voulu négocier la paix (ce que montre d’ailleurs Ridley dans le film), mais les Anglais lui ont rit au nez. Ils ont voulu la guerre, ils l’ont eue… Même si bien sûr, on sait que Napoléon n’a pas su s’arrêter à temps et a été rattrapé par son hubris…

Donc si vous voulez voir un film mal écrit, mal joué, mal mis en scène, qui viole l’histoire, notamment celle de notre pays, allez voir le « Napoléon » de Ridley Scott. Mais si vous voulez voir un vrai bon film sur cette période, il y en plein d’autres !

Tout d’abord le « Napoléon » (1927) d’Abel Gance, légendaire fresque en cours de restauration, qui devrait ressortir en salles en milieu d’année prochaine, ou son « Austerlitz » (1960). « Guerre et Paix » (1966) de Sergueï Bondartchouk, énorme film de 8h qui ressort en ce moment en salles de cinéma, grâce à l’excellent distributeur et éditeur Potemkine, et qui permet de voir le point de vue adverse. Ne le manquez surtout pas ! Ce même réalisateur a également réalisé un « Waterloo » (1970) paraît-il excellent. Le « Napoléon » (1955) de Sacha Guitry est apparemment une version pleine de verve qui mérite aussi le coup d’œil. J’ai même entendu dire que la mini-série télévisée « Napoléon » (2002) d’Yves Simoneau, avec Christian Clavier dans le rôle-titre, est plutôt réussie, et paraît même un chef-d’œuvre à côté de la version de Ridley Scott…

Donc vous voyez qu’il existe de vraies œuvres cinématographiques dignes de ce nom sur Napoléon, qui méritent bien mieux d’être connues que ce triste spectacle… Un conseil d’ami : n’allez pas gâcher votre esprit, vos yeux, votre temps et votre argent devant ce film. Sinon, je vous aurais prévenu…

[0/4]

dimanche 10 janvier 2016

« Les Huit Salopards » (The Hateful Eight) de Quentin Tarantino (2016)

    S'il y a quelque chose que je ne comprends pas avec Tarantino et ses adorateurs, c'est le fait de trouver jouissif des mecs qui gerbent du sang, qui se font exploser la tête ou couper le bras à coups de machette... Ou pire, de casser le nez et la mâchoire d'une femme à grands renforts de coups de coude ou de pied. Hilarant. Que ça choque, voire que ça fasse rire (jaune) tellement c'est excessif, à la limite... Mais trouver ça « super fun » ou « jouissif », non là ça me dépasse. Car que nous propose Tarantino ? Un petit jeu de massacre gratuit, bête et méchant, que seuls les sadiques en puissance sauront apprécier à sa juste valeur. Expert du copié collé, Tarantino pompe allègrement sur des vrais cinéastes : Kurosawa, Leone, Godard... qui eux, savaient raconter une histoire. Ici ça se traîne invraisemblablement : 2h47 de film, je veux bien si c'est « Les Sept Samouraïs », où chaque plan est à tomber, et pour le moins beau car travaillé (avec talent faut-il préciser, pour éviter tout malentendu et toute confusion avec le piètre faiseur bas du front qu'est Tarantino). Là on a des champs-contrechamps en veux-tu en voilà, des images sans intérêt, des cadrages mous, des objets qui parasitent les plans, bref une paresse honteuse, mal masquée par cet art si révéré de nos jours de la citation, et non plus de la création, car c'est has been de créer quand il suffit de flatter le spectateur et le critique en plaçant quelques références bien senties ici et là. Tarantino nous prend pour des buses et nous refait pour la huitième fois (car c'est son huitième film, on le saura : trop intelligent le mec, il a mis des huit partout. On m'a dit que c'était le double du nombre de ses neurones, ça doit donc être un signe) le coup du scénario en casse-tête chinois. Sauf que là il s'est pas trop cassé la tête, et qu'un flash back suffira à révéler le pourquoi du comment, sauf qu'en fait on s'en fout. Tout ça pour ça ? Je veux dire, un scénario à l'envers, est-ce là tout l'intérêt, toute la puissance de ce film et de Tarantino ? Un simple exercice de style (pour ne pas dire un effet de manche), est-ce que c'est ça le fameux « Hateful Eight » tant attendu ? Hélas oui, j'en ai bien peur. Un exercice de style vain et douteux (mais là je me répète, je dis ça de chacun de ses films). Des acteurs qui cabotinent à n'en plus finir, une pâle resucée de « Reservoir Dogs », qui avait au moins le mérite d'innover (il faut dire qu'à l'époque on découvrait Tarantino, il ne nous avait pas encore saoulé par sa connerie crasse). Et puis les dialogues, il faut en parler des dialogues. Des tirades de 20 minutes pour parler de la pluie et du beau temps, et accessoirement « chier des nègres » (sic, je cite le Grand Monsieur qu'est Tarantino). Jouissif. Trop jouissif. Le mec sort des blagues racistes à faire pâlir Le Pen toutes les 3 secondes ou nous parle de sa bite pendant un quart d'heure, ça c'est vraiment le summum du jouissif. Bref, je vais m'arrêter là de citer Taranticon pour notre bien à tous, et préfère vous prévenir : si vous avec plus de 15 ans d'âge mental, passez votre chemin.

[0/4]

vendredi 18 avril 2014

« Noé » (Noah) de Darren Aronofsky (2014)

    Un film désolant... Darren Aronofsky décide d'adapter l'histoire de Noé à sa façon, façon glauque et sombre (le mot est faible) teintée d'heroic fantasy comme sortie d'un abrutissant jeu vidéo... Et le résultat est aberrant. Pourtant j'aurais dû m'en douter en voyant la bande annonce : Aronofsky met le paquet sur les effets spéciaux, et de fait, dans son long métrage, seule l'apparence (laide à faire peur) est de mise, rien de véritablement profond, et pire, rien de beau, rien d'intéressant, rien de touchant. Noé est présenté comme une brute colérique et sanguinaire, l'humanité est divisée entre gentils et méchants comme certains Américains savent si bien schématiser (à gros traits) les choses, il y a beaucoup de violence et de haine de surcroît, et tout ça pour quoi ? On se le demande, la violence semble en effet bien gratuite dans ce film, et Aronofsky bien complaisant (mais au regard de sa filmographie ce n'est guère étonnant). De plus, tout sonne faux, artificiel au possible, du maquillage aux costumes faussement élimés pour faire plus authentique, en passant par les effets spéciaux fort disgracieux, et les acteurs insipides au possible. Et que dire de cette façon de réinterpréter la Bible pour en faire un pseudo pensum écolo-stupido-moche pour adolescents attardés et avides de sang qui gicle et de tripes étalées ? Une fois encore, tout ça pour ça ? Est-ce donc tout ce que le mythe de Noé avait à nous livrer ? Une vision nauséeuse et nauséabonde de la vie humaine ? Une vision haineuse de l'humanité, qui devrait être détruite sans espoir de survie ? Est-ce cela le message originel de l'histoire de Noé ? Non, je ne pense pas. Alors pourquoi ce film aussi violent ? C'est qu'Aronofsky doit avoir un problème... Son pessimisme est en effet atterrant. Et le peu de talent que je pensais avoir décelé chez lui semble définitivement évaporé. Non, décidément, rien à sauver du naufrage de ce long métrage et de son réalisateur.

[0/4]

mardi 1 octobre 2013

« Michael Kohlhaas » d'Arnaud des Pallières (2013)

    Le film d'Arnaud des Pallières repose sur deux bonnes idées : Mads Mikkelsen, et transposer l'intrigue du roman original dans les Cévennes. Ça s'arrête là. Le reste n'est que médiocrité. Médiocrité des acteurs, médiocrité du scénario, médiocrité des dialogues, médiocrité de la réalisation, malgré une vague tentative esthétisante et une photographie assez réussie. Oui, il faut bien le talent de l'acteur danois pour donner corps à son rôle étriqué (du point de vue de l'écriture : le mari éploré en quête de vengeance), et nous faire oublier qu'il baragouine le français, malgré tous ses efforts et des tirades réduites au possible. Le problème de ce long métrage est qu'il n'a ni rythme ni souffle. Rien. Il consiste en un enchaînement de scènes mal jouées et peu crédibles. Quant à l'histoire... Pour mieux signifier l'amour qui unit Kohlhaas à sa femme, le réalisateur ne trouve rien de mieux que de les filmer dans une partie de jambe en l'air mouvementée (et ultra détaillée, s'il vous plaît), devant leur fille... Elégant. Mais nulle émotion ne transparaît, et comble du comble, après la mort de l'épouse du héros, on ne ressent plus sa présence en filigrane, et on se demande pourquoi Michael se bat... Voilà qui donne le ton du long métrage : un long métrage où le cinéma se résume à l'image, dans toute sa superficialité. On filme l'amour par la façon la plus superficielle qui soit. On montre des acteurs au visage buriné pour faire authentique, sous des tonnes de crasse pour bien faire moyenâgeux. On filme le sang. On filme des gens qui prennent littéralement les armes (très intéressant de filmer des gens qui ramassent des armes, les rassemblent, s'en vêtissent, dans un joli cliquetis...). Mais aucune âme, dans tous les sens du terme. Ce film ne vit pas. Il enchaîne les plans, et de beaux paysages, certes. Que reste-t-il alors ? Mads bien sûr. « Michael Kohlhaas » se résume en fait à son interprète principal. Handicapé par la langue, il a suffisamment de présence pour porter le long métrage à bout de bras. Mais hormis voir Mads Mikkelsen faire du cheval, pleurer et se venger, le « Michael Kohlhaas » d'Arnaud des Pallières a-t-il un quelconque intérêt, le long de ses 2 heures ? Non, j'en ai bien peur. Arnaud des Pallières n'a ni l'intelligence ni le cœur d'un John Ford ou d'un Akira Kurosawa. Et c'est bien des artistes de cette trempe qu'il manque aujourd'hui au cinéma français, et mondial.

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mercredi 19 juin 2013

« La Chinoise » de Jean-Luc Godard (1967)

    Gloire à Mao, le Grand Timonier ! ¡ Viva la revolución ! Qu'est-ce que « La Chinoise », sinon un petit cours de marxisme-léninisme à usage d'étudiants en mal de sensations et dont la vie semble dénuée de sens ? Sinon un petit pamphlet juvénile d'un bourgeois qui culpabilise de sa situation pour le moins aisée (Godard pour ne pas le citer) ? Si Tonton Jean-Luc dénonce avec raison la société de consommation (ou « de prostitution » comme il l'appelait dans « 2 ou 3 choses que je sais d'elle »), que dire de sa pensée plus qu'étriquée dans son carcan politico/économico/social d'un rouge sanglant ? Je ne peux résister à la tentation de vous offrir un florilège de la pseudo-pensée du pseudo-penseur qu'est « le plus con des Suisses pro-Chinois » (ce n'est pas de moi), c'est-à-dire des extraits des pseudo-dialogues du film. « On est obligé de chercher notre idéal à des milliers de kilomètres, à Pékin »... « Les universités qui sont fermées [en Chine], moi je trouve ça formidable! […] Pour le moment les étudiants sont aux champs et font des travaux manuels »... « Tous les chemins mènent à Pékin »... Le tout avec la chanson « Mao Mao » en fond sonore et le Petit Livre rouge en 10 000 exemplaires dans la bibliothèque de Wiazemsky, en arrière plan la moitié du long métrage. Si on n'avait eu vent des horreurs du régime communiste chinois, ou même du régime soviétique russe, et si la majeure partie de l'intelligentsia française de l'époque n'avait cautionné les atrocités de tels gouvernements, on pourrait presque en sourire... Même Godard doute de sa démarche, et laisse Francis Jeanson dire à Anne Wiazemsky, qui veut fomenter un attentat : « à quoi ça sert d'aller tuer des gens si tu ne sais pas ce que tu feras après ? ». Un des très rares éclairs de lucidité qui traversent le film. Parce qu'à un autre moment (chassez le naturel il revient au galop), Godard a grand peine à concéder que la mort de Staline fut une libération... Un peu fort de café, non ? « Mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ? Parce que je n'existe pas », se répondent deux voix. Mais si devrait dire Dieu (selon Godard), j'existe, mon nom est Mao! Oh oui Mao, toi le pur parmi les purs, le Rouge parmi les Rouges! Et toi, Sade, ô toi le parangon même de la vertu, ressuscite donc d'entre les morts! Et toi, Jean-Paul (Sartre pour les intimes), ô toi grand génie stérile (le stérile c'est de moi), viens illuminer mon cerveau de ta pensée! Voilà ce que crie Tonton Jean-Luc à travers ses images, d'ailleurs, criardes. Mais rien ne sourd d'autre que le vide, le néant, tant du film que de la pensée de Godard. Finalement, comme ce volet qui se referme de l'intérieur à la fin du long métrage, l'art de Godard aboutit à une impasse, il n'ouvre sur rien d'autre que lui-même et le nombrilisme aigu de son auteur.

[0/4]

samedi 8 juin 2013

« Modern Vampires of the City » de Vampire Weekend (2013)

    Dans une époque en quête de héros, Vampire Weekend figure (pour le moment) au firmament de la critique musicale indie/hipster/bobo/cool du jour. Mais que vaut vraiment « Modern Vampires of the City », au-delà de sa pochette à la photographie énigmatique ? Malheureusement, pas grand chose... voire rien du tout. A l'image de tout un pan de la musique d'aujourd'hui, le dernier album de Vampire Weekend est d'une fadeur sans nom. Pale resucée de la pop des 60 dernières années, leur « art » n'a rien digéré. Il recrache des tics (ici une ligne de batterie copiée-collée de U2, là des vocalises africaines), des attitudes, pose, mais ne propose rien de musicalement consistant. Mélange disgracieux d'influences plus ou moins avouables, musique sans goût et sans force, horriblement molle et consensuelle, la façon de faire d'Ezra Koenig et compagnie ne restera pas dans les annales. A vrai dire le seul moment réussi et admirable de leur dernier opus est cette marche harmonique, directement inspirée de l'illustre Jean Sébastien Bach, dans le morceau Ya Hey. Mais... cette chanson est horriblement laide avec ces voix trafiquées de bébé que l'on étrangle... A l'image de la musique des New-yorkais, c'est d'un goût plus que douteux. Quel dommage que leur paresse musicale! Ils se contentent vraiment du strict minimum. Et que dire des paroles! Vampire Weekend est juste un groupe de bobos mondains blasés de la vie à même pas 30 ans... Ils n'ont strictement rien à dire, et l’étalent 40 minutes durant dans leurs chansons. Tristement insignifiant.

[0/4]

samedi 30 mars 2013

« Amok » d'Atoms For Peace (2013)

    Depuis plus de 10 ans, et le basculement de Radiohead dans la musique électronique avec « Kid A », Thom Yorke use jusqu'à la corde une esthétique désincarnée. Épurant toujours plus sa façon de faire, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que des « blips blips » synthétiques en guise de mélodie, sur fond de percussions tout aussi artificielles, le tout rehaussé par des miaulements dépressifs, ayant pris la place de toute voix humaine... En solo, accompagné d'un super-groupe (comme c'est ici le cas), ou avec Radiohead, la musique de Thom Yorke perd année après année en âme et en consistance, pour s'enfermer dans des tics et l'auto-parodie la plus crasse. L'oxfordien ne surprend plus, malgré ses tentatives avant-gardistes. Il avait pourtant un certain talent, que l'on retrouve dans telle ou telle ligne mélodique (bien évidemment ensevelie sous un amas électronique d'un goût plus ou moins sûr), tel ou tel rythme décalé (Stuck Together Pieces, seule chanson où l'on perçoive la présence d'un réel musicien, en l'occurrence un percussionniste latino-américain), ou une chanson comme Before Your Very Eyes (le titre inaugural d'« Amok », et de loin le meilleur). Les singles ayant précédé la sortie de l'album (Default, Ingenue et Judge Jury and Executioner) sont d'une banalité affligeante. Le reste n'est peu ou prou que remplissage (Dropped, Unless, Reverse Running, Amok). Et que dire des paroles, tristes et absconses à mourir... Serait-il temps pour l'ami Yorke de quitter la scène musicale ?

[0/4]

mardi 4 septembre 2012

« Je vous salue Marie » de Jean-Luc Godard (1985)

    Dans ce patchwork d'images et de sons, seules quelques photogrammes sont beaux, quelques (très) rares interprètes ont la grâce. C'est bien peu. Le reste est vulgaire, incohérent, et surtout très laid. D'une modernité poussée au paroxysme, complètement désincarnée. Comme du sérialisme cinématographique raté, dans tous ce qu'il a de pompeux et d'inhumain. Dans tout ce qu'il a d'anti-cinématographique, par son jusqu'au-boutisme revendiqué. Ne parlons pas de toutes ces voix qui se télescopent, qui ne veulent plus rien dire, elles aussi d'une triste vulgarité. De la philosophie au rabais. Agrémentée de musique classique (Bach entre autres, rien que ça), de temps en temps poussée à fond. Des citations en veux-tu en voilà. Et Marie dans tout ça? L'Annonciation se fait sur le parking d'une station service. Marie joue au basket, elle se fout à poil (elle n'est pas la seule à se trimbaler nue on ne sais pourquoi d'ailleurs...). Joseph? Un rustre, un idiot pour tout dire. Une vraie tête à claques. L'univers de Jean-Luc Godard est peuplé de ces paumés qui fument, comme pour mieux passer leur temps alors qu'ils n'ont plus aucune étincelle de vie, et mieux se meurtir. L'art – mais peut-on encore parler d'art ? – de Jean-Luc Godard est complètement sclérosé. Il recycle de vieilles méthodes, n'a plus rien à dire, reformule des choses qu'il ne sait plus exprimer... Le néant. Ce film n'est même pas un film, il s'autodétruit sous nos yeux, il n'est même pas construit. C'est une suite d'essais, de bouts de pellicules sans aucun intérêt, avec de temps en temps une parole, un son, une image qui ressort. Et encore, je suis bien généreux. Que retenir de tout ça? Que l'on a perdu son temps, que Godard a gâché de la pellicule, qu'il ne reste plus rien de la Nouvelle Vague et que son héritage est mortifère (voir Desplechin, Honoré et tous ces réalisateurs dans une impasse). Zéro pointé.

[0/4]

samedi 26 mai 2012

« Take Shelter » de Jeff Nichols (2012)


Totalement anecdotique. Il est remarquable, une fois de plus, de constater comment, lorsqu’un cinéaste américain s’empare d’un sujet intéressant (je vais y revenir), il le vide de toute sa potentielle richesse, le transformant en une soupe populaire (dans le mauvais sens du terme) de plus, vidée de toute intelligence, de toute poésie, de toute profondeur, de toute beauté. Et je ne parle pas ici du cinéma dans son acception technique, je ne parle aucunement de mise en scène. On sait bien que les américains ont abandonné depuis longtemps cette vielle antienne artistique ressassée par ceux qui aiment à "se prendre la tête" (voir en ce moment les commentaires de la presse cannoise dès qu’il est question de mise en scène)… Jeff Nichols filme, non pas avec simplicité, mais avec académisme. Sa mise en scène, sinon inexistante, est totalement formatée : jamais il n’ose le moindre écart, la moindre expression d’une patte un temps soit peu personnelle. Nichols reste par ailleurs fidèle à cette tradition hollywoodienne qui consiste à user toujours à grand renfort d’une musique cavalière et pompière pour souligner la moindre émotion, le moindre regard révélateur, le moindre petit embryon de tension dramatique. C’est fatiguant... Cela nous vaut des scènes à la limite du supportable. On notera celle, emblématique du vide intrinsèque qui sous-tend l’ensemble du film, où il est question d’ouvrir une porte. Peut-être 10 minutes d’un jeu sur les nerfs du spectateur, jeu qui relève vraiment de la torture, jeu totalement gratuit et injustifié par ailleurs (si ce n’est pour prolonger la durée d’un film qui, vidé de ce qui ne sert à rien, serait classé dans la catégorie des courts métrages), pour savoir si le personnage va ouvrir la porte de son abri : "- Ouvre la porte. – Non, je ne peux pas, ouvre-là toi. – Non, c’est à toi de l’ouvrir. – Mais je ne peux pas. – Fais-le pour nous."… Et là, je résume à outrance, sans tenir compte des longues minutes de silence (enfin c’est une façon de parler, n’oublions pas la musique qui nous rappelle que c’est tendu) qui égrènent chacune de ces répliques… Bref, Nichols n’est pas ce que j’appelle un cinéaste, c’est à dire un artiste. Je m’y attendais, alors passons. Je reviens sur l’enjeu du film, qui lui, aurait pu être prometteur. Pour faire simple, un homme, hanté par des cauchemars et envahi par des visions d’une tempête apocalyptique dont la pluie huileuse rendrait les hommes fous, décide d’agrandir l’abri anti tornade de son jardin, au prix de sa ruine financière et de son isolement social. Forcément, il est considéré comme fou par ses voisins et ses proches, moins par sa femme, qui cherche à l’aider et qui fait preuve d’un véritable amour envers lui. Mais lui ne peut pas agir différemment qu’en suivant ce qui dépasse la simple intuition mais relève plutôt de la prescience. Le cinéaste aborde ici un sujet assez fort, très emblématique des tourments et des angoisses actuels de la civilisation occidentale, confrontée à des crises qui menacent de l’anéantir. On pense bien sûr à la crise écologique et l’épuisement des ressources premières qui constituent une catastrophe potentielle qui peut s’avérer chaotique dans une société au fonctionnement extrêmement complexe, devenue totalement dépendante du pétrole, et peuplée d’individus ayant atteint un degré d’hétéronomie sans précédent historique. Mais le fait qu’il y ait bien d’autres crises ainsi structurelles, et non pas seulement conjoncturelles, conduit naturellement à un intense malaise civilisationnel, malaise renforcé et accentué par le fait important que cette civilisation n’est plus, aujourd’hui, porteuse de sens. Ce malaise se traduit dans le cinéma par cette vague de films plus ou moins vaguement apocalyptiques qui envahit nos écrans, et dont le plus illustre représentant reste certainement le «Melancholia» de Von Trier (qui fait beaucoup d’ombre à ce «Take Shelter»). Nichols, lui, s’avère incapable d’offrir un peu de consistance à son propos. Certainement inspiré par la mouvance survivaliste (très importante aux USA), le cinéaste est impuissant à en traduire la complexité et à poser la question intéressante de la pertinence d’une certaine paranoïa. Ce n’est sûrement pas en donnant raison à son héros, dans une scène finale largement téléphonée, que Nichols pousse le spectateur à une quelconque réflexion. Même sans proposer une certaine qualité artistique, qui semble désormais hors d’atteinte outre Atlantique, «Take Shelter» aurait pu être un divertissement pertinent, capable d’interroger sur les angoisses d’une époque et de donner naissance à l’une de ces belles figures cinématographiques oscillant indistinctement entre grande sagesse et profonde folie, figures immortalisées notamment par Kiichi Nakajima du «Vivre dans la peur» de Kurosawa ou le Domenico de «Nostalghia» (toute proportion gardée par ailleurs dans la comparaison). Au lieu de ça, «Take Shelter» n’est qu’un film catastrophe platement psychologisant, incapable de s’extraire de son fumier hollywoodien.

[0/4]      

mardi 20 mars 2012

« Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne » (The adventures of Tintin : secret of the Unicorn) de Steven Spielberg (2011)

J’ai souvenir, quand j’étais enfant et que je jouais à des jeux vidéos, que des instructions de mise en garde contre l’épilepsie étaient clairement écrites sur les boîtiers des jeux. Il s’agirait je pense d’un devoir de santé publique que d’écrire en gros sur l’affiche du Tintin de Spielberg des mises en garde de même nature… Pour poursuivre le parallèle, évident, avec les jeux vidéos, il y a dans tout jeu vidéo des séquences animées dites séquences "cinématiques", qui viennent ponctuer des passages de niveaux ou qui servent d’introduction ou de conclusion au jeu. «Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne» n’est rien de plus qu’une séquence cinématique du même genre, étirée sur plus d’une heure et demi. L’utilisation du terme "cinématique" signifie t’elle qu’il s’agit pour autant de cinéma? Sûrement pas! Spielberg propose là un spectacle animé qu’il serait urgent, pour la survie du cinéma, de diffuser hors des salles mais là où ce type de divertissement doit trouver sa place : dans des parcs d’attraction. Et question sensation physique, le film n’a rien à envier aux manèges les plus vomitifs de la Foire du Trône! On en ressort avec le même terrible mal de crâne et le besoin quasiment vital de s’isoler dans le silence et le noir, histoire de retrouver un peu ses esprits dans le calme. Tenez-vous bien, Spielberg a réalisé là le film le plus agité qu’il m’ait été donné de voir en se tenant avec une fidélité sans faille à un cahier des charges ne comportant qu’un seul impératif : aucun temps mort. On vit donc la projection du film en apnée, le cinéaste ne nous laissant jamais le moindre instant de répit. A un rythme normal, disons plutôt humain, il faudrait sûrement multiplier par 3 ou 4 la durée du film… Même les séquences de relative accalmie, entre deux scènes d’action survoltée, sont filmées à un rythme démentiel, avec une caméra (peut-on encore parler de "caméra" pour un film de synthèse?) qui trouve toujours prétexte à gigoter en tout sens. Je ne crois pas qu’il y ait le moindre plan fixe (idem précédemment, peut-on encore parler de "plan"?) sur les 1h40 du film… «Les aventures de Tintin : le secret de la Licorne» est un film qui ne repose que sur un motif : la course-poursuite. Tout le reste (l’émotion ou le scénario par exemple) est totalement accessoire. Même l’humour ne peut plus fonctionner lorsque tous les récepteurs émotionnels et sensitifs ont été préalablement mis en sommeil. L’utilisation de la motion capture, qui nous vaut des personnages aussi expressifs qu’un fond de poubelle, trouve alors effectivement sa pleine justification, puisqu’il ne s’agit plus dès lors que de montrer des images en tant que simples tâches visuelles, des corps déréalisés engagés dans un mouvement perpétuel. Et je passe sur la laideur extrême de l’image, le travail esthétique du film reposant principalement sur l’utilisation de couleurs acidulées qui vont tellement saturer vos rétines que le monde réel pourra vous paraître en noir et blanc à la sortie de la projection… Les "tintinophiles" de tout bord (dont je ne fais pas partie, le monde de la BD m’étant totalement étranger) devraient sortir révulsés d’un tel outrage esthétique à la fameuse ligne claire de Hergé, qui me semblait plutôt correspondre à une certaine économie de moyens… Pour couronner le tout, John Williams vient coller au film une insupportable bande sonore qui ne s’arrête jamais, comme une ritournelle infernale qui ne fait qu’empirer la méchante migraine qui pointe son nez dès les 10 premières minutes… Il faudrait sérieusement s’interroger sur les ravages qu’un tel film peut provoquer sur la jeune cervelle de nos bambins, ravages à mon avis comparables à ceux d'une prise de drogue (combien de neurones en moins à la minute?). Spielberg vient une fois de plus d’exceller dans un exercice dont il est, avec Georges Lucas, le maître incontesté : creuser un peu plus profondément encore la tombe du cinéma... Tout amateur de cinéma d’art en sortira triste, et légèrement déprimé.

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mardi 13 mars 2012

« Le marin masqué » de Sophie Letourneur (2012)

Apparemment remarquée par un premier long métrage que je n’ai pas vu (et que je ne verrai pas), Sophie Letourneur rempile illico avec ce moyen métrage parfaitement calibré pour une génération de trentenaires parisiens "adulescents" (comme on dit désormais), que l’on imagine aisément englués dans un embourgeoisement moral et un néant spirituel qui confinent à la pathologie psychologique. «Le marin masqué» raconte la virée de deux jeunes parisiennes à Quimper, le temps d’un week-end, l’une, heureuse en amour, cherchant à faire oublier à l’autre l’échec de sa vie sentimentale. Après avoir recroisé un éphémère amour de jeunesse, la première rentrera à la capitale nostalgique et angoissée quant à l’avenir de son couple, tandis que la seconde aura retrouvé un brin d’entrain. Sophie Letourneur dresse, bien malgré elle, le portrait (fort réussi cela dit) d’une génération atomisée et infantilisée, au style de vie moralement anomique. Lorsqu’on scrute l’insondable richesse et profondeur de l’existence, les petites contrariétés de ces deux ados gâtées ont bien du mal à revêtir la moindre once d’intérêt… Pour ma part, ce naturalisme de bas étage est au cinéma ce que cette nouvelle chanson française, disons à la Bénabar, est à l’art musical : sa forme la plus crasse et la plus pauvre. La réalisatrice cherche pourtant, par tous les moyens qu’elle connaît, à s’écarter du naturalisme plat de son film, par l’utilisation du noir et blanc, d’effets sur l’image (cadre détouré) et par les moyens de la distanciation sonore (voix off). En vain... Au final, elle ne fait que filmer "comme" : comme le Garrel de «La frontière de l’aube» (la qualité de la photographie en moins), couvert d’un jeu sur deux niveaux sonores rappelant le Godard de «Bande à part». Mais contrairement à ces évidentes références, rien dans son film ne justifie une telle stylisation, et le film ne décolle jamais vers autre chose que la pesante trivialité des discussions de ces 2 copines, enfermées dans une petite bulle bourgeoise que l‘on crèverait d’envie de faire éclater… Là où Eustache, dans «La maman et la putain», dressait le portrait d’une jeunesse assez similaire de par sa médiocrité spirituelle pour montrer l’effondrement moral d’une société, Sophie Letourneur cherche vainement à donner de la profondeur à cette jeunesse en lui accolant un sentiment nostalgique. La vulgarité du langage des personnages de «La maman et la putain» était à l’image de leur perdition. Ici, dire que l’on est constipé ou que l‘on a ses règles n’a pour objectif qu’un pitoyable effet de réel. Bien évidemment, cela se fait au prix de la poésie, après laquelle court désespérément la jeune cinéaste... «Le marin masqué» est un film que l’on pourrait qualifier de régressif, réalisé par une fifille à son papa, qui rêverait de remonter voir le monde sur les épaules de ce héros paternel qu’aucun jeune homme de passage ne peut égaler. Telle est bien la seule "idée" de ce film, désolant par ailleurs, idée largement soulignée par une fermeture à l’iris sur la figure de ce marin masqué qu’est la figure paternelle : la petite fille est amoureuse de son papa chéri… Qu’il est dur de devenir adulte!

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dimanche 4 mars 2012

« Agora » d'Alejandro Amenábar (2009)

    Un péplum à prétention philosophique des plus consternants. « Agora » compte parmi ces reconstitutions en carton pâte d'une époque antique fantasmée, et figurée à grands renforts de décors grandiloquents ainsi que d'images de synthèses qui cachent mal leur laideur. S'appuyant sur des faits historiques, il retrace la vie d'Hypatie, femme philosophe du IVème siècle après Jésus-Christ, vivant à Alexandrie au milieu de romains, de juifs et de chrétiens. Le long de ses deux heures, nous assisterons à une multitude de massacres en tous genres, à quelques exposés lénifiants sur le géocentrisme et l'héliocentrisme, et bien évidemment à une histoire d'amour contrariée. C'est peu... Alejandro Amenábar est visiblement plus à l'aise pour filmer des combats sanguinolents (encore qu'il filme mal, il n'a pas l'envergure d'un Ridley Scott, encore moins d'un Kurosawa) que pour donner chair à ses personnages. Le long métrage est parcouru de confrontations en tous genres, mais rien de bien intéressant n'en ressort, le cinéaste ne s'attarde que sur la trajectoire d'Hypatie sans parvenir à construire un propos digne d'intérêt. Et que dire de la mise en scène assez grotesque : les méchants chrétiens sont tous vêtus de noir et les gentils de blanc, au cas où le spectateur n'aurait pas compris ce qui se trame à l'écran... On frôle la caricature.

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mercredi 12 octobre 2011

« Minuit à Paris » (Midnight in Paris) de Woody Allen (2011)

Le Paris mythique des années 20, peuplé des grands noms de la peinture et de la littérature, vu par un New-Yorkais. Et bien… c’est désolant. Dans un Paris de cartes postales (on croirait certains plans extraits du Amélie Poulain de Jeunet), peuplé de touristes ultra-riches dont Allen nous dresse un portrait vaguement grinçant, déambule un écrivaillon américain, nostalgique d’une époque qu’il n’a pas connue, et qui voudrait refaire du Balzac. Chaque nuit, à minuit, dans un coin de rue, il franchit le temps et se retrouve dans le Paris des années 20, rencontrant dans le premier bar venu Dali discutant avec Buñuel et Man Ray, passant soirée après soirée en compagnie d’Hemingway, Picasso, j’en passe et des meilleurs. Au cours d’une de ces soirées, il rencontre une certaine Adriana, beauté mélancolique (oscar de la minauderie pour Marion Cotillard), amante et muse à ses heures des grands peintres de l’époque. Allen nous propose une visite dans un Paris imaginaire, sous forme de promenade dans le musée Grévin. Il enchaîne ainsi jusqu’à l’écœurement les exhumations de grands artistes, proposant des portraits se voulant caricaturaux mais en réalité se limitant à de grotesques tentatives d’imitations. C’est ainsi que Hemingway est présenté comme un rustre, voulant boxer le premier qui ne reconnaîtrait pas en lui le plus grand des écrivains, que Buñuel a l’allure d’un abruti incapable de comprendre le scénario de son propre film «L’ange exterminateur», que lui suggère notre écrivain de pacotille, que Dali pousse avec exubérance son accent anglo-espagnol (?) pour répéter interminablement son nom, tout en voyant des rhinocéros partout… Chacun de ces illustres artistes, portés par une interprétation dont les comédiens devraient être honteux, est ainsi allègrement tourné au ridicule, sans que la moindre lueur d’humour n’émane jamais de ce grand-guignolesque défilé, d’une crasse vulgarité. Ca en devient même très vite insupportable, car faute d'humour, c'est un sentiment de manque profond de respect qui émerge. Et tout ça pour quoi me direz-vous? Pour une morale surfaite, téléphonée dès les 10 premières minutes du film : il ne faut pas idéaliser une époque antérieure prétendue meilleure, chaque époque se vaut et il faut jouir du présent. Non seulement le propos est d’un cliché frisant le ridicule, mais Allen n’hésite pas à le sur-expliciter, histoire d’être sûr que tout le monde comprenne bien. En voyant «Minuit à Paris», on en vient plutôt à se dire que non, toutes les époques ne se valent pas, et que fut un temps, un certain âge d’or du cinéma (disons les années 60), où une telle daube aurait été l’occasion d’un lynchage en règle du soi-disant cinéaste l’ayant pondue, ou, à défaut, d’une méprisante ignorance. Mais Allen se croit moins conformiste qu’il n’est, et se la joue gentiment rebelle, en parsemant ici ou là son film de quelques piques politiques à destination des républicains américains (bouh les méchants Tea-Party, bouh les guerres de pétrole, bouh les riches pédants, vive la liberté et la démocratie, et vive la vie de bohême !). On appréciera la teneur du propos du cinéaste quand il fait tourner la femme du président français et ce grand défenseur du bouclier fiscal qu’est Gad Elmaleh… Le film s’achève sur une note d’émotion qui fera pleurer les minettes adeptes des guimauves édulcorées. Je crois bien que je viens de voir mon dernier Woody Allen... Consternant.

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mercredi 27 juillet 2011

« J'ai rencontré le diable » (Akmareul boatda) de Kim Jee-woon (2011)

    De temps à autres, comme ça, il sort sur nos écrans un film extrêmement violent qui surpasse en horreur la plupart de ce qui a déjà été tourné (même si je suppose, hélas, qu'il y a « pire »). Celui-ci en l'occurrence ne manque pas de « tenue » : cadrages millimétrés, plutôt bons interprètes, photographie léchée... Mais de là à parler de réflexion sur la violence... La seule question qu'il pose c'est surtout pourquoi sommes-nous là en train de le regarder? Pourquoi regarder un film avec un type qui viole en gros plan, et qui découpe soigneusement ses victimes? Et quel besoin a-t-on de faire des films aussi cruels et nauséabonds? Est-ce la recherche d'une quelconque catharsis? Eprouve-t-on du plaisir à réaliser, et à jouer dans un tel long métrage? Voilà peu ou prou ce que « J'ai rencontré le diable » propose à l'intellect. Pour le reste il joue habilement avec le spectateur, avec son dégoût et son angoisse, le suspense étant maintenu, et l'obscénité soigneusement entretenue... Mais rien de plus facile que de donner chair à un personnage détestable pour le donner en pâture à un justicier fou de douleur, et à un spectateur qui veut voir le méchant s'en prendre plein la tronche. Jusqu'à ce que les rôles s'inversent et que le justicier/spectateur devienne aussi lamentable que le meurtrier du film. Et c'est vrai : si vous allez voir ce film, vous serez juste un peu plus amer... Selon moi un film à soigneusement éviter donc. Surtout que la mise en scène (déjà-vue) de Kim Jee-woon ne vaut en aucun cas le déplacement : c'est toujours bien le grossier réalisateur de « Le Bon, la Brute et le Cinglé » aux commandes, mêmes couleurs et mêmes mouvements de caméra clinquants, pour un résultat tout aussi vain (même si « Le Bon... » était au moins vaguement divertissant).

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samedi 16 juillet 2011

« Steamboy » (Suchīmubōi) de Katsuhiro Ōtomo (2004)

    Autant « Akira » parvenait en partant d'une situation relativement simple, réaliste et vraisemblable à dire beaucoup de choses tout en faisant preuve d'une admirable virtuosité graphique (malgré ses excès), autant « Steamboy » s'embourbe dans son discours grandiloquent sur les méfaits de la science, sans parvenir le moins du monde à nous toucher avec ses personnages stéréotypés, et surtout à nous émerveiller par sa débauche visuelle d'assez mauvais goût. Contrairement à Miyazaki, Ōtomo ne sait pas doser le mélange entre animation numérique et animation traditionnelle : de très nombreux passages sont laids pour ce qui est des mouvements ou des différents plans de l'image, mal coordonnés. De plus, la colorisation numérique est froide et artificielle au possible, et elle aussi fort disgracieuse, il est donc dommage que le réalisateur japonais ait choisi d'en user aussi souvent. Ajoutons à cela une esthétique ressuscitant un âge d'or industriel fantasmé, plein d'engrenages et de machines à vapeur, mais omniprésents jusqu'à l'indigestion, et nous obtenons un énième dessin animé pompeux et clinquant (c'est paraît-il le film d'animation japonais le plus cher de l'histoire – inutile de préciser que c'est loin d'être le meilleur...) de plus, malheureusement consensuel au possible. Ça explose de toutes parts mais rien n'y fait, on s'ennuie à mourir devant cette histoire mille fois déjà-vue de jeune élu entre les mains duquel repose l'avenir de l'humanité. Le propos sur la science n'est pas inintéressant, mais pas de quoi s'emballer, il reste suffisamment en surface pour demeurer dans la sphère du divertissement dans ce qu'il a de plus basique : des méchants bien méchants, une jeune fille dont le coeur reste à conquérir, des courses poursuites, des fusillades, une musique pompière... Mais tout ça pour rien. Il manque une véritable sensibilité à Ōtomo pour faire de cette rutilante mécanique autre chose qu'un jouet de luxe pour enfant gâté... En somme, une superproduction sans âme de plus...

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lundi 4 juillet 2011

« Simon Werner a disparu… » de Fabrice Gobert (2010)

Le film nous apprend une chose, de manière décisive : ce n’est pas de côté-ci qu’il faut regarder si on veut chercher le renouveau ou même l’avenir du cinéma français. «Simon Werner a disparu…» est un film d’une médiocrité sans nom, réalisé par un jeune cinéaste qui doit nécessairement avoir pour lui d’être un sacré baratineur et un petit malin. On peut en effet se demander comment Gobert a réussi à obtenir les financements pour réaliser une telle supercherie, mais surtout comment il a fait pour embarquer dans l’aventure Agnès Godard, la photographe attitrée de Claire Denis, et le groupe new-yorkais Sonic Youth… Non pas qu’Agnès Godard ait déjà participé au moindre chef d’œuvre, ou que Sonic Youth soit un grand groupe de musique (ils le furent un jour cela dit), groupe qui s'affirme comme spécialiste des bandes originales de navets français (ils étaient déjà à l’œuvre dans le catastrophique «Demonlover» d’Assayas), mais quand même, quand on voit à quel point le film est de mauvais goût et comment il révèle la futilité du projet cinématographique de Gobert, on peut s’interroger. Pour être plus clair, le scénario n’a rien à envier à un banal épisode d’un quelconque feuilleton télé français pour adolescents pré pubères, avec tous les clichés possibles dans le portrait dressé de la jeunesse lycéenne : le beau gosse, l’homo, la «gothique» et ses cheveux rouges, la bombe du lycée, le fils de prof coincé avec la raie au milieu, etc… Tous ces clichés interprétés par des non-acteurs, certes mauvais, mais en possession d’un texte qui n’est pas là pour les aider (je n’ai pas souvenir qu’au lycée je parlais de mes camarades en citant leur nom et prénom comme le font les ados du film: «Peut-être qu’on devrait aller à la fête de Jérémie Legrand ?»…). Quant à la forme (mais aussi toujours au fond finalement), Gobert cache mal sa fascination pour le gugusse du cinéma indépendant américain, celui qui fait des films à partir de rien, le bien nommé Gus vent Sant et son film palmé «Elephant». On peut même parler franchement de plagiat : Gobert ne se contente pas de reproduire le principe des mêmes séquences remontrées sous différents points de vue mais pousse le vice jusqu’à faire des plans séquences dans les couloirs du lycée en suivant les personnages de dos… Même si le film de van Sant n’était pas un chef d’œuvre, ses plans séquences avaient quand même une autre allure que le pauvre spectacle offert par ce navet. Gobert se rêverait d’être le van Sant français (rêve déjà, en soi, bien attristant et révélateur d’une misère artistique certaine), mais il n’en est qu’un ringard avatar. «Simon Werner a disparu…». Espérons qu’il en sera de même pour Fabrice Gobert à l’affiche de nos salles de cinéma.

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lundi 23 mai 2011

« In girum imus nocte et consumimur igni » de Guy Debord (1978)

    Pathétique. Mince alors, Guy Debord ne fut pas Rimbaud! Il a vécu sa vie de débauché dans un Paris qui n'est plus. Bien, mais qu'en a-t-il tiré? Des Illuminations? Une saison en enfer? Non, rien de tout cela. Par dépit il a alors tourné un film à sa gloire. Mais quelle gloire? De quoi peut se flatter Guy Debord? Peu de choses j'en ai peur. Et donc lui qui vocifère contre la société de consommation, voilà qu'il crée (ou prolonge) un « genre » bien de notre temps : le narcissisme « artistique ». Un film à la gloire de quelqu'un qui n'a rien fait, un film à sa propre gloire donc. Le récit de son histoire, voire la mise en scène rétrospective de sa vie, pour qu'il en reste tout de même quelque chose... Quelle profonde arrogance de Guy Debord, qui souffle son mépris des hommes à la face du spectateur, se délectant de lui tenir un discours peut-être différent du commun de la production cinématographique quant à sa forme, mais pas si novateur ni aussi révolutionnaire que cela... En effet, à l'instar de ce qui se faisait déjà dans les années 20, « In girum... » n'est rien de plus qu'un film de propagande. Que cette propagande soit idéologique, ou qu'elle serve plus simplement à donner des semblants de raisons à Debord pour justifier la réalisation de son film, peu importe, tout cela avoisine au final le néant. Et comme tout film de propagande qui se respecte, il cherche à convaincre par tous les moyens... Ce n'est donc pas de l'art que nous « offre » Debord, mais bien (au surplus de son mépris) une prise en otage du spectateur, en lui faisant croire que le monde et la vie se réduisent à la société de consommation et à la « réalité objective » d'une humanité livrée à elle-même... Bien évidemment Debord a un arsenal d'arguments bien affutés. Il a aussi une effronterie à toute épreuve et ridicule de grandiloquence aujourd'hui fanée, se sentant grand libérateur des consciences quand il ne tient que le point de vue d'un banal sociologue tout épris de lutte des classes... Reconnaissons toutefois l'analyse qu'il fait de la société de consommation, qui a au moins le mérite de proposer matière à réflexion. De là à voir en Guy Debord un quelconque artiste ou poète...

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dimanche 15 mai 2011

« Viva la vie » de Claude Lelouch (1984)

Evoquer le cinéma de Lelouch dans un cercle de cinéphiles conduit inévitablement, après le passage obligé des éclats de rires sardoniques, à relancer le débat sur le cinéma «populaire». Lelouch est bien LE cinéaste «populaire» français, celui qui catalyse le mépris des uns (les mêmes qui restent malgré tout les premiers à dénigrer les expérimentations d’un Godard), et celui qui depuis des années s’est créé un vrai public, qui le suit, bon gré, mal gré. Il est du coup très difficile d’obtenir un avis objectif sur ses films dans la critique française et c’est en raison de certains avis très favorables dans la critique étrangère que j’ai décidé de me pencher un peu sur le travail de ce cinéaste (notamment l’admiration revendiquée de Kubrick pour des films comme «Viva la vie» ou «La bonne année» qui était même le film préféré du réalisateur de «Barry Lindon»!). Parlons du film donc. «Viva la vie» est un film au scénario complètement abracadabrantesque, de ceux que l’on peut lire sous la plume d’un collégien après un devoir de rédaction. Il faut bien saluer le courage de Lelouch pour assumer une telle histoire et avoir l'audace de la mettre en images! Outre le côté totalement invraisemblable de la chose (mais Lelouch s’en tire en faisant finalement de tout son film le rêve du protagoniste), c’est surtout dans la naïveté et le côté très enfantin, spielbergien du propos qu’excelle le film. «Viva la vie» est un film qui se révèle plein de bonnes intentions mais qui aura beaucoup de peine à intéresser un public adulte. Niveau réalisation, Lelouch n’est pas ridicule et essaie d’apporter un peu d’originalité à la construction narrative. Essayer n’est pas réussir malheureusement mais le cinéaste n’est finalement pas plus mauvais qu’un Truffaut, qui jouit pourtant, lui, et on ne sait trop pourquoi, d’une toute autre réputation alors que son cinéma est tout aussi populaire (mais plus petit-bourgeois) et que ses qualités de metteur en scène sont guère plus brillantes… On serait même plutôt tenté de soutenir davantage un Lelouch qui essaie, qui tente, qui cadre lui-même ses films, plutôt qu’un Truffaut qui n’a jamais fait que du très académique et du très convenu. Et ce, malgré les aspects un peu insupportables de Lelouch (il suffit de le voir se mettre en scène au début de «Viva la vie» et de voir la façon qu’il a de jouer la fausse modestie au cours de l’interview radiophonique pour donner aussitôt envie d’activer la machine à baffes). On notera ce qui est probablement l’une des pires musique de film qu’il m’ait été donné d’entendre et qui pourrait presque suffire à elle seule à classer le film dans la catégorie des nanars. Au final, «Viva la vie» est un film destiné à un public désireux de s’infantiliser quelque peu. Idéal un après-midi de vacances de Noël, pour combler l’ennui et digérer le trop plein, en somnolant légèrement.

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