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mardi 2 juillet 2013

« Le Fils unique » (Hitori musuko) de Yasujirō Ozu (1936)

    « Le Fils unique » compte parmi les meilleurs films d'Ozu, et parmi les plus sobres. D'une simplicité exemplaire, d'une retenue aussi bien stylistique que scénaristique sans pareille, il s'agit d'un long métrage terriblement émouvant. C'est l'histoire d'une veuve qui travaille dans une usine de confection de soie dans les années 1920, et qui se tue à la tâche pour offrir à son fils unique de quoi payer ses études. Alors qu'il a 27 ans, vers 1935, et qu'il est parti pour Tokyo, provoquant un douloureux déchirement, sa mère vient le voir. Mais sa vie est loin d'être aussi réussie qu'ils l'espéraient, et la mère semble abattue par la situation peu enviable de son fils. Il faut dire que la crise de 1929 est passée par là, et que ceux qui pensaient réussir à Tokyo ont pour la plupart déchanté. Pourtant, de ce noir constat, Ozu parvient à insuffler de l'espoir à ses personnages. Ce qui est incroyable, et qu'il faut louer, c'est l'abnégation de ses héros, qui traversent des moments difficiles, pleurent même, comme c'est rarement le cas chez Ozu, très pudique, mais qui décident de se battre. Je ne vous raconterai pas le fin mot de l'histoire, ni comment Ozu réussit à dépeindre l'espérance sur un arrière fond de déception. Néanmoins, j'aimerais évoquer le plan final du long métrage, à l'image de tout le film. Complètement fermé, il invite à la résignation. Et pourtant, cette insistance sur ce qui s'apparente à une impasse le rend d'autant plus prêt à s'ouvrir : c'est comme si toute cette frustration accumulée allait aboutir à un avenir meilleur. Ozu nous laisse là, sans en dire plus. Mais il a esquissé le signe que quelque chose avait changé dans le cœur de ses personnages, et que leur sacrifice ne sera pas vain. Ce qui donne une toute autre dimension à son « Fils unique », comme dans les films les plus vibrants de Kurosawa (« Je ne regrette rien de ma jeunesse », mais aussi « Rashômon », où là encore un enfant symbolise l'espoir le plus pur). Ozu n'est pas passé loin du chef-d’œuvre.

[3/4]

samedi 31 mars 2012

« Dernier caprice » (Kohayagawa-ke no aki) de Yasujirō Ozu (1961)

    Avant dernier film de Yasujirō Ozu, « Dernier caprice » s'inscrit tout à fait dans sa filmographie, qui se caractérise par une unité stylistique et thématique sans pareille. On ne peut que louer la science du cadrage du cinéaste japonais, l'harmonie de l'histoire et de son déroulement, dans la sérénité la plus franche. En revanche je n'ai pas éprouvé le même plaisir à visionner ce film d'Ozu que d'autres de ses longs métrages. La faute à une intrigue manquant d'ampleur, et à des acteurs pour lesquels on a quelque peine à s'identifier. Peut-être est-ce parce que je suis trop jeune encore... Bref, en dépit de qualités certaines, « Dernier caprice » ne compte pas à mon sens parmi les meilleurs longs métrages d'Ozu. Plusieurs passages, dont la fin, terriblement mélancolique, valent toutefois le coup d'œil. A réserver aux inconditionnels d'Ozu.

[2/4]

mardi 27 septembre 2011

« Fleur d'équinoxe » (Higanbana) de Yasujirō Ozu (1958)

    « Fleur d'équinoxe » est un film d'une facture remarquable, comme bien des oeuvres de Yasujirō Ozu sinon toutes. Le soin apporté au cadrage fait de chaque plan un saisissant tableau du Japon d'après-guerre, les teintes automnales renforcent le charme suranné de l'ensemble, la mise en scène est dépouillée à l'extrême et pourtant fait montre d'une richesse d'expression étonnante... Il faut dire que c'est avant tout la capacité d'Ozu à saisir les sentiments les plus retenus, cachés, dédaignés, qui donne à sa filmographie cette saveur si particulière, caractérisée par une cohérence thématique et formelle sans pareille. Ici il est question de la difficulté d'un père à laisser sa fille se marier avec l'homme de son choix : histoire fort commune, mais traitée avec une douceur et une mélancolie des plus touchantes. Ozu parvient en effet à retranscrire la douleur du temps qui passe sans jamais le montrer de façon ostensible, toujours dans cet état d'acceptation à regrets de l'évolution des sentiments et de ce moment où les enfants doivent quitter leurs parents... La cellule familiale est en effet une fois de plus au coeur des préoccupations du cinéaste, dépeinte comme à son habitude avec tendresse et pudeur. Toutefois, on pourra objecter que ce n'est pas le long métrage le plus dense du cinéaste japonais, ni le plus original : si tous ses films se ressemblent à peu de choses près, forme et fond se rejoignent avec plus de bonheur dans des films comme « Il était un père » ou le célèbre « Voyage à Tokyo ». Ici, l'humour ne fait pas toujours mouche et les interprètes ne s'avèrent pas tellement inoubliables... Si l'on excepte le fidèle Chishū Ryū, toujours aussi simple et émouvant.

[3/4]

lundi 29 août 2011

« Gosses de Tokyo » (Otona no miru ehon - Umarete wa mita keredo) de Yasujirō Ozu (1932)

    Très sympathique film d'Ozu, qui parvient comme à son habitude à allier épure stylistique et acuité du trait, brossant un tableau d'une grande justesse de l'enfance. L'une des premières qualités de ce long métrage est avant tout visuelle : il s'agit d'une sorte de suite de vignettes humoristiques, d'un enchaînement de gags dirigés avec une précision d'horloger. La composition méticuleuse (exceptionnelle devrais-je dire) du plan, le rythme de l'action et les bouilles typées des gamins donnent à l'ensemble une allure de joyeux conte picaresque, à la limite de la caricature. Mais Ozu ne s'arrête pas là, il inscrit son film dans un contexte historique donné, et en se plaçant à hauteur des enfants donne un éclairage saisissant d'une époque et des perspectives d'évolution sociale d'alors, guère optimistes... Car le cinéaste japonais s'attarde aussi sur les parents, et la façon dont il sont perçus par leurs enfants : idéalisés puis méprisés. Il garde toutefois sa sobriété légendaire pour en faire autre chose qu'un simple mélodrame social : « Gosses de Tokyo » est suffisamment épuré pour garder une pertinence intemporelle. On n'aura pas grand peine en effet à se retrouver dans ces enfants turbulents, apprenant à se connaître et à s'accepter après maintes bêtises et bagarres en tous genres. Saluons pour finir la photographie irréprochable de ce long métrage et l'interprétation remarquable, faisant de ce film muet sans musique et sans paroles (du moins dans la version qu'il m'a été donné de découvrir) un modèle du genre.

[3/4]

dimanche 3 juillet 2011

« Voyage à Tokyo » (Tōkyō monogatari) de Yasujirō Ozu (1953)

    Un chef-d'oeuvre. Voilà ce que l'on peut qualifier sans trop se tromper de perfection cinématographique. Un film qui refuse la dramaturgie traditionnelle et tout effet lacrymogène pour se concentrer sur l'indicible, le temps qui passe, la désintégration de la cellule familiale, la reconstruction du Japon d'après-guerre, le passage d'une génération à une autre, l'isolement, l'amour filial, des sentiments qui peinent à s'exprimer par les gestes ou les mots, un rythme lent et contemplatif... C'est le cours de la vie qu'Ozu dépeint, dans toutes ses contradictions, ses joies et ses peines, avec une subtilité qui force l'admiration : tout n'est que suggestion et retenue, une extraordinaire pudeur. Il est d'ailleurs bien difficile de décrire ce que l'on peut éprouver en tant que spectateur en regardant une telle oeuvre, sinon une sensation de discrète mélancolie, calme et douce, un émerveillement attendri devant la beauté indescriptible de ces plans inimitables, de ces personnages si humains et ce montage si organique... Le « Voyage à Tokyo » fait partie de ces films atteints par la grâce, réalisés par des artistes en pleine possession de leurs moyens, mais s'apparentant à tout sauf à une « démonstration de force ». Le dépouillement, voire l'austérité de la manière d'Ozu surprend au premier abord, mais pour qui se laisse porter par cette façon de faire si simple et si riche à la fois, voilà un film qui promet un moment bien émouvant. La mise en scène est magistrale, cet art de la composition du plan, fait de plein et de vide, est décidément tout japonais, et la façon particulière dont Ozu se sert du cinématographe lui permet de s'attarder sur ce que l'on a tendance à négliger, aussi bien d'un point de vue artistique et visuel, que d'un point de vue sentimental : ici l'affection des enfants envers leurs parents. Le « Voyage à Tokyo » est loin d'être le seul chef-d'oeuvre d'Ozu, à vrai dire nombreux sont ses longs métrages à l'égaler aisément, ce n'est donc pas à proprement parler le sommet de sa filmographie (il était d'ailleurs agacé que l'on puisse en voir le summum de son art, et il n'avait pas tort), mais l'une des multiples réussites qui émaillent sa carrière cinématographique. Incontournable.

[4/4]